« Ma Version de L’Histoire » Psychothérapie de couple témoin au Théâtre Michel
Si, aux prémices de sa création théâtrale, Sébastien Azzopardi ne sait plus s’il a vraiment vécu ce dont il est sur le point de nous entretenir, c’est que déjà l’écriture de sa pièce ne lui appartient plus…
Ainsi, de l’intime à l’universel, il n’y aurait qu’un pas à franchir, c’est celui de la reconnaissance du public, celle, bien sûr, qui consiste, par fidélité acquise, à spontanément faire crédit de la confiance portée à l’auteur mais aussi, avant tout, celle de se projeter par identification dans l’enjeu existentiel que celui-ci actualise présentement devant nous.
En effet, difficile de ne pas se sentir concerné par la mise en perspective de subjectivités aboutissant à relativiser tout point de vue faisant appel à la mémoire affective liée aux émois personnels dans leur confrontation à ceux de partenaires impliqués par les mêmes évènements relatés.
En l’occurrence motivé par sa propre expérience libidinale, Sébastien transposerait d’emblée dans la fiction l’histoire conjugale de Valentine et Sam qui, se trouvant subitement en porte-à-faux au bout de 20 ans de vie commune, seraient incités à effectuer une psychothérapie commune sur la pression impérieuse de son pôle féminin.
C’est pourquoi d’emblée installé sur un canapé symbolique face à la salle, le couple lambda s’épanchera sur ses contradictions internes que l’écoute attentive du public lui renverra frontalement en miroir sous arbitrage « psy » bienveillant et, osons le dire, complice.
C’est, de fait, l’interprétation sensiblement différente de moments clefs ayant jalonné leur parcours initialement amoureux qui fera office de catalyseur pour tenter, en les re-jouant à nouveau ici et maintenant en temps réel, d’en savoir toujours davantage sur la conduite d’antan afin d’anticiper celle de l’avenir incertain.
Ainsi exposés, les états d’âme pourront faire florès de la scène à la salle mais sans aucun flux d’interactivité car la règle du jeu consistera à ne focaliser le trop plein métaphorique qu’exclusivement à partir d’évènements charnières vécus par Sam & Valentine au diapason de leurs subjectivités réciproques et contradictoires.
Paradoxalement, le bouillonnement progressif des ressentiments ne se fera point dans l’accumulation des griefs mais dans l’étonnement non feint qu’en remontant le temps au long du comportement passé, de nouveaux territoires de discordes ou de malentendus surgiront sans avoir été réellement soupçonnés jusque-là.
Cependant tout semblera se passer comme si la mauvaise foi latente induite s’effaçait au fur à mesure que surgiraient, au vu de tous, des sincérités opposées mais apparaissant comme, sans doute, bien fondées.
Alors, bien sûr, on pourra toujours dire que l’adultère règne comme une épée de Damoclès sur leurs destinées, à preuve cette séduisante prof de guitare (Déborah Leclercq) censée n’incarner que l’amourette de leur rejeton (Alexandre Nicot) mais non pas l’égérie de Sam (Sébastien Azzopardi) ainsi qu’à preuve symétrique ce collègue masculin dont la carrière professionnelle s’entremêlerait étrangement avec celle de Valentine (Miren Pradier).
C’est pourquoi, de tiers suspects en dévoiements presque manifestes jusqu’aux quiproquos si mal gérés avec lapsus révélateurs à l’appui, le fil conducteur de l’amour aura été tellement malmené que la probabilité qu’il rompe est hautement envisageable mais cependant l’opportunité d’avoir laissé la parole libre s’exprimer sera ressentie comme un atout positif.
A chacun d’eux et aussi de nous d’en tirer profit vers le pragmatisme salvateur…
Au demeurant, il s’agit bien d’une Comédie superbement écrite, sonnant très juste dans ses postures et autres partis pris, excellemment interprétée par quatre comédiens ayant à cœur de jouer la pleine crédibilité de leurs partitions… selon une scénographie et une réalisation jubilatoires.
Bref, il s’agit bel et bien d’un engouement collectif empli à la fois de gravité et d’humour circulant avec satisfaction et rires de la scène à la salle sans néanmoins laisser place à la moindre condescendance artistique.
C’est, à coup sûr, du " Azzopardi " plus que jamais réussi.
photos 1 à 4 © Emilie Brouchon
photos 5 à 7 © Theothea.com
MA VERSION DE L'HISTOIRE - **** Theothea.com - de & mise en scène Sébastien Azzopardi - avec Miren Pradier, Sébastien Azzopardi, Déborah Leclercq & Alexandre Nicot - Théâtre Michel
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