Les montagnes du Moyen Atlas Marocain sont orphelines. Elles ne reprendront plus jamais en échos, les complaintes au nom des opprimés de ce pays, les chansons d’amour et de vie du chanteur Amazigh Mohamed Rouicha. Elles ne répondront pas non plus aux sons mélodieux de son « Loutar » instrument de musique traditionnelle qu’il a développée et modernisée ; ni aux percussions des bendirs des membres de sa troupe. La nouvelle du décès du grand chanteur amazigh Mohamed Rouicha a bouleversé ses nombreux fans. Le géant de la chanson amazighe s'est éteint mardi 17 janvier vers 13h dans son domicile de Khénifra, à l'âge de 62 ans après une carrière de près de 50 ans.
- Funeraille de Mohamed Rouicha
Né à Khénifra en 1950, orphelin de père, il grandit avec sa mère lalla Aicha à coté de laquelle il a souhaité être enterré. Résistante contre l’occupation, elle lui inculqua l'amour de son pays, de son terroir que sont les montagnes du Moyen Atlas du Maroc. De son vrai nom Abdel-Houwari ; Rouicha est un pseudonyme artistique qui vient de l'amazigh « Rwi » mélanger et « cha » quelque chose, un nom artistique que ses fans lui avaient donné et qui signifie mélanger quelque chose.
Il n'avait que quatorze ans quand pour la première, fois il chantait à la radio marocaine. Influencé au départ par les autres chanteur connus du Moyen Atlas comme Hemmou ou Lyazid et Bouzekri Amrane ; c’est dans les années quatre-vingt, que Rouicha va s’imposer pour devenir une star nationale. D’abord parce qu’en chantant dans les langues arabe et amazigh il a réussi à fédérer les deux langues dans ses chansons ensuite parce qu’il a réussi à séduire les marocains par ses mélodies et les thèmes de ses chansons qui parlent, d’amour, de frustrations et d’injustices, de solitude etc….
Poète parolier et compositeur, il a réussi à imposer son genre musical qui s’est étendu du Moyen Atlas, à toutes les régions du Maroc et à la diaspora marocaine à l’étranger. Dans son cheminement musical, il a été accompagné, de Chrifa, Yamna Aqqa, Tawsdant pour les choristes femmes et de Rahhou, Bouyqfa, Ahmouch… pour les hommes. La longévité de sa carrière musicale fait de Mohamed Rouicha l'un des doyens de la chanson marocaine. Il a réussi à consolider te revaloriser la mémoire collective du pays à travers ses créations et rythmes. Tout en innovant, il a développé la chanson amazighe et ses rythmes ancestraux. Son hospitalité légendaire faisait que sa maison à Khenifra était ouverte à tous les artistes.
Utilisant toujours les instruments de musique traditionnelle, il a refusé de « polluer » ses mélodies et ses chansons par des instruments modernes : guitares électriques pianos, orgues et autres synthétiseurs. Même le violon pourtant largement utilisé dans la musique populaire marocaine n’a pas trouvé place dans ses mélodies. Il retrouve de ce fait, le groupe mythique de musique marocaine et maghrébine
Nass El Ghiwane qui n’utilise que les instruments de musique traditionnels.
Dans une
interview accordée le 29/11/2011 il expliqua que « Ma situation d’orphelin précoce a eu peut-être un impact sur le choix des paroles et des mélodies. Mais ce n’est pas toujours vrai. J’ai chanté aussi la gaieté, la joie, l’amour et le bonheur. De plus, je crois que l’artiste doit exprimer les soucis et les souffrances de la société où il vit. Et ma foi, les gens aiment qu’on chante leur douleur. D’ailleurs mes tubes qui ont eu le plus de succès véhiculent un air mélancolique. J’aime chanter les préoccupations profondes et de l’individu et de la société. Pour ce faire, la poésie amazighe en est un support adéquat »
Pour ceux qui l’ont côtoyé dont un ami proche, Mohamed Rouicha était un homme fin, doux, gracieux et généreux. « Il était également, amoureux de son pays, fier de son identité amazighe. En s'adressant aux jeunes, il a dit en conclusion du Festival de Fès l'été passé : « Sauvegarder l'unité du Maroc, protéger votre pays contre tout ennemi ».
Dans la lettre de condoléance à sa famille le Roi Mohamed VI
signala que le décès de Rouicha "ne constitue pas uniquement une perte pour sa petite famille, mais aussi pour toute la famille artistique nationale et sa patrie, le Maroc, qui perd ainsi un artiste hors paire, d'une grande sensibilité, authentique et créatif", ajoute le message royal. "Le défunt restera à jamais gravé dans le registre d'or de la chanson populaire marocaine et un pilier de la chanson amazighe dont il est l'un des plus grands pionniers".
Le jour de ses obsèques c’est toute la ville de
Khénifra (perle du Moyen Atlas) qui est sorti pour son enterrement.