La musique klezmer ne peut certes rivaliser en termes d’audience avec les genres beaucoup plus médiatisés. Souvent confidentielle, elle est pourtant porteuse, ici d’une éclatante joie de vivre, là d’une nostalgie qui parle à l’âme de chacun. Venue des shtetlekh* (villages) d’Europe centrale et de l’est, la musique klezmer a vu le jour il y a plusieurs siècles au sein des communautés ashkénazes. Bienvenue dans le monde des klezmorim, ces musiciens chaleureux et authentiques, héritiers d’une très belle tradition...
De la même manière qu’il existait autrefois des musiciens dans nos campagnes pour faire danser et chanter les villageois au son d’un violon, d’une vielle ou d’un biniou, d’autres musiciens, à des milliers de kilomètres de là, animaient les fêtes dans les communautés juives de Lituanie, de Pologne, de Moldavie, de Galicie, de Biélorussie ou d’Ukraine. Cela n’avait pas toujours été le cas, l’usage d’instruments de musique ayant été interdit durant des siècles dans les fêtes juives en signe de deuil après la destruction du temple de Jérusalem en l’an 70 ; seul était autorisé depuis cette date l’usage du shofar, une sorte de trompe antique faite d’une corne de bélier.
Changement de ton au Moyen-Âge : les instruments de nouveau autorisés, la musique devient rapidement omniprésente lors des fêtes religieuses et des mariages qui marquent la vie des shtetlekh : progressivement la culture klezmer** s’enracine, portée par des musiciens itinérants souvent méprisés à l’égal des mendiants, mais dont on admire pourtant le savoir-faire. Ce qui n’empêche pas de les traiter de « klezmeruke », autrement dit de voyous, de gens de mauvaise vie, une réputation qu’ont également connue dans nos contrées les bateleurs nomades.
Les Juifs interdits de conservatoire
Paradoxalement, c’est une mesure contraignante qui permet à la musique klezmer de prendre définitivement son essor : le 9 décembre 1804, l’empereur de Russie Alexandre 1er prend un oukase qui interdit aux Juifs l’accès aux grandes villes et les confine dans les villages au sein d’un vaste territoire s’étendant sur des centaines de kilomètres autour de Kiev. 5 millions de personnes sont concernées. Interdits de paraître en ville – à de rares exceptions près –, les Juifs sont, par voie de conséquence, également privés de conservatoire, et les musiciens doivent se contenter d’un enseignement souvent empirique, influencé par les traditions locales slaves et tsiganes, mais aussi celles venues des Balkans et même de Turquie.
Clivée en deux, la communauté juive se partage dès lors principalement entre les maskilim à l’Ouest (Allemagne, Bohème et Moravie) et les hassidim à l’Est. D’un côté les tenants du mouvement des « Lumières » – la haskalah–, emmenés par le grand-père du compositeur Félix Mendelssohn, l’humaniste Moïse Mendelssohn ; condescendants, voire méprisants, vis-à-vis de la langue yiddish et des klezmorim, ils sont partisans de l’intégration dans la culture germanique et de l’ouverture aux sciences. De l’autre, les Juifs pieux villageois dont la culture, fondamentalement centrée sur les enseignements de la Torah, est principalement véhiculée par deux langues : l’hébreu et le yiddish. Les premiers se tourneront massivement vers la culture musicale classique tandis que les seconds perpétueront la musique populaire des klezmorim, cette musique qui, enrichie par de nouveaux apports au fil du temps, nous séduit aujourd’hui encore par sa richesse et sa générosité.
La musique klezmer est évidemment indissociable du yiddish, la langue des Ashkénazes, mais avant tout celle deshassidim. Son répertoire n’est toutefois pas fait uniquement de chants mais aussi d’instrumentaux souvent dynamiques et destinés à entraîner les villageois dans les danses lors des mariages ou à l’occasion des fêtes religieuses comme Pessa’h (Pâques), Yom Kippour (Grand pardon), Pourim (Victoire d’Esther) ou Rosh Hashanah (Nouvel an). Des instrumentaux parfois mâtinés d’onomatopées répétitives du style « voï, voï, voï » ; on parle alors de nigunim. Les chants sont intéressants car si certains comportent des références religieuses, la plupart mettent en scène, comme dans de nombreuses traditions populaires sur la planète, les vicissitudes de l’existence (l’amour, l’argent, le pouvoir, la santé, l’alcool), souvent de manière amusante. Parfois, c’est la communauté qui se moque d’elle-même et de ses travers, comme dans le très célèbre As der Rebe... (Quand le rabbin...) qui brocarde les comportements moutonniers en nous expliquant que lorsque le rabbin chante, tous les hassidiques chantent ; lorsque le rabbin rit, tous les hassidiques rient, etc.
New York, phare de la musique klezmer
Née dans les territoires d’Europe de l’Est, la musique klezmer aurait pu se fondre totalement dans les musiques tsiganes et balkaniques au cours du 20e siècle avec l’émergence de métissages de plus en plus audacieux au fil du temps. Au risque d’entraîner la disparition du chant yiddish. Cela n’a pas été le cas, grâce aux grandes vagues de migrations des Juifs en direction des États-Unis : d’abord à la fin du 19e siècle pour fuir la pauvreté, mais aussi les humiliations et les pogroms de Russie, ensuite dans les années 30 pour échapper à la folie des nazis. Expatriés et solidaires en pays étranger, les Ashkénazes ont non seulement perpétué leurs traditions musicales, dans un souci de préservation de leur identité culturelle, mais les ont enrichies par de nouvelles compositions et des sonorités élargies, parfois par des apports de jazz, en faisant de « la grosse pomme » la capitale mondiale de la musique klezmer. Il faut, à cet égard, rendre ici un hommage appuyé à ces grands noms du genre que furent, entre autres créateurs et instrumentistes de talent, Naftule Brandwein, Dave Tarras ou Abe Schwartz (cf. liens musicaux ci-dessous), tous devenus américains.
C’est donc bel et bien grâce à l’action culturelle des Juifs américains, et notamment de la communauté new-yorkaise, que la tradition klezmer s’est maintenue, allant même jusqu’à se produire sur les scènes de Broadway. Après un relatif déclin au lendemain de la 2e guerre mondiale, le klezmer a connu un net renouveau à partir des années 70. Le mouvement revival qui s’impose depuis un quart de siècle a fait le reste, et c’est ainsi qu’ont émergé, tant aux États-Unis qu’en Europe, d’excellentes nouvelles formations klezmer, et cela, juste retour des choses, jusqu’au cœur de l’Ukraine. Avec, à la clé et dans le prolongement des évolutions américaines, de grandes modifications dans la palette des sonorités. Certes, le violon, la flûte, la clarinette, le violoncelle, l’accordéon et les percussions sont toujours là, mais sont venus s’y adjoindre dans les formations plus importantes aux allures de fanfare, le banjo, le saxophone, le trombone, et même le soubassophone au sein de l’excellent Beïgale Orchestra***.
Beaucoup plus qu’un genre musical, le klezmer est avant tout un état d’esprit, une volonté de partager entre les musiciens et le public, entre les musiciens et les danseurs (markidim). Et c’est là tout ce qui en fait le charme, foi de goy !
* Prononcer chtételère. Si un shtetl n’est qu’un modeste village, parfois un simple hameau, Pitchi Poï, est encore plus petit, beaucoup plus petit que le plus petit des hameaux. Á tel point qu’il ne figure sur aucune carte. Et c’est cela qui fait tout son intérêt !
** De l’hébreu kley zemer qui signifie instrument du chant
*** Probablement la formation klezmer française la plus intéressante avec Le Grand Klezmer
Aaaaah ! merci, Fergus, de parler du Kezmer !! c’est tellement rare. Merci de citer l’incontournable Naftule Brandwein, les excellents Klezmatics (dont l’ancien clarinettiste, David Krakauer, fait une carrière solo plutôt brillante) et puis n’oublions pas le grand Giora Feidman ! Il y a également une jeune formation française plus confidentielle mais de très bonne qualité : le Freylekh Trio (clarinette, guitare, contrebasse) que je ne saurais trop vous recommander. Musique toute en drôlerie, tendresse, joie et tristesse, avec des vieillards qui jouent du crincrin sur les toits des maisons, des jeunes amants qui volent au-dessus du shtetl, des tableaux de Chagall pleins les yeux...
J’aurais dû effectivement citer Feidman, mais aussi The Klezmorim, le grand groupe américain de la période revival. En revanche, je ne connais pas le Freylekh trio, mais je vais tâcher d’en savoir plus, merci pour cette info.
Je suppose que vous connaissez Talila, l’ancienne chanteuse du groupe Kol Aviv devenue Mme Ben Zimet. Si ce n’est pas le cas, écoutez ses chants yiddish, ils sont superbes !
Le lien avec Chagall est évident et, en effet, chargé de poésie et d’humanité. Une ambiance formidable qui me ravit. J’ai beaucoup de sympathie pour la culture juive, et particulièrement celle des Ashkénazes. J’ai d’ailleurs porté un regard amusé sur la communauté juive de Paris en juin 2009 dans un texte intitulé « 21 rue des Rosiers ».
Ben Zimet, le beau-papa de Rama effectivement, je l’ai vu sur scène, avec et sans Talila. Sa chanson que je préfère : Der Filosof, mais je n’ai pas pu trouver de lien.
Gatlif, en voilà un que j’apprécie également, mais plus moyennement car ses créations gitanes s’apparentent plus à du Django Reinhardt, un musicien qui, de manière bizarre, ne m’a jamais véritablement enthousiasmé. A Gatlif, je préfère, et de très loin, les créations de Goran Bregovic (lui aussi vu en concert).
Merci de nous offrir encore ce jour un très intéressant article musical. Cette musique Klezmer d‘Europe de l‘Est, si pleine de joie de vivre en effet, et qui donne vraiment envie de faire la fête et danser, est une très belle découverte pour moi qui ne connaissais jusqu’à présent que les musiques traditionnelles de Roumanie, par exemple, (je vous mets un ou deux liens au bas de mon commentaire, j’en profite pour vous faire connaître si vous ne connaissez pas déjà), et musique yougoslave, (mais là je n‘ai pas trouvé de liens vers les musiques que je cherchais, désolée). J’ai été étonnée tout à la fois par la ressemblance (notamment au niveau des rythmes) de la musique Klezmer avec certains morceaux de ces musiques traditionnelles, et sa différence.
Dans les liens que vous avez mis en bas, j’aime beaucoup notamment les morceaux instrumentaux qui font « fête du village ». La fête à Rennes, sacrée ambiance ! Sinon, à de nombreux égards, d’autres morceaux (surtout le premier) me font plus penser à certains orchestres festifs de Yougoslavie (notamment dans l‘accompagnement des cuivres et des percussions), plutôt qu’aux orchestres traditionnels roumains, pourtant plus proches géographiquement des pays que vous avez cités (surtout la Moldavie) et d’où est originaire cette musique Klezmer.
Quand vous dîtes que les métissages sont de plus en plus audacieux au fil du temps, je dirais peut être le contraire, car il me semble que c’est l’étonnement que provoquent les toutes premiers métissages qui font que cela est audacieux, et qu’au fil du temps, c’est plutôt le contraire qui se produit : le métissage est de plus en plus métissé, si je peux dire, et donc surprend moins. Qu’est-ce que vous en pensez ? Merci pour cette nouvelle découverte musicale, et en général pour toutes celles que vous nous offrez régulièrement, et très bonne journée à vous.
Une sîrba, interprêtée par Le grand Gheorghe Zamfir.
Cântec de Nunta : toujours Gheorghe Zamfir, incontournable. (tenez, j’en profite pour vous mettre CECI, de Zamfir aussi, rien à voir avec le style de musique que vous présentez, car c’est une mélodie très lente, un peu mélancolique, mais c’est là aussi au cas où vous ne connaîtriez pas )
Merci pour ce très intéressant commentaire ainsi que pour les liens.
Pour ce qui est de la musique roumaine, je connais évidemment très bien Zamfir. Cela dit, je vous recommande, si vous ne le connaissez pas, le génial Dumitru Farcas dont le jeu au hautbois ou à la taragote (la clarinette roumaine) sont superbes (cf lien 1, lien 2).
En ce qui concerne les métissages, je voulais souligner les rapprochements, pas forcément évidents, entre les musiques bretonne et maghrébine ou entre le reggae et la tradition africaine pour ne citer que deux exemples. Des rapprochements qui me conviennent parfaitement dès lors qu’ils sont pertinents et bien exécutés.
Vous avez raison, « Sher » fait penser à un kolo* yougoslave, mais peut-être plus encore à de la musique... géorgienne, voire arménienne. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que le klezmer est un genre métissé, et cela depuis son origine (il y a eu de nombreux Juifs à Odessa par exemple).
Cordialement.
* Amusante la parenté du kolo avec... l’an dro breton !
very très bien vu le rappel de ces musiques rappelant qu’ avant les inventions du 20 ième siècle il existait de la joie de vivre et de la bonne humeur . Un morceau célèbre « http://youtu.be/ZUVEq6NC7mM » bei mir bist du schoen "
Marrant comme le Yiddich rappelle ma langue maternelle l’ alsacien .
A chtedl ( un petit village ) a schtadt ( une ville ) Une époque que j’ ai connue où passait l’ acheteur de peaux de lapins qui passait dans les rues en criant , l’ autre qui achetait les vieilles ferrailles , un temps complètement révolu et pourtant c ’était avant-hier . Kengala beltz , alt issa .... j’ ai dix ans .
Merci d’avoir mi ce lien sur l’incontournable « Bay Mir Bistu Sheyn ».
Incontestablement, il y a des parentés entre le yiddish et l’alsacien, mais on les retrouve également, et cela n’a rien d’étonnant, dans le « bayrish » ou le « swchyzerdütsch ». Mais je ne suis pas spécialiste...
Ben oui on a plusieurs goûts en commun . J’ aime beaucoup cette expression
musicale faite d’ instruments qu’ on entend pas souvent dans la musique dite classique . Les airs sont joyeux et rythmés ou tristes et nostalgiques et on perçoit un vécu venant de la nuit des temps . Le cymbalum donne une couleur de l’ Est , les cordes percutées avec les baguettes munies d’ un tampon vibrent d’ un façon différentes au piano . On constate aussi que malgré un faible niveau de vie ( à l’ époque ) des musiciens savaient mettre du baume au coeur . Quand j’ étais petit mon meilleur copain était le fils du boucher qui s’ appelait Lévy . J’ avais six ou sept ans et je me posais pas de questions existentielles ....
Sympathique, le cymbalum, et il existe, notamment en Roumanie, des virtuoses de cet instrument. Sur scène, le Beïgale Orkestra (cité dans l’article) en utilise un. Normal, il fait partie des instruments de la musique klezmer (dans ses versions non déambulatoires), et il est presqu’incontournable pour exécuter les « hora » roumaines.
Merci pour cet autre lien, capitaine. Urs Karpatz est un excellent groupe, du genre survitaminé que j’ai et l’occasion et le plaisir de voir en concert à Rennes. A écouter sans modération.
La musique, rien de tel pour s’évader des difficultés de notre temps et des petites mesquineries. Certains, sur AgoraVox, quel que soit leur bord, feraient bien de se détendre en écoutant de bons CD, et ce n’est pas ce qui manque, il suffit de se laisser aller...
Ca serait trop facile... et surtout je n’ai pas du tout envie que cet article s’arrete :)
Mais comme on ne peut pas enchainer les commentaires indéfiniment et qu’Agoravox n’a malheureusement pas de « forum » ou on peut discuter tranquillement, je viens d’en créer un sur Google pour ceux que ça intéresse...
Le 4 juin 1939 , Roosevelt ordonna d’interdire l’entrée au paquebot qui attendait dans la mer des Caraïbes entre la Floride et Cuba. Ce qui fut le cas en général et en pratique depuis une dizaine d’années dans les ports d’Amérique du Nord et du Sud ( Brésil, Argentine).... y avait que certaines Antilles et le Mexique qui « importaient »
Merci pour ces nouveaux liens, Brieli, et notamment pour les deux derniers, superbes. Impressionnante, la liste de tous les artistes qui ont, dans une version ou une autre, chanté cet incontournable « Bei Mir Bist Du Schön » !
pour surfer surnager dans le melting-pot Börlin il vaut mieux être équipé et aguérri
Sie studierte Posaune und Musikpädagogik an der HfM Hanns Eisler Berlin, erforschte auf mehreren Afrika-Reisen die Polyrhythmik und unterrichtete in Berlin. Sie war Mitbegründerin mehrerer Bands mit Schnafftl Ufftschik und Mberi Ndaw und spielt verschiedenste Stile von Afro, Jazz, Musical, Swing bis Tango in einigen Bands (Gary Wiggins, Rias Big Band, Palazzo Orchester, Kit Kat Klub, Venusbrass). Mit ihrer Leidenschaft für gute Rhythmik und Harmonie bereichert sie seit langem auch das Repertoire der Burundangueritas.
J’apprécie beaucoup les femmes dans la musique. Connais-tu le groupe Hole et son titre phare de rock alternatif « Beautiful son » ? Ou Althea & Donna et leur superbe « No more fighting », l’un de mes titres préférés en reggae ? Sympa, le Venus Brass, jusque dans son interprétation du « Stand by me » de Ben E. King. J’ai moins apprécié « Cielito lindo ».
Quant à Gary Wiggins, je connais très peu, et le lien est beaucoup trop jazz pour moi (je sais, ce n’est pas normal et j’essaie de me soigner, mais je coince sur le genre depuis plus de 30 ans !)
Merci pour ces versions de La Marmotte. J’aime beaucoup celle de Fiescher-Diskau, mais celle des filles est également très sympathique dans un genre différent. J’accroche moins à la version Barenboïm-Quasthoff.
Quant aux lieder de Schubert, j’apprécie peu, mis à part quelques rares pièces dont évidemment la très belle sérénade du « Schwanengesang ». De ce compositeur, ce sont surtout les œuvres instrumentales que j’aime, des trios aux symphonies (2, 5 et 9) en passant par les très jolies pièces pour violon et orchestre (le rondo, la polonaise, le Konzertstück). On ne peut tout aimer !
Ce restaurant existe toujours sur cette charmante place du Marais, avec son célèbre couple d’Ashkénazes sur le mur est. Mais je ne peux rien en dire pour la cuisine car je n’y ai jamais dîné.
Pour ce qui est de l ’œuvre de Chagall, Sandrine Lagorce y a fait allusion fort justement. Et comment ne pas faire le lien également avec « Le violon sur le toit » qu’Aaron Lebedeff a chanté sur une scène de Broadway avec un très grand succès ?
Vive la transylmanie musicale et merci Fergus. Vive l’humour Juif et Rom.
Mais vive la transylmanie cinématographique surtout. Car c’est elle qui nous montre le mieux comment nous pourrions vivre autrement, plus pitchipoïement.
Suite au suicide de Gabrielle Russier, Georges Pompidou avait cité un poème que Paul Eluard avait écrit pour dire sa tristesse devant la chasse aux femmes ayant aimé des Allemands
Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d’enfant perdue, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés.
Pompidou avait donc transposé cette pitié sur le cas d’une femme rejetée pour avoir aimé son élève.
Et moi, je transpose cette même tristesse et pitié au sujet des Roms qu’on chasse parce qu’ils font désOrdre.
Cette pitié que je ressens semble aller d’abord à ceux qui font désOrdre. Mais tout compte fait, elle va aussi à ceux qui font bonOrdre.
Comme vous, je trouve choquante la « chasse aux roms » ouverte par Sarkozy et ses complices, comme je trouve choquant le renvoi de quelques milliers de Tunisiens pourtant munis légalement d’un passeport provisoire de 6 mois délivré par les Italiens. Qu’il y ait un problème à l’Union, c’est un fait, qu’il y ait nécessité de trouver une solution commune pour ne pas laisser les Italiens seuls face à l’immigration clandestine, c’est un fait, mais cela doit être réglé d’une manière respectueuse des personnes et sans que soit remis en question le sort des 28 000 premiers arrivés qui représentent moins de 8 % de l’immigration annuelle en Europe.
Je ne connaissais pas le mot « Transylmanie ». Au delà d’un film d’horreur inspiré par Dracula et la Transylvanie, pourriez-vous en dire plus ?
Transylmanie est un mot que j’ai inventé pour exprimer ce que certains d’entre nous semblent être en train de rechercher par dépit pour le Système actuel.
Danse avec les loups c’est bien mais nous, nous avons nos Eurindiens.
Constamment persécutés (les lois de Louis XIV à leur encontre valaient celle des Nazis) réduits parfois au nomadisme quand ils étaient sédentaires, nos Eurindiens se retrouvent aujourd’hui dans un état déplorable, acculés à la mendicité, placés sous la tutelle entière de technocrates européens et à la merci de n’importe quel coup de pied de n’importe quel Sarkozy se réclamant du bonOrdre.
Vive Victor Schoelcher le premier transhumaniste, vive Victor Hugo le premier transylmaniste qui a osé placer au centre de son oeuvre une bohémienne, nous invitant à l’aimer.
Vive Loteanu, vive Kusturica, vive Gatlif. Vivent les Roms !
Votre allusion à Esmeralda est intéressante car elle souligne qu’en effet Hugo a fait d’une bohémienne l’héroïne de Notre-Dame de Paris, son roman le plus universellement connu avec Les Misérables, et ce n’est pas là son plus petit mérite car il fallait oser cela à un époque où les bohémiens ne rencontraient le plus souvent que le mépris.
Comme Hugo, Bizet (sur un livret de Meilhac et Halévy) a fait de Carmen, une autre bohémienne, l’héroïne de l’opéra le plus joué dans le monde. Belle revanche pour une communauté vilipendée, la cigarière fût-elle sédentaire.
Toujours en musique classique, l’un des morceaux les plus populaires a été, lui aussi, inspiré par la musique des nomades d’Europe centrale : il s’agit des fameux « Zigeunerweisen » (Airs bohémiens) de Pablo de Sarasate.
Puissent cette reconnaissance des milieux artistiques valoir un peu plus de respect à ces gens et à leur culture.
Whaouuuhh, je trouvais que Ketèlbey avait fait fort avec son marché persan en 1900 mais là, Zigeunerweisen est carrément de 1878 !
Ah la la, quel mérite ont eu ces hommes qui ont osé exprimer un amour hors normes !
Car c’est une chose d’être Rom et d’en avoir de tous temps pratiqué la musique. C’est tout autre chose pour un individu faisant partie d’une culture anti Rom d’avouer en être charmé.
Quel mérite et quel talent aussi. Car c’est une grande chose d’avouer un amour interdit, mais c’est génial de parvenir à faire admettre cette transgression.
Merci pour ces précisions. Il est exact que les Juifs New Yorkais ont très tôt collaboré avec des musiciens noirs. A noter, concernant la musique klezmer, qu’avant cela, dans les contrées d’Europe où vivaient les klezmorim, il n’était pas rare de voir des formations mixtes composées de Juifs et de Tsiganes.
Salut Fergus Je viens de moins en moins sur le site, mais j’ai lu votre article Le klezmer a d’une facon sorti le jazz des ghettos noirs et des piano bordels En effet, les juifs new yorkais plutot liberaux ont ete les premiers a entrer en contact avec des noirs pour jouer de la musique. Le premier grand orchestre mixte est celui de Benny Goodman, tres influence par le klezmer. Des 1938 il joue avec Lionel Hampton et Gene Krupa, la musique du livre de la jungle, sing, sing , sing d’influence juive et black Il faut ausi voir le dessin anime American Pop de Bashky sur la transmission de la musique de la Russie a New York cette transmision se faisant de fils a fils
Vous faites une judicieuse remarque pour ce qui concerne la sortie des Noirs par les Juifs. Mais dans l’ordre chronologique je pense qu’il faudrait citer d’abord Gershwin. Non seulement il aura sorti les Noirs par la seule musique mais aussi par le spectacle opéra (Porgy & Bess avec son Summertime tellement transylvanien 1935).
(Ce qui a ouvert la voie à l’équivalent pot-pourri mais porto-ricain en 1950 : West Side Story)
Il y a un élément plus pragmatique qui a fait des Ashkénazes des éléments centraux de la musique américaine, c’est le fait qu’ils étaient facteurs d’instrument et bons organisateurs de spectacles.
Les Andrews Sisters plus encore connues pour leur célèbre « Rum & Coca Cola » lui-même hérité d’un non moins célèbre thème de Calypso composé par Lord Invader.