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Mythes, histoire et géographie

Thermonucléaire, mammographie, trigonométrie, théâtre, cinéma(tographe), eugénisme, écologie, économie, géométrie, théologie mais aussi métaphore, ellipse, éthique, philosophie, abysses, psychose, psychotropes et entropie, Nike ou Emporion (Armani), cité et citoyen, xénophobie, barbares et métèques, et last but not least, histoire et géographie.

J’aurais pu écrire cet article uniquement en mots grecs, mon logos n’aurait pas été moins compris que le paragraphe précédent. Comme tout processus, celui du dialecte, de l’idiome, de la langue, de la technologie ou de l’épistèmê insère et intègre, fait muter et oublie (le sens premier), progresse et schématise, simplifie.

Je viens de terminer un long voyage qui me porta d’Ithaque à Troie. Ce n’était pas en trière, bien sûr, mais en ferry-boat, mais durant la traversée, je lisais Homère. J’aime ça. J’aime cette relation entre les hommes orgueilleux et les dieux éphémères et fragiles qui se chamaillent, se blessent, se trompent, passent des alliances aussitôt trahies comme les combattants afghans. J’aime cette guerre perpétuelle entre la techné et la thaumaturgie, ce monde intermédiaire aussi fascinant que la légende du roi Arthur. Déméter rôdant dans les limbes situés entre la sauvagerie de la nature et les règles de la Cité, Apollon traçant son chemin avec une branche de pavot offrant des rêves sereins aux combattants, Aphrodite se plaignant d’avoir été blessée par des achéens téméraires et son père Zeus lui répondant : à chacun son rôle ma fille, laisse à Arès l’art de la guerre et concentre toi à ce que tu sais faire. J’aime l’inventivité d’Ulysse, les ruses de son intelligence, minaudant et se plaignant vis-à-vis des dieux, mais n’en loupant pas une pour les manipuler, méprisant leur immortalité, tout comme Achille, qui met l’amour avant le devoir, la passion bien avant les règles claniques.  Combattant unique et parfait, il reste avant tout l’amant, l’aimant idéal. Je n’irais pas jusqu’à dire que pour Homère le moteur de l’Histoire c’est le sexe, mais on n’est pas loin. Mais je m’égare, aspiré par des histoires, des poésies, une mer d’îles et de brumes matinales, de littoral soupçonné sortant de l’aube. Mon sujet c’est l’Histoire. Pas la comptabilité, la régie, la gestion de l’histoire, mais l’Histoire et la Géographie. Loin d’elles, pas de techné. La soi-disant cohérence des branches du savoir, des troncs homogènes, la « spécialisation » depuis le fœtus, la fin des humanités, l’illettrisme scientifique restent, à mon sens, la cause principale de la crise financière, du désastre écologique, de la solitude citoyenne, et plus que tout, de l’agonie des mythes fondateurs, de la cohérence et de la cohésion de la cité. Si « science sans conscience » ont donné Auschwitch, science sans Histoire donne Hollywood, ou la fiction onirique - débridée et corrompue - remplaçe les sens. Où le savoir-faire occulte l’objectif, où le comment remplace le pourquoi. 

Où l’hubris, la démesure, remplace l’eumétrie. Où la fuite en avant remplace la quête. Où enfin la productivité, le résultat comptable, remplacent l’Economie. C’est-à-dire la bien gérance de notre oikos, notre maison. La notre, et celle de tout le monde, la terre. 

Le mythe (Iliade d’Homère) l’Histoire (la guerre péloponnésienne de Thucydide), la Géographie (Histoires d’Hérodote), devraient être enseignées comme matière principale à tous les étudiants en sciences. Et enseignées encore… 


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15 réactions à cet article    


  • clostra 8 décembre 2009 10:06

    merci pour cet article destiné à appuyer là où ça fait mal (notre/mon ignorance et surtout le sac de noeuds de tous ces dieux qui s’emmêlent, qui s’en mêlent, sans compter les nombreux sigles qui les reprennent à leur compte).
    De petites étiquettes de définition nous auraient sauvés du gouffre de notre ignorance.
    C’est promis ! on n’aime que ce qu’on connaît et la conclusion va de soi : vive l’histoire, la géo, les lettres anciennes qui alimentent le flux continu de la pensée et de la Connaissance, des connaissances fussent-elles scientifiques pour leur donner un petit air rassurant de déjà vu !


    • Halman Halman 8 décembre 2009 10:16

      J’aimerai bien savoir ce que les gravitons et les quanta pensent d’Homère et de nos mythes théologiques.

      Demandons donc à nos ordinateurs de vols de gamberger l’Ylliade au lieu de calculer les trajectoires et les ordres aux commandes de vol.

      Introduisons donc Zeus dans les équations de mécanique céleste relativiste dans les simulateurs gravitationnels.

      Je crains bien que ce que les ordinateurs calculeraient ne correspondent pas vraiment à la réalité.


      • Vilain petit canard Vilain petit canard 8 décembre 2009 10:27

        Je partage votre désolation devant le projet d’abandon de l’histoire en filière scientifique. C’est vrai, vous le soulignez, cette idée scélérate procède d’une vision assez utilitariste des études : à quoi sert l’histoire quand on veut devenir ingénieur, parce que c’est mieux payé ?

        Il est révélateur que cette idée balourde provienne d’un gouvernement dont :

        - le président, ayant obtenu péniblement sa capacité d’avocat et ayant été éliminé de Sciences Po pour insuffisance en anglais, débine la Princesse de Clèves dès qu’il peut
        - le ministre de l’éducation est un ancien DRH de l’Oréal et ancien ministre de la consommation et des super-marchés, ça ne s’invente pas, vive le gel ultracoiffant
        - le minsitre de l’industrie, non diplômé, vient de nous expliquer qu’Eric Besson aurait évité le nazisme à l’Europe si il avait été là au bon moment
        - etc...

        Je n’ai rien contre les gens qui n’ont pas de de diplôme, grâce au ciel, ce n’est pas encore obligatoire, mais que l’inculture devienne une valeur triomphante, alors là non, désolé, je ne suis pas d’accord.

        Et au moment, où on veut que les gens se creusent la tête pour se demander ce que c’est, être français, supprimer les cours d’histoire, c’est comme diminuer les effectifs de la police en clamant qu’on renforce la sécurité, si vous voyez ce que je veux dire...


        • LE CHAT LE CHAT 8 décembre 2009 14:23

          @coincoin

          Mais que diras tu quand Steevy Boulay remplacera Fréderic Mitterand à la Culture après les régionales , lui qui a une culture au niveau de la taupe ?

          remarque , ce sont sont les seuls qui aiment aller se faire voir chez les grecs ( lutteurs de pancrace quadragénaires , bien sûr ) . L’honneur de l’héllenitude est sauf ! smiley


        • Vilain petit canard Vilain petit canard 10 décembre 2009 10:12

          Les moeurs en font rien à l’affaire, c’est surtout une question d’éducation et de sensibilité. Boulay ou MItterrand, quelle différence ? De toute façon, le rôle du Ministre est de défendre la loi HADOPI pour plaire aux majors et à Johnny, et de s’acheter quelques loyautés chez les intellectuels et théâtreux parisiens, alors...

          Y a Bigard qui est sur les rangs, aussi.


        • Halman Halman 8 décembre 2009 10:34

          Il ne s’agit pas de supprimer les cours d’histoire, mais de les répartir différemment sur 3 années, il ne faut pas trop regarder TF1


          • Halman Halman 8 décembre 2009 10:38

            Les vieux astrophysiciens se mettent à lire la littérature classique et la philosophie.

            Très bien.

            Mais quid de leurs travaux fascinants qui pourraient donner des prix nobels sur des découvertes qui peuvent sauver des vies dans les hôpitaux ?

            Il en penserait quoi Dieu d’un physicien qui bouquine au lieu de sauver des vies ?


            • Halman Halman 8 décembre 2009 10:43

              Scharpack passe son temps à mettre au point des systèmes d’imagerie médicale considérablement plus performants que ceux actuels pour sauver des vies.

              Je ne sais pas s’il a le temps de lire Homere ou Platon.


              • Michel Koutouzis Michel Koutouzis 8 décembre 2009 15:06

                @ halman

                Que se soit la théorie de la relativité, des supercordes, de bosson, des trous noirs, des tachiions, d’entropie, la recherche scientifique tout comme la mathématique, - et toute approche conceptuelle - se situent à la frontière de la physique et de la métaphysique. Einstein, Hawkins, Prigogine ou Kaluza et Klein,  pour ne citer que les plus connus, ont toujours navigué entre la dimension mathématique et philosophique. La dimension historique, non seulement ne manque pas chez ces scientifiques, mais elle fonde et structure de leur pensée.  Et en aucun moment, puisqu’ils ont écrit des centaines de pages sur le sujet, ils n’ont émis l’impression de perdre leur temps à retracer l’historique et la problématique éthique de leurs démarches ni leur aspect philosophique. 


              • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 8 décembre 2009 16:04

                Le grec est une belle langue très pratique !

                Exemple :

                Dhouste mou ton lochariasmo

                Quand on leur dit ça, on a souvent droit à un raki offert par la maison !


                • Musardin Musardin 8 décembre 2009 18:59

                   Endaxi  ! Yamas !


                • Moristovari Moristovari 8 décembre 2009 16:13

                  La connaissance humaine a atteint un degré formidable. Aujourd’hui nul esprit universel n’est possible même après une vie d’apprentissage ; pour faire progresser les connaissances il n’existe qu’un moyen : la spécialisation. Donc l’abandon de multiples matières. Pour tout scientifique l’histoire et la Géographie sont devenus des poids qui l’empêche de s’élever. Ces poids, evidemment, lui permettait de garder contact avec la terre, les hommes ; qu’importe, il faut couper ces chaînes. Non par fuite en avant mais bel et bien pour perpétuer cette quête du savoir, cet héritage et cet instinct de l’Homme.

                  Quand au mythe, il n’est pas unique et immortel, notre époque possède aussi les siens. Après, tout est affaire de choix et le passé permet d’élargir ce choix. Selon les valeurs morales que l’on juge nobles et vulgaires, chacun s’attache aux mythes qui lui correspondent. Renier dès lors les autres est tout naturel.

                  « science sans Histoire donne Hollywood, ou la fiction onirique - débridée et corrompue - remplaçe les sens. » : Cette phrase a-t-elle un sens ? L’onirisme - le rêve étant une interprétation de la réalité - est la grande base des mythes aussi est-ce un non-sens de qualifier l’onirisme de « corrompu » pour ensuite déclarer nécessaire l’enseignement des mythes. Quand au cinéma, il n’est pas réductible à Hollywood et demeure un art producteur de mythe à sa manière - il faut vraiment méconnaître le sujet tant du point de vue artistique que sociologique pour en douter.

                  La nostalgie à ses vertus, non toutes : en premier lieu, elle n’aime ni le présent ni l’avenir. Aussi mythe, Histoire et Géographie ne devraient-ils jamais être vu sous ce regard.


                  • Michel Koutouzis Michel Koutouzis 8 décembre 2009 17:34

                    Comme vous dites très justement sur un de vos articles, l’homme est aujourd’hui sous l’influence des médias, « sculpteurs de la réalité aux talents discutés ». Vous faites aussi allusion au hasard, le destin je pourrais dire, qui, connu d’avance dans sa totalité, nous dicterait des actes irréprochables mais nous priverait de notre libre arbitre. La technologie, la science, avancent de la même manière, empirique, faisant des impasses et s’aliénant des nécessités. Libre d’un côté, prisonnière de l’autre. Ce n’est donc pas un hasard, si toute une série de choix scientifiques sont dictés, financés, interdits ou au contraire développés par la cité. C’est de celle-ci que je parle, et non pas de la science. C’est elle qui se doit cohérente, avant-gardiste, économe, et surtout anticipatrice. Lorsque celle ci devient dépendante de l’urgence, des « mauvaises nouvelles » comme vous dites, elle cesse d’être pensante, elle agit comme l’individu que vous décrivez, elle devient elle même prisonnière, des médias par exemple, elle n’est plus autonome. Les mythes fondateurs, la superstructure idéologique, l’intériorisation des règles et des lois le coût que chaque société a du payer pour les avoir (histoire) et les défendre (géographie-s) ne doivent pas s’éclipser sous le poids de la spécialisation qui crée des citoyens sans repères et perturbe les solidifiants d’un socle social. Homère enseigne la grandeur de la mortalité, Aristote l’utilité du politique, Thucydide le fait « que nous autres civilisations savons désormais que nous sommes mortelles » bien avant Mauriac. Nous avons des mythes aujourd’hui, souvent éphémères et changeants, nous avons même nos propres gladiateurs. Cependant le mythe du progrès, de la science, d’une avancée linéaire imperturbable que rien n’arrête n’est plus de notre monde.

                    Je vous concède Hollywood, et plus généralement votre remarque sur le cinéma. Ce fut un mauvais exemple, une tournure maladroite : l’image ne remplace pas la réalité et le global tout simplement n’existe pas. 


                  • Moristovari Moristovari 9 décembre 2009 17:37

                    @ Astus & Michel Koutouzis

                    Ce n’était pas dans mon propos de créer une hiérarchie entre les sciences mais effectivement cette interprétation reste possible. Précisons donc : au niveau actuel de nos connaissances un généraliste ne peut plus guère découvrir et créer. Quiconque a ces espérances doit se spécialiser, jusqu’à souvent ignorer bien des parties de sa propre discipline, aussi l’histoire et la géographie restent essentielles pour les seuls historiens et géographes.

                    Pour le reste la relation entre savoir et pouvoir est connue, en témoigne par exemple les recherches de Foucault. Je ne partage par contre pas cette vision manichéenne catégorisant comme « bons » les pauvres, exploités et envieux et « méchants » les riches, exploiteurs et jouisseurs. La psychologie nomme cette attitude « locus externe », Epictète l’avait déjà comprise et notée au premier siècle de notre ère : « On appartient a la populace tant que l’on fait toujours retomber la faute sur les autres ; on est sur le chemin de la vérité lorsque l’on n en rend responsables que soi même ; mais le sage ne considère personne comme coupable, ni lui-même ni les autres »

                    La réalité reste l’unique mesure des choses : on ne la voile jamais indéfiniment sous des croyances - car les croyances restent figés alors que la réalité est mouvement perpétuel. Ainsi le progrès, ce mythe, fut accepté tant qu’il fut crédible ; ce n’est plus le cas aujourd’hui et il tend donc à redevenir une superstition.

                    Aussi, tout idéaux et normes sont des croyances, il n’existe ni cité ni éducation idéales et aucune norme n’est fondamentale. Même s’il furent acquis au prix du sang et de la souffrance, les socles sociaux, lois, règles et mythes doivent s’éclipser face à la réalité nouvelle. C’est ainsi que Foucault trouve délicat une tentative de définition de la nature humaine, c’est ainsi que pour Deleuze les droits de l’homme sont purement abstraits et qu’il ne conçoit qu’une forme juridique possible : la jurisprudence.


                  • clostra 9 décembre 2009 10:00

                    « Mieux vaut une tête bien faite que bien pleine » Montaigne en appoint de la célèbre citation de Rabelais « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »

                    Je conteste absolument le fait qu’un grand spécialiste (spécialisé) n’ait pas recours à la culture ne serait-ce que :
                    - pour rattacher son domaine à un domaine plus grand
                    - pour enrichir son domaine, non seulement d’autres connaissances mais également d’autres « tournures » d’esprit, d’autres façon de penser, de raisonner
                    - pour vérifier que ce qu’il théorise est également valable dans d’autres référentiels

                    Si ! un esprit universel est possible, c’est l’apogée du scientifique lors de son bilan personnel !

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