Nous ne sommes pas à la hauteur de cet auteur
Journée mondiale du sourire

Le bêtisier fait recette.
Une animation littéraire dans une bibliothèque, des auteurs régionaux qu’on désigne pour l’occasion comme des auteurs locaux ; la formule serait amusante pour peu que nous ayons tous un petit grain de folie. Mais dans le lot, il y a un homme important, un être en tout point supérieur, un auteur majuscule, habillé comme un cadre dynamique, avec une posture et une vêture qui détonnent dans cet environnement livresque.
Il faut reconnaître que l’homme a eu les honneurs de la presse, des médias toujours friands de sujets dérisoires, des coqs infatués qui regardent de haut toute la piétaille qui se trouve à ses pieds. Il n’a pas salué ses collègues ; son entrée a été remarquée, sa grandeur est arrivée sans un sourire, a posé son auguste séant et pris un livre pour montrer son importance, sans doute.
Homme de lettres à n’en point douter, il a commis des ouvrages en recueillant les écrits et les paroles des autres. Un ramasseur s'il s'agissait des champignons, un glaneur s’il eût été question des restes d’une récolte. Non, lui est un auteur collecteur, un opportuniste qui saisit avec talent les fautes de goûts, les erreurs, les lapsus des autres ; un véritable travail de romain en somme ...
Reconnaissons lui l’art élémentaire de ne point se mouiller. Les mots des autres vous évitent à coup sûr de ne pas vous dévoiler derrière les vôtres. Il plastronne, il fait le fier. Il a du galon, il est chef d’établissement, ce qui lui autorise sans doute ce pillage en règle des écrits qui passent sous ses yeux. L’ironie de la démarche pourrait amuser si l’homme montrait un tant soit peu d’empathie. Hélas, avec lui, on pense avoir affaire à un représentant des pompes funèbres.
Cet homme ne doit sourire que pour la venue d’un inspecteur ou bien d’un élu d’importance. Les malheureux qui prétendent faire œuvre littéraire, inventant histoires ou bien contes ne méritent nullement sa considération. Pas un regard, pas un signe amical. Il n’a pas bougé de sa place durant quatre heures, fort sans doute d’un orgueil démesuré qui l'élève au-dessus du commun.
Le pire c’est qu’il vend. Il daigne alors poser le roman qui l’absorbe totalement pour condescendre à quelques mots pour son acheteur. Une dédicace vite expédiée, il reprend le fil de sa lecture, narquois et hautain. C’est curieux qu’il puisse ainsi attirer le chaland : tout dans son comportement est distance et froideur. Il faut croire que les lecteurs aiment ces auteurs sans chaleur et que la réputation suffit le plus souvent à emporter l’achat.
Durant ces longues heures je l’ai observé. Il m’a fait bouillir intérieurement. Comment peut-on ainsi se couper de ses semblables, comment prétendre écrire quand on ne s’intéresse pas aux autres ? Je l’imagine alors dans son bureau, chef d’établissement humain, modèle de compassion pour ses enseignants, de compréhension pour ses élèves. Aussi ouvert qu’une porte de prison, il me donne envie de l’habiller pour l’hiver ; un peu de chaleur lui fera sans doute le plus grand bien.
Voilà qui est fait. Je vous dispense de son nom, l’homme trouverait encore le moyen de jouir d’un supplément de notoriété. Qu’il aille au diable avec sa prétendue distance glaçante ! Le livre, c’est bien autre chose que ses pauvres et misérables bêtisiers. J’espère au moins qu’il reverse les bénéfices au fond social collégien ; ce serait la moindre des délicatesses.
Pédagogues de toutes obédiences, fuyez ce triste sire. Il n’est qu’un parasite, une sangsue qui tire son inspiration de l’engagement et des déboires des autres :ceux qui sont en première ligne dans ce combat pédagogique qu’il observe à l’abri de son mirador. Il doit en profiter pour poursuivre sa récolte impitoyable : celle qui fait passer tous les autres pour des niais et des imbéciles. Lui au moins, sort indemne de la critique. Il fait œuvre sur le compte d’auteurs involontaires à jamais anonymes …
Exaspérément sien
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