« Réductions pour les milliardaires et détenteurs de bouclier fiscal (sur justificatifs) ». Si vous êtes concerné par cet avertissement, n’assistez pas à Carla B., le dernier concert (depuis hier, 8 juillet, jusqu’au 31, dans le "off" du Festival d’Avignon) car cette satire vole aux riches pour donner aux pauvres.
900 spectacles sont programmés cette année dans le "off". C’est beaucoup. C’est trop. Aussi n’allez voir que celui-là. L’humoriste Lime, seul sur scène avec sa guitare, joue le rôle de sa vie (je parle de la vie de Carla B.).
L’épouse de Nicolas S., contrairement à ce que prétend la rumeur, se produit toujours en concert. La preuve. Mais ce soir sera le dernier. Car la situation est grave. Nico quitte le navire. C’est la fuite vers la rue de Varenne. Seule Carla assure encore. Mais pour combien de temps ?
Entourée de ses musiciens qui se prennent pour Godot, dans ce spectacle bouffon et dévastateur où, comme dans le carnaval, l’inversion est la règle, Carla B., ici déguisée en Lime, se jouera de vous. Pour nous. Et réciproquement.
Son auteur, Frédéric Pagès, journaliste au Canard enchaîné (où il tient le Journal de Carla B.), revient sur la genèse de cette pièce. En exclusivité mondiale.
Carla B., le dernier concert comporte déjà des phrases cultes : « S’ils n’ont pas de CDD, qu’ils écoutent mon CD ! », « Dans cocktail Molotov, il y a cocktail » ou « Je suis la voix de la France. La voix de la France qu’on n’entend pas ». Lime est Carla B.
Lime ? Un Bigard qui a bien tourné. Un autodidacte, aussi, qui a écrit plusieurs bouquins. Fin et cultivé. Pas le genre démago à nous offrir ses couilles sur un plateau. Dans cet exercice d’équilibriste, Lime assume ses fêlures, joue subtilement de sa féminité, l’exacerbe ou la dévoile pudiquement, c’est selon. Il faut ça pour se glisser dans la peau de Carla qui certes n’est pas une femme comme les autres. Existe-t-elle vraiment ? Lime en a extrait le suc. Il campe une égérie foldingue. Pour Frédéric Pagès, une des meilleures scènes du spectacle est celle où elle rebondit sur sa carrière en tombant amoureuse - au bon moment - du président : « On voit l’intérieur de Carla ».
Mais dans ce spectacle loufoque et étrange qui tient du cabaret transformiste autant que de la satire politique, Lime est l’un des Trois mousquetaires, qui comme chacun sait sont quatre. Il y a aussi Patrice Minet, l’un des fondateurs du Café de la gare, qui est le metteur en scène et Frédéric Pagès, l’auteur. Et le quatrième ?
Le quatrième, c’est Carla B. : suffisante, irritante, évanescente. Toute ressemblance avec qui vous savez n’est ni fortuite ni involontaire. Absente de la scène depuis son mariage avec Nicolas Sarkozy, elle y remonte exceptionnellement. Elle virevolte, elle minaude, elle insupporte. Elle fait des manières pendant que la France est à feu et à sang. Ses musiciens sont en retard ? Elle appelle Claude Guéant qu’elle tourmente. En attendant son groupe elle boit une Lagerfeld, « la seule bière qui ne fait pas roter ».
Et puis elle chante – mal – en s’accompagnant – mal – de sa guitare une chanson qui, c’est certain, deviendra un classique : L’ennuyeuse (sur l’air approximatif de Quelqu’un m’a dit). Il y a du Béranger dans cette caricature. Non pas François, mais Pierre-Jean de Béranger chansonnier du XIXème siècle qui détournaient les chansons à la mode pour se moquer des puissants, ce qui lui valut quelques déboires avec la justice. A la fin du spectacle, juste après de la conférence de presse de Carla (qui fait tout comme son mari), les spectateurs sont invités à chanter ce couplet, sur l’air de la Chanson des restos du coeurs interprétée par Coluche :
"aujourd’hui on n’a plus le droit
d’être riche on est montré du doigt
de Passy à Monte Carlo
On est parqués dans des ghettos
chassés des paradis fiscaux
persécutés par les impôts
les riches sont à bout de nerfs
Rendez-nous le secret bancaire !!"
« Carla est haïssable et désinvolte. Donc, finalement, pas entièrement haïssable. Elle a un côté extra-terrestre pour nous, simples humains. Pour elle rien n’est grave, pas même le pouvoir. Elle a une dureté aristocratique. Je pense que Carla est cruelle, impitoyable, mais elle est plus sage que Sarkozy. Lui c’est un nain. Elle possède une sorte de distance. Elle joue faux, elle joue mal de la guitare, mais ce n’est pas grave. Même quand elle se plante elle reste d’une race supérieure », estime Frédéric Pagès qui poursuit :« Beaucoup de gens pensent qu’elle est issue de noblesse italienne. Ce n’est pas le cas. Les Bruni sont considérés comme des nouveaux riches par la Maison de Savoie, de vrais nobles, eux. Malgré tout elle incarne la noblesse. Elle en a tous les signes : le château, la fortune, la grâce, le cosmopolitisme… ».
Pauvre Carla. Elle est bien seule. Et bien moquée. Comme la reine "étrangère", naguère. L’histoire repasse-t-elle les plats ? « Sarko le pense. Il a plusieurs fois évoqué la cour de Louis XVI et de Marie-Antoinette. En Angleterre, lors de leur voyage officiel, en mars 2008, il avait déclaré « ça va se terminer comme Louis XVI, notre histoire ». Il a peur de mal finir. Carla, qui est étrangère, serait un peu Marie-Antoinette. Mais là on est à la limite du sérieux et du frivole », sourit Frédéric Pagès qui rappelle tout de même que "dès qu’un président de la république apparaît comme un monarque, il est mort. Regardez Giscard. Sarko sait bien que si on le prend pour Louis XVI et Marie Antoinette, il est foutu. »
Nicolas Sarkozy et Carla, cibles des satiristes. Qu’est-ce donc qui leur titille la plume, à ces oiseaux moqueurs dont les phénix se nomment Patrick Rambaud et Frédéric Pagès ? Le premier, avec ses Chroniques du règne de Nicolas 1er perpétue l’esprit d’André Ribaud qui avec La cour épinglait les travers (nombreux) de Charles de Gaulle et de son entourage. Ribaud officiait dans le Volatile. C’est ainsi que "le Général" nommait le Canard.
Si l’on ignore comment Nicolas Sarkozy appelle l’hebdomadaire le plus irrévérencieux de France, de Navarre et même de Saint-Jean-de-Latran, on sait que Le journal de Carla B. est lu à l’Elysée. Frédéric Pagès tient son journal depuis décembre 2007, mais, précise-t-il, "je ne la fréquente pas. Je vis avec depuis des années. Elle ne le sait pas. Attention, ce spectacle n’est pas une adaptation du journal de Carla B. Il faut dissocier les deux."
Pagès est entré au Canard il y a vingt ans, à la fin de la glorieuse époque où l’on dessinait des ronds sur la nappe avec les verres de beaujolais. Il en est devenu à son tour un pilier. On y boit beaucoup moins qu’au temps d’Audouard et de Moisan. Les temps changent, mais par l’irrévérence.
Journaliste et écrivain, Pagès a travaillé avec Basile de Koch à Jalons (sous la signature de Freddo Manon troppo) : "Basile voulait une aide-musicale dans Jalons. Nous avons alors monté un groupe, les Dead Pompidou’s, avec les pompidettes emmenées par Frigide Barjot".
Agrégé de philosophie c’est aussi un spécialiste de Jean-Baptise Botul, philosophe inconnu, mais néanmoins auteur de plusieurs livres qui ont marqué l’histoire : Landru, Précurseur du Féminisme, La vie sexuelle d’Emmanuel Kant, Nietzsche ou le démon de midi ou encore l’indispensable Métaphysique du mou (tous parus aux éditions Mille et une nuits). Pagès est l’un des atomes du Noyau Dur Botulien, ou NoDuBo, dans lequel on trouve notamment Jean-Hugues Lime et Patrice Minet : "Minet, ça fait quinze ans que je le connais. Depuis les Papous dans la tête. Avant d’en être, j’adorais déjà ce rôle d’abruti permanent, lunaire ».
Tout le monde a compris que ce spectacle est une affaire de copains : « Depuis cet hiver où l’on travaille dessus, on se marre à trois", rigole Pagès qui retrace la genèse du projet : "Lime me dit : écris-moi un truc parce qu’il faut que je joue. Un truc pour moi tout seul. J’ai eu l’idée de Carla B. Et puis ça ne nous plaît pas. Ni à lui, ni à moi. On le met au tiroir. Ce n’est pas le premier à finir au cimetière des manuscrits… Et puis non, Lime dit : "on va appeler Minet". Celui-ci ne peut que constater : "c’est merdeux, mais il y a de quoi faire".
Patrice Minet dans l’An 01, de Jacques Doillon (1973). Il est derrière Coluche. C’est lui qui téléphone, vers la 40ème seconde
Minet m’a fait mon éducation théâtrale, il avait là-dessus le point de vue extérieur. Et puis ça s’est monté. Il a fait le travail de mise en scène. Pour Lime c’est un défi. Parce qu’il ne faut pas qu’il sorte du personnage alors qu’il ne fait que du one man show, du café théâtre."
N’allez donc pas voir Carla B., le dernier concert parce que c’est le meilleur spectacle du festival, mais parce que c’est un joyeux foutoir, un bordel impertinent, une blague irrévérencieuse et drôle. Parce que c’est bien vu.
Parce que ça ne vous prend pas pour des cons !
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Si les photos ne sont pas truquées, la ressemblance est troublante. On pourrait croire qu’il s’agit de la vraie Carla dans 20 ans, après un régime assidu à la « bière Lagerfeld » (sourire)
Espérons tout de même que le spectacle est plus inspiré que le feuileton hebdomadaire du même auteur, qui meuble le Canard, « le Journal de Carla B », franchement ennuyeux, pour ne pas dire insignifiant...
bonjour , calmos à contrario lui je parle de l acteur annonce la couleur c est un bouffon il fait dans la charge et l outrance son job quoi , lors meme sur ce site sur le meme theme de doctes poseurs nous balance leurs bouffoneries savantes.Bien que d un antisarkozysme visceral leurs attaques ad hominem me feraient hurler de rire si elles n occultaient des attaques qui se devraient politiques et argumentées.
A bientôt 3500 commentaires de ce niveau la, il serait temps de nous rédiger un article que l’on voit ce qu’est un article « moderne » sur un sujet intéressant. Aller, lâchez vous, prenez la plume, j’ai hâte de vous lire ...
@ calmos C’est sûr qu’à côté de « Blanche Colombe » , des élucubrations de Doc Gynéco, de Faudel qui ne sort plus de ses déprimes depuis qu’il s’est affiché auprès de Sa Magnificence, ça le fait pâs
Merci pour cet article et pour la recommandation concernant le spectacle de Lime. Il est vrai que Carla B est à la fois pathétique, irritante et touchante. Peut-être parce qu’elle est finalement inconsistante, voire évanescente. A toutes fins utiles, je vous invite à lire le papier que je lui ai récemment consacré sur AgoraVox sous le titre Lettre ouverte à Carla B.
Si je ne colle pas cette réponse sous celle de calmos (don’t feed the troll) où celle de Paradisial (Koushner .. ??? les mots ont un sens, un beau et grand sens merci Paradisial !!!!), c’est tout simplement parce qu’il m’a fait rire, m’a détendu, m’a fait découvrir Lime (honte sur moi), m’a donné envie de re-aimer Avignon.
900 spectacles « Off » => IRL, j’avais renoncé à fouiller : je sais maintenant où mes pas de sudiste affairée vont pouvoir dévier. Je ne suis pas loin, à quelques encablures et je me sens assez acide pour y amener 2 ou 3 sérieux partenaires franco-français (les autres s’en foutent), rire ... couleur citron.
Le métier de fourreur (allemand « Kürschner », yiddish « Kushner », ukrainien « kushnir », polonais « kusnierz »), tailleur de peaux, dépeceurs de bêtes à poils,
Il correspond au métier de fourreur (allemand « Kürschner », yiddish « Kushner », ukrainien « kushnir », polonais « kusnierz »)
De tradition dans les familles de bourreaux- exécuteur des hautes oeuvres, exerçant fréquemment des métiers en rapport avec les cadavres et la mort (équarrisseur, croque-mort, fossoyeur, etc.) lorsqu’ils sont désoeuvrés...
Savons, graisse de chien, peau de chats, colles....
Les joaillers Fabergé une grande famille de bourreaux, éxécuteurs avant de tailler l’ivoire des dents,les défences des mammouths et les cornes des aurochs, puis l’ambre,puis les oeufs d’autruche..
Je donnais le sens étymologique, lequel entend bel et bien éthiopien.
Certes, c’était du yiddish.
Dans la bible hébraïque, Sephora, l’épouse de Moïse (que le Salut de Dieu soit sur lui) est désignée par le terme koushite, qui entend bien évidement éthopienne.