Réouverture du Théâtre de l’Odéon avec Hamlet

Si Hamlet était un songe, Ariel Garcia-Valdès en serait la vision sublimée, tant l’acteur d’origine à la fois catalane et castillane, après La rose et la hache à Berthier et avant Quartett à l’Odéon intra-muros, se laisse imprégner par la force du jeu au moment où l’émotion s’emplit du texte au point de dire les mots comme s’ils lui venaient à l’esprit dans l’instant.
Arpentant le plateau du nouvel Odéon dans toute son envergure tel un Phénix sitôt réincarné qu’il ne cesserait de vouloir en finir avec la monstruosité tranquille que les compromissions de la vie lui offrent sur un plateau princier, le comédien semble se dédoubler en pointant un Hamlet virtuel qui sourirait aux anges dans la position du philosophe ayant assimilé les tourments du monde.
Du coin de l’oeil de son cheval de Troie, Georges Lavaudant personnifié en Claudius, l’oncle usurpateur des titres de Roi et d’époux de Gertrude (Astride Bas) la mère d’Hamlet, suit son acteur fétiche sans perdre une parole que la traduction de Daniel Loayza organise en jeu de maux que se dispute l’humanité corrompue de l’intérieur.
Horatio (Babacar M’baye Fall) toise dans l’ombre distanciée ce que la mauvaise conscience pourrait commettre d’erreurs stratégiques, si son protégé n’était déjà hors d’atteinte puisque d’aucuns jugent fou ce prince refusant la substitution d’un père envoyé ad patres par complot.
D’ailleurs Hamlet lui-même est près d’en convenir, ayant bien compris ce que la simulation du délire pouvait susciter d’avantages, dévoilant en retour les atermoiements cachés et contradictoires de l’âme humaine.
Fossoyeurs de la posture, Philippe Morier-Genoud (Polonius), Joseph Menant (Guildenstern/Osric), Pascal Rénéric (Rosencrantz/Laërte) complètent ce tableau spectral face auquel il reste néanmoins possible d’être "songeur".
Cependant que triple modèle de la vertu perdue, Ophélie (Anna Chirescu, Estelle Galarme, Axelle Girard) se démène sous les castagnettes de Jean-Claude Gallotta en cadence sur des rythmes andalous paradant des intermèdes syncopés de chorégraphies "up to date".
Présentée comme une suite de morceaux choisis emblématiques d’une oeuvre de quatre heures synthétisées au tiers, la mise en scène du maître des lieux Georges Lavaudant scintille des mille feux d’un spectacle vivant dont les attributs audiovisuels sont à la hauteur d’une machinerie toute neuve avec laquelle même un enfant ne pourrait résister de jouer, fût-ce pour l’étrenner avec Shakespeare en une série de représentations inaugurales d’un théâtre de l’Europe plus mythique que jamais.
Photo Ldd Ros Ribas
HAMLET (UN SONGE) - *** Theothea.com - d’après William Shakespeare - mise en scène : Georges Lavaudant - avec Astrid Bas, Anna Chirescu, Estelle Galarme, Axelle Girard, Ariel Garcia Valdès, Georges Lavaudant, Babacar M’Baye Fall, Philippe Morier-Genoud, Joseph Menant, Pascal Réméric - Théâtre de l’Odéon -
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