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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Scènes étranges dans le canyon

Scènes étranges dans le canyon

 Un article en forme d'hommage à Dave McGowan, décédé le 22 novembre 2015 des suites d'un cancer, à l'âge de cinquante-cinq ans. Chercheur indépendant, auteur de Understanding the F-Word et de Programmed to Kill, Dave McGowan restera comme l'auteur qui a levé le voile sur les aspects les plus ténébreux du monde de l'industrie du spectacle américaine des années 60-70, avec son livre Weird Scenes Inside the Canyon (lire les traductions des chapitres 116 et 18). Ses excellentes web-séries sur les missions Apollo et sur l'attentat du marathon de Boston méritent elles aussi le détour, pas seulement pour la qualité de l'analyse, mais aussi pour l'humour dont Dave savait faire preuve, et que je ne rends que très imparfaitement avec ces traductions.

 Je vous propose ici quelques extraits supplémentaires de son dernier ouvrage, Weird Scenes Inside the Canyon.

Dave McGowan

Dave McGowan

 

  • Sur Vito Paulekas et les Freaks :

 « Les premiers hippies de Hollywood, et peut-être les premiers hippies tout court, étaient Vito, sa femme Szou, Captain Fuck, et leur groupe d’environ trente-cinq danseurs. Ils s’appelaient les Freaks, menaient une vie semi-communautaire et participaient à des partouzes et à des formes de danse libre dès qu’ils le pouvaient. » Barry Miles, dans son livre Hippie.

Vito Paulekas

Vito Paulekas

  Comme par magie, de nouveaux clubs se mirent à pousser comme des champignons sur le légendaire Sunset Strip à partir de 1964, et d’anciens clubs, alors considérés comme étant depuis longtemps arrivés en bout de course, retrouvèrent une seconde jeunesse.[...] La peinture sur les murs de ces nouveaux clubs n’était pas encore sèche, que des groupes comme Love, The Doors, The Byrds, Buffalo Springfield, The Turtles ou The Mamas and the Papas se précipitèrent pour frapper à leurs portes. Le problème était toutefois que ces clubs n’étaient pas encore connus du public, que le Ciro’s était depuis longtemps passé de mode, et que personne n’avait jamais entendu parler de tous ces groupes. Il fallait donc trouver un moyen de créer du buzz autour de ces clubs, pour attirer les gens et donner une nouvelle vie au Strip, ainsi que, bien entendu, lancer la carrière de ces nouveaux groupes.

 On ne pouvait pas s’attendre à ce que ces groupes remplissent les clubs par eux-mêmes, puisque, en plus d’être totalement inconnus – et oui, bien que je sache que vous n’avez pas envie de l’entendre et que je vais probablement être inondé de lettres de plaintes, je vais tout de même le dire – ils n’étaient pas très bons, au moins pour ce qui concerne leurs incarnations en live. Il est certain qu’ils sonnaient vraiment bien sur vinyl, mais c’était en grande partie dû au fait que ce n’étaient pas les membres de ces groupes qui jouaient pendant les enregistrements (du moins, pas aux débuts du mouvement), et les riches harmonies vocales qui étaient la marque de fabrique du « son du Laurel Canyon » étaient créées en studio avec une bonne dose d’effets sonores. Sur scène, c’était une toute autre histoire.

 C’est ici qu’entre en scène la troupe colorée et flamboyante des Freaks, qui furent une composante essentielle de la stratégie visant à attirer les clients dans ces clubs. Les danseurs de Vito et Carl furent une attraction permanente de la scène du Sunset Strip, ce dès le jour de l’ouverture de ces clubs au public, et tous les témoignages rapportent qu’ils étaient traités comme des altesses royales par les patrons de club. Comme l’a reconnu John Hartmann, propriétaire du Kaleidoscope Club et frère du comédien Phil Hartmann : « je laissais rentrer Vito et ses danseurs gratuitement chaque semaine, parce qu’ils attiraient les gens. C’étaient vraiment des hippies, et nous devions donc les avoir. Ils rentraient gratuitement dans à peu près tous les clubs. Ils étaient une bénédiction pour votre affaire. Ils vous validaient. S’ils étaient la quintessence de la culture hippie et que vous essayiez d’être un night-club hippie, il vous fallait ces hippies. »

 Comme l’a expliqué Kim Fowley avec son franc-parler habituel : « un groupe n’avait pas à être bon, tant que les danseurs étaient là. » Et à la vérité, le groupe ne comptait pas réellement, si ce n’est pour produire un semblant de bruit de fond pour le véritable spectacle, qui avait lieu sur la piste de danse. Gail Zappa a candidement admis que, même lors des spectacles donnés par son mari, la véritable attraction ne se trouvait pas sur scène : « Les clients venaient pour voir danser les Freaks. Personne n’en parle jamais, mais c’était pourtant le cas. » Frank Zappa a ajouté : « Dès qu’ils arrivaient, il se passait quelque chose, parce qu’ils dansaient d’une façon que personne n’avait encore jamais vue, en criant et en hurlant tout en se roulant par terre et en faisant toutes sortes de choses étranges. Ils étaient aussi habillés d’une manière incroyable, et ils donnaient vie à tout ce qui se passait. » [Ndt : voir les Freaks en action]
 

 [Ndt : Sur Godo Paulekas, le fils de Vito et Szou décédé à l’âge de trois ans suite à un étrange accident :] Nous savons, par exemple, qu’un musicien et compositeur nommé Raphael a raconté à l’écrivain Michael Walker qu’il était présent un soir chez Vito, lorsque Godo fut amené : « Ils se passaient ce petit garçon, en cercle, et passaient leurs bouches sur son corps nu. C’était leur manière de ‘‘ l’initier à la sensualité ’’. » Nous savons aussi que Vito et Szou ont eu une réaction plutôt étrange à l’annonce de la mort de leur premier-né, comme le raconte [Pamela] Des Barres : « J’étais dévastée par le chagrin, mais Vito et Szou ont insisté pour qu’on ne change pas nos plans pour la soirée. Nous sommes sortis pour aller danser, et lorsque les gens demandaient où était le petit Godo, Vito répondait : ‘‘ il est mort aujourd’hui ’’. C’était bizarre, vraiment bizarre. » [...]

Szou Godo Paulekas

Szou et Godo Paulekas

 Pour ajouter une dose d’étrangeté, voici une citation du San Francisco Weekly [...] : « le premier candidat [de Kenneth Anger] pour interpréter le rôle de Lucifer, un enfant de cinq ans dont les parents hippies sont des célébrités de la scène de la contre-culture de Los Angeles, est décédé des suites d’une chute à travers un velux. En 1967, Anger avait déménagé à San Francisco, et recherchait un nouveau Lucifer. » Comme le savent peut-être certains lecteurs, Anger trouva bientôt son nouveau Lucifer en la personne de Bobby Beausoleil, le membre de la Famille Manson et ancien guitariste du groupe Grass Roots. [...]

Pamela Des Barres

Pamela Des Barres

  Pamela Des Barres jette une lumière encore un peu plus crue sur les aspects les plus sombres de la troupe des Freaks, lorsqu’elle décrit une scène que Vito avait organisée un soir dans son studio : « deux très jeunes filles se léchaient la chatte [...] tout le monde observait la scène en silence, comme s’il s’agissait d’un élément essentiel de l’entraînement prodigué par le grand-maître, Vito.[...] Une des filles sur le lit à baldaquin était âgée de seulement douze ans, et quelques mois plus tard, Vito dut s’exiler à Tahiti à cause de cette affaire, et de bien d’autres du même genre. » [...] Comme l’a remarqué Pamela Des Barres : « Vito était comme Frank [Zappa], il ne prenait jamais de drogue. C’étaient deux chefs de clan qui voulaient tout contrôler. »

 « Vito avait dépassé la cinquantaine, mais il baisait des déesses dans tous les sens... Il donnait des cours de sculpture en argile sur Laurel Avenue, où il apprenait la sculpture à de riches douairières. Et c’était aussi la salle de répétition des Byrds. Puis Jim Dickson a eu l’idée de les mettre au Ciro, en se disant que tous les freaks se ramèneraient, et que les Byrds seraient leurs Beatles. » Kim Fowley

 « Vito déboulait tous les soirs avec son entourage, composé le plus souvent de quatre ou cinq filles superbes. C’est une comparaison un peu étrange, mais c’était un peu comme ce qu’il se passait avec Manson, une petite secte. » Lou Adler, producteur/manager de The Mamas and the Papas.

 « J’ai dit pendant des années qu’il y avait une sorte d’analogie entre Vito et Manson... Vito était un genre de maquereau. Il était accueilli comme un VIP par tous ces artistes parce qu’il amenait toujours avec lui des filles délurées de quatorze ou quinze ans qui étaient ravies de satisfaire leurs besoins. » Un membre de la famille Paulekas, au cours d’une conversation par e-mail avec l’auteur.

[Ndt : l'auteur signale par ailleurs que Vito Paulekas était le cousin germain de Bobo Rockefeller, l'épouse de Winthrop Rockefeller.]

 

  • Sur les Young Turks :

 Les Freaks jouèrent certes un rôle extrêmement important dans la popularisation des groupes musicaux du Laurel Canyon ; mais un autre groupe joua lui aussi un rôle-clé dans cette entreprise : les Young Turks de Hollywood. Tout comme les Freaks, les Young Turks furent immédiatement et constamment présents sur la scène émergente du Sunset Strip. Et comme avec les Freaks, leur présence fut fortement médiatisée. Les habitants du cru et les touristes savaient où se rendre pour s’extasier devant les Freaks, et, bonus non négligeable, avoir la possibilité de côtoyer des stars telles que Peter Fonda, Jack Nicholson, Bruce Dern, Dennis Hopper et Warren Beatty, ainsi que leurs pendants féminins – comme Jane Fonda, Nancy Sinatra et Sharon Tate.

 Et tout comme les Freaks, les Turks détournaient l’attention des gens, leur faisant oublier la médiocrité des musiciens qui occupaient la scène. Après tout, de jeunes hommes à qui on offrait la possibilité de rencontrer Jayne Mansfield en chair et en os ne s’apercevaient peut-être même pas qu’il y avait un groupe sur scène ! [...]

Jayne Mansfield

 Nombre de ces jeunes stars si glamour avaient noué des liens étroits avec les musiciens du Laurel Canyon. Certaines d’entre elles, comme Peter Fonda, s’installèrent dans le Laurel Canyon pour vivre, travailler, et faire la fête en compagnie de ces stars du rock (et, dans leurs heures creuses, faire passer à la casserole la femme de John Phillips, Michelle, qui a écarté les cuisses pour quasiment tous les hommes présents dans le canyon, y compris Jack Nicholson, Dennis Hopper, Warren Beatty, Roman Polanski et Gene Clark des Byrds). Certains n’ont jamais quitté le canyon ; Jack Nicholson occupe toujours une luxueuse propriété située sur Mulholland Drive, entre le Laurel Canyon et le Coldwater Canyon. Warren Beatty vit tout près de la demeure de Nicholson, qui a par ailleurs acquis l’ancienne maison attenante appartenant à Marlon Brando. [...]

 À présent que nous avons établi à quel point les Young Turks étaient intégrés à la scène du Laurel Canyon et du Sunset Strip, et montré l’importance du rôle qu’ils ont joué pour attirer les foules dans les clubs pour qu’elles y découvrent les nouveaux groupes de rock, il est temps d’en apprendre un peu plus sur l’identité de ces gens, et sur leurs origines. Commençons avec M. Bruce Dern, qui possède certaines des connexions les plus intrigantes de cette saga.

 On peut dire sans grand risque de se tromper que les parents de Dern avaient des liens assez impressionnants dans les milieux politiques, puisque la marraine de Bruce était la First Lady en exercice, Eleanor Roosevelt, tandis que son parrain était le candidat démocrate Adlai Stevenson (qui échoua par deux fois lors des élections présidentielles de 1952 et 1956, face à Eisenhower). Le grand-père paternel de Bruce était un type dénommé George Dern, qui fut secrétaire d’état à la guerre sous la présidence de Franklin Roosevelt (pour les plus jeunes, le secrétariat d’état à la guerre est l’ancien nom donné au secrétariat d’état à la défense, à une époque un peu moins orwellienne que la nôtre). George fut aussi gouverneur de l’Utah et président de l’association nationale des gouverneurs. La mère de Dern, née Jean MacLeish, était la sœur d’Archibald MacLeish, qui a lui aussi exercé sous l’autorité de Franklin Roosevelt en tant que directeur du bureau des faits et des chiffres du ministère de la guerre, et en tant qu’assistant directeur du bureau de l’information de guerre. En d’autre termes, Archibald MacLeish était le ministre américain de la propagande de guerre. Il a aussi occupé le poste de secrétaire d’état adjoint, ainsi que celui de directeur de la librairie du Congrès. Mais la ligne la plus impressionnante de son c.v. concerne peut-être son appartenance à la société secrète préférée du public : les Skull and Bones (promotion 1915, un an avant l’admission de Prescott Bush en 1916).

Bruce Dern

Bruce Dern

 Il apparaît donc que M. Dern avait des amis très haut placés, même au regard des standards habituels du Laurel Canyon. Tournons à présent notre attention vers celui qui a partagé l’écran en compagnie de Dern dans The Trip, M. Peter Fonda. Nous savons tous que Peter Fonda est le fils de ce bon vieux Hank Fonda, le libéral d’Hollywood si agréable. Même une nature aussi retorse que la mienne ne saurait suggérer que Henry Fonda pourrait cacher quelques squelettes dans son placard... Pas vrai ? Juste par esprit de contradiction, voici tout de même quelques chapitres de la saga des Fonda qui méritent notre attention.

Peter Fonda

Peter Fonda

 Je suppose que nous pouvons commencer par noter que Hank a été un officier décoré du renseignement de la Navy durant la seconde guerre mondiale, épargnant ainsi à Peter la honte d’être le seul membre de la communauté branchée du Laurel Canyon a ne pas avoir été engendré par un membre des services de renseignement ou de l’armée. Peu après la fin de la guerre, l’épouse de Hank, Francis Ford Seymour – qui se flattait d’être une descendante en ligne directe de Jane Seymour, la troisième femme d’Henry VIII – fut retrouvée avec la gorge tranchée par un rasoir. Peter avait à peine dix ans au moment du suicide supposé de sa mère, le 14 avril 1950. Lorsque Seymour avait rencontré puis épousé Hank, elle était la veuve de George Brokaw, qui avait, étrangement, été l’époux de Claire Booth Luce, membre éminent de la CIA.

 Fonda se remit rapidement de la mort inhabituelle de Seymour, et se remaria huit mois plus tard avec Susan Blanchard, avec qui il resta en ménage jusqu’en 1956. En 1957, Hank se remaria une nouvelle fois, avec la comtesse italienne Afdera Franchetti (dont la rumeur prétend que son mariage de quatre ans avec Fonda fut suivi d’une liaison avec le président Kennedy). Il s’avère que Franchetti est la fille du baron Raimondo Franchetti, qui fut conseiller auprès du dictateur fasciste Benito Mussolini. La comtesse est aussi l’arrière-petite-fille de Louise Sarah Rothschild, membre de la dynastie bancaire des Rothschild (ce nom vous dit peut-être quelque chose ?).

 Avant de passer à un autre sujet, il est probablement utile de mentionner que la première femme de Hank, Margaret Sullavan – qui fut, comme tant d’autres, élevée à Norfolk en Virginie – se serait elle aussi suicidée, le premier jour de l’année 1960. Elle fut imitée neuf mois plus tard par sa fille Bridget. En 1961, peu après les décès coup sur coup de sa mère, puis de sa sœur, l’autre fille de Sullavan, Brook Hayward, convola en justes noces avec le prochain Young Turk sur notre liste : Dennis Hopper. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec la vie et l’œuvre de Hopper, il s’agit du type qui fut retrouvé en une occasion, nu et complètement désorienté, au beau milieu d’une forêt mexicaine. Et aussi du type qui, après son divorce avec Hayward en 1969, a épousé Michelle Phillips en 1970, le jour d’Halloween ; un mariage qui ne dura que huit jours, Michelle Phillips demandant le divorce après avoir déclaré que Hopper l’avait maintenue menottée et emprisonnée pendant une semaine, tout en lui faisant « des demandes sexuelles anormales ».

Dennis Hopper

Dennis Hopper

  Sans porter de jugement sur Michelle Phillips, je pense qu’on peut dire qu’elle avait pourtant connu deux ou trois petites choses dans ce domaine, si vous voyez ce que je veux dire, donc si même elle trouvait que les demandes de Hopper étaient excessives, on peut vraiment se demander jusqu’à quel point elles étaient « anormales ». À ce propos, Hopper a déclaré à un journaliste qu’il « ne l’avait pas menottée, [il] l’avait juste cognée ! » Apparemment, il semblait considérer que ça le rapprochait moins d’un homme des cavernes.

 La plupart des biographies officielles de Hopper amènent les gens à penser que Hopper était le fils d’un simple fermier. Dennis a cependant récemment reconnu que ce n’était pas du tout le cas : « Le père de ma mère était un cultivateur de blé, et j’ai grandi dans sa ferme. Mais mon père n’était pas un fermier. » Au contraire, le père de Hopper était « quelqu’un qui travaillait dans le renseignement », qui, durant la seconde guerre mondiale, « était membre de l’OSS.[Ndt : le prédécesseur de la CIA] Il a été en Chine, en Birmanie, en Inde. » Hopper a fièrement affirmé que son père était « l’un des cent types qui ont libéré le général Wainright de sa prison coréenne », ce qui aurait été un peu plus impressionnant si ce n’était l’armée rouge qui avait en fait libéré Wainright et d’autres prisonniers ; les services secrets américains se sont contentés de les récupérer, de les débriefer et de les ramener à la maison... Mais je suppose que ce n’est pas si important. [...]

 Au fait, l’incarnation la plus récente de Dennis Hopper est diamétralement opposée à l’image de hippie qu’il a cultivée avec tant d’ardeur par le passé. Avant son décès, le 29 mai 2010, Hopper était un fervent militant des causes droitières, qui se vantait d’avoir constamment voté pour le parti républicain pendant les trente dernières années.

 Pour résumer, nous avons jusqu’ici fait la connaissance de trois Young Turks, et nous avons découvert que l’un d’entre eux est le neveu d’un membre du Skull and Bones, un autre est le fils d’un officier des services de renseignement de la Navy qui fut marié à une descendante des Rothschild, et que le troisième est le fils légèrement timbré d’un officier de l’OSS. En y repensant, nous avons également couvert une « Turkette », puisque Jane Fonda a bien entendu les mêmes antécédents familiaux que son frère cadet, Peter. Pour ce qui est des autres membres féminins de la bande, Sharon Tate était la fille de Paul Tate, lieutenant-colonel dans le renseignement militaire américain, et Nancy Sinatra est, bien entendu, la fille de Francis Albert Sinatra, dont les relations d’affaires incluaient Lucky Luciano, Meyer Lanski, Sam Giancana, Carlo Gambino, Goetano Luchese et Joseph Fishetti (un cousin d’Al Capone). [...]

Nancy Sinatra

Nancy Sinatra

  Ira Owen Beaty, le père du prochain Young Turk sur notre liste, Warren Beatty, était ostensiblement un professeur de psychologie. Le jeune Warren a cependant passé la totalité de sa jeunesse dans divers nids d’espion de la banlieue de Washington D.C. Warren naquit en 1937, à Richmond, en Virginie, après quoi le père fit emménager la famille à Norfolk, toujours en Virginie, dont je pense avoir déjà précisé qu’il s’agit de la ville abritant la plus grande base navale du monde (ce qui s’explique par le fait que Norfolk est la porte de la capitale du pays). La petite famille s’installa à Arlington, en Virginie, où se trouve le Pentagone. [...]

Warren Beatty

Warren Beatty

  Les déménagements fréquents d’Ira Beaty, tous situés dans des banlieues de Washington étroitement associées avec les milieux du renseignement et de l’armée, pourraient laisser penser que le père de Warren était peut-être autre chose qu’un simple professeur en psychologie – bien qu’il ne s’agisse là, bien entendu, que d’une simple spéculation. Mais si Ira Beaty émargeait sur les fiches de paie de quelque entité gouvernementale lorsqu’il travaillait dans les départements psychologie de diverses universités de la région de Washington D.C., il ne faut pas un grand effort d’imagination pour se figurer quel type de travaux il menait réellement, étant donné le niveau de cooptation du champ de la psychologie par le programme MK-ULTRA et d’autres projets associés à ce dernier.

 Le Young Turk suivant est probablement devenu l’acteur le plus célébré de sa génération ; je veux parler de M. Jack Nicholson. Avant de nous pencher sur son cas, jetons plutôt un œil à un extrait de la biographie ,consultable sur Wikipedia, du tueur en série Ted Bundy : « Bundy est né à Burlington, à la Maison Elizabeth Lund pour mères célibataires. L’identité de son père est toujours un mystère... Pour éviter la stigmatisation sociale, les grands-parents de Bundy, Samuel et Eleanor Cowell l’ont reconnu comme étant leur fils ; prenant leur nom de famille, il devint ainsi Theodore Robert Cowell. Il grandit en croyant que sa mère, Eleanor Louise Cowell, était sa grande sœur. Stephen Michaud et Hugh Aynesworth, les biographes de Bundy, ont écrit qu’il apprit que Louise étant en réalité sa mère alors qu’il se trouvait au lycée. L’auteur Ann Rule a quant à elle écrit que cette révélation a eu lieu en 1969, peu après une rupture traumatisante avec sa petite amie de la faculté. »

 Il suffirait de changer quelques noms ici ou là, et nous obtiendrons la biographie exacte de Jack Nicholson. Voici à quoi elle ressemble : Nicholson est né dans un lieu indéterminé, d’une fille mineure et non mariée. L’identité de son père est toujours un mystère... Pour éviter la stigmatisation sociale, les grands-parents de Nicholson, John Joseph et Ethel Nicholson l’ont reconnu comme étant leur fils ; prenant leur nom de famille, il devint ainsi John Joseph Nicholson, Jr. Il grandit en croyant que sa mère, June Francis Nicholson, était sa grande sœur. Des journalistes ont écrit qu’il apprit que June était en réalité sa mère en 1974, à l’âge de trente-sept ans. À cette époque, June était décédée depuis plus d’une décennie, n’ayant pas dépassé l’âge de trente-quatre ans.

 Il se dit que Nicholson est né à l’hôpital St. Vincent de New York, mais il n’existe aucun registre attestant de cette naissance, que ce soit à l’hôpital ou dans les archives municipales. Il s’avère que Jack Nicholson ne possède pas de certificat de naissance. Jusqu’en 1954, époque où il était déjà presque adulte, il n’existait pas officiellement. Même de nos jours, le document le plus proche d’un certificat de naissance détenu par Nicholson est un « certificat de déclaration de naissance reportée » qui fut enregistré le 24 mai 1954. Le document indique que John et Ethel Nicholson sont les parents, et désigne la maison des Nicholson, à Neptune dans le New Jersey, comme lieu de naissance.

Jack Nicholson

Jack Nicholson

  Il apparaît donc qu’il n’existe aucun moyen de déterminer qui est réellement Jack Nicholson. Il a déclaré à des journalistes que découvrir l’identité de son père ne l’intéressait pas, tout comme, semble-t-il, il n’a pas cherché à découvrir l’identité de sa mère. Ce que nous savons est que le noyau de la bande des années 60 connue sous le nom de Young Turks (et Turkettes) était composée des individus suivants : le neveu d’un membre du Skull and Bones ; le fils d’un officier de l’OSS ; le fils d’un officier du renseignement de la Navy ; la fille du même officier du renseignement de la Navy ; la fille d’un officier du renseignement de l’armée de terre ; la fille d’un type qui fréquentait ouvertement des parrains de la mafia tout au long de sa vie ; le fils d’un possible psychologue-espion ; et d’un type dont les premières années sont tellement nimbées de mystère qu’on ne sait s’il existe réellement.

 

  • Sur les Doors :

 Jim Morrison était un individu véritablement unique, et très probablement la rock star la plus improbable à avoir jamais arpenté la scène d’une salle de concert.

 Lorsque Morrison est apparu sur scène, il possédait déjà tous les attributs d’une star du rock, c’est à dire un groupe pour l’accompagner, un personnage de scène et une liste impressionnante de chansons – assez pour remplir les premiers albums des Doors. Le processus qui l’a amené à se réinventer d’une manière aussi radicale reste quelque peu mystérieux, puisque avant de devenir un chanteur/compositeur, James Douglas Morrison n’avait jamais fait montre d’un quelconque intérêt pour la musique. Il n’a jamais étudié la musique, et ne pouvait ni lire une partition, ni en écrire une. Il a même déclaré que le seul fait d’écouter de la musique ne l’intéressait pas vraiment. Il a aussi déclaré au cours d’une interview qu’il « n’avait jamais assisté à un concert – une fois ou deux tout au plus. » Et avant d’intégrer les Doors, il « n’avait jamais chanté. Je ne l’avais même jamais envisagé. » Lorsqu’on lui demanda, vers la fin de sa vie, s’il avait jamais eu l’envie d’apprendre à jouer d’un instrument de musique, Jim répondit : « pas vraiment. »

 Nous avons donc ici quelqu’un qui n’avait jamais chanté, qui « n’avait même jamais envisagé » la notion qu’il pourrait ouvrir sa bouche pour en faire sortir des sons, qui ne savait jouer d’aucun instrument et ne souhaitait pas apprendre à en jouer, qui n’avait jamais vraiment écouté de musique et qui ne s’était jamais retrouvé à proximité d’un groupe, même pour écouter leur performance, et qui est pourtant devenu, quasiment du jour au lendemain, une rock star complètement formée qui allait bientôt devenir l’icône d’une génération. Encore plus étrange, la légende veut qu’il avait déjà dans sa besace suffisamment de chansons pour remplir les premiers albums des Doors. Morrison, voyez-vous, ne fonctionnait pas de la même manière que tous les autres chanteurs/compositeurs, c’est à dire en composant les chansons au fur et à mesure de l’avancée de la carrière du groupe ; il les aurait au contraire toutes écrites d’un coup, avant même la formation du groupe. Comme Jim l’a reconnu au cours d’une interview il n’était pas « un compositeur très prolifique. J’ai écrit la plupart de mes chansons tout au début, il y a environ trois ans. J’ai juste eu une période durant laquelle j’ai écrit beaucoup de chansons. »

Morrison

Jim Morrison

 En fait, toutes les bonnes chansons attribuées à Jim Morrison proviennent de cette période – une période au cours de laquelle la légende raconte que Jim passait le plus clair de son temps sur le toit d’un immeuble à Venice, où il ingurgitait de copieuses quantités de LSD. [...]

 Quoi qu’il en soit, la question qui se pose légitimement (bien que personne ne semble la lui avoir posée) est : comment Jim « The Lizard King » Morrison a-t-il fait pour écrire cette fournée impressionnante de chansons ? Je ne suis pas moi-même musicien, mais je crois savoir que tous les auteurs/compositeurs du pays composent leurs chansons de la même manière : en se servant d’un instrument – le plus souvent un piano ou une guitare. Certains compositeurs sont capables de composer directement sur papier, mais cela requiert des connaissances que Jim ne possédaient pas. Le problème est qu’il ne savait pas non plus jouer d’un instrument. Comment donc a-t-il fait pour écrire ces chansons ?

 Je suppose qu’il les a composées dans sa tête. Nous sommes donc censés croire que le cerveau de Jim, baignant dans l’acide, renfermait plusieurs douzaines de chansons que personne n’avait jamais entendues auparavant, et qui n’avaient jamais été jouées par aucun musicien. [...]

 Et il convient de préciser qu’il s’agit ici de chansons, et pas seulement de paroles, que l’on pourrait qualifier de poèmes. Il est bien connu que Jim fut un poète assez prolifique, tandis qu’il n’a composé des chansons que durant une brève période de son existence. Mais pourquoi ? Pourquoi Jim, qui n’éprouvait jusqu’alors aucun intérêt pour la musique, est-il soudainement et inexplicablement devenu un compositeur prolifique qui, après avoir composé mentalement un catalogue impressionnant de morceaux qui seront considérés comme des classiques du rock, a tout aussi soudainement perdu toute motivation pour la composition ? Et comment et pourquoi Jim est-il parvenu à réussir cette transformation physique qui l’a fait passer de cet étudiant propret au look assez classique, au sex-symbol qui allait bientôt prendre le pays d’assaut ? Et pourquoi Jim, après quelques années passées dans la peau de ce personnage, s’est-il une nouvelle fois transformé au cours des dernières années de sa vie, cette fois en un poète reclus, obèse et barbu, qui semblait avoir perdu son attirance pour la musique aussi soudainement et inexplicablement qu’elle lui était venue ?

Morrison

Jim Morrison

  À la réflexion, Jim Morrison n’était pas le seul à être quelque peu étrange ; le groupe lui-même différait des autres groupes du Laurel Canyon de diverses façons. Vanity Fair a d’ailleurs écrit que « les Doors ont toujours été différents. » Par exemple, les quatre membres du groupe n’avaient aucune expérience préalable avec un autre groupe. Morrison et Manzarek étaient des étudiants en cinéma, et le batteur John Densmore ainsi que le guitariste Robby Kreiger ont été recrutés par Manzarek dans un cours de méditation transcendantale – j’imagine qu’il s’agit là de l’endroit approprié pour trouver les musiciens qui vont compléter un groupe. Il n’y avait apparemment pas de bassiste dans ce cours, aussi ont-ils décidé de s’en passer – sauf pour les fois où ils embauchaient un musicien de studio, pour ensuite nier qu’ils avaient utilisé ses services.

 Quoi qu’il en soit, aucun des quatre membres des Doors ne pouvait se targuer d’avoir jamais joué dans un groupe. Même un groupe aussi artificiel que pouvait l’être les Byrds, comme nous allons bientôt le voir, avait des membres possédant un minimum d’expérience. [...]

 Les Doors [...] étaient juste quatre types qui se sont retrouvés par hasard pour jouer les chansons composées par un chanteur qui n’avait jamais chanté de sa vie, mais qui avait eu une révélation soudaine et un don magique pour la composition. Comme on pouvait s’y attendre avec quatre personnes qui n’avaient jamais joué dans un groupe, ils ne jouaient pas très bien. Et c’est peu de le dire. Inutile de me croire sur parole ; laissons plutôt le producteur du groupe, Paul Rothchild, nous dire ce qu’il en pensait : « Les Doors n’étaient pas très bons en live, musicalement. Leur jeu d’acteur et leurs mouvements étaient excitants, mais en tant que musiciens, ce n’était pas vraiment ça ; il y avait trop d’incohérences, il y avait trop de mauvaise musique. Robby et Ray étaient atrocement désaccordés, John oubliait des notes, et Jim se servait mal du micro, au point que parfois on ne l’entendait pas du tout. » [...]

The Doors

The Doors

  Mis à part tout ça, c’était juste un groupe de rock des années 60 tout à fait classique et pas artificiel pour deux sous, si ce n’est leur curieuse aversion pour l’engagement politique.[...] [Jim] a déclaré à des journalistes qu’il « [n’avait] pas vraiment étudié la politique. » Mais ce n’était pas bien grave, d’après le batteur John Densmore, puisque « la plupart des gens qui venaient à nos concerts, ils n’avaient pas l’air – enfin, on n’avait pas l’impression qu’ils venaient pour nous écouter parler de politique. »

 Ça se passait comme ça dans les années 60, voyez-vous ; les jeunes gens de cette époque ne s’intéressaient pas beaucoup à la politique, et ne souhaitaient certainement pas entendre leurs icônes du mouvement anti-guerre se mettre à discourir sur quoi que ce soit qui aurait pu ressembler à un sujet politique.

 

  • Sur la New Wave et le clan Copeland :

 « Il pensait sérieusement que Miles, Stewart et moi faisions partie d’un complot ourdi par mon père et soutenu par la CIA. » Ian Copeland, à propos de Bernie Rhodes, manager de The Clash.

 Les années 70 touchaient à leur fin, et le son émanant du Laurel Canyon commençait à être remplacé par un nouveau genre de rock. Ce qui, à l’origine, fut appelé « punk rock », évolua vers une forme moins agressive, connue sous le nom de « new wave », et les deux genres musicaux furent présentés aux masses comme les nouvelles formes de rébellion contre l’ordre établi.

 Cette nouvelle scène était composée d’une nouvelle fournée de stars montantes, avec des groupes et des artistes tels que les Sex Pistols, The Clash, Buzzcocks, The Cramps, Generation X, Cherry Vanilla, General Public, The (English) Beat, Public Image Ltd., The Fleshstones, The B-52’s, The Cure, The Police, Blondie, Television, REM, Patti Smith, Lou Reed, John Cale, Magazine, Simple Minds, The Specials, Wall of Voodoo, The Go-Gos, The Bangles, Joan Jett & the Blackhearts, Echo and the Bunnymen, The Psychedelic Furs, Joy Division, Bow Wow Wow, Gang of Four, Squeeze, Siouxsie & the Banshees, Oingo Boingo, Adam Ant, Gary Numan, The Smiths, The Fixx, A Flock of Seagulls, Bananarama, Sting, Thompson Twins, Katrina and the Waves, Lords of the New Church, Midnight Oil, Steel Pulse, Dread Zeppelin, Social Distortion, Human League, Soft Cell, Timbuk 3, Camper Van Beethoven, Circle Jerks, dada, The Alarm, The Jesus and Mary Chain, The Plimsouls, The Ramones, The Stranglers, UB40, Suburban Lawns, Stan Ridgeway, XTC, Concrete Blonde, Ultravox, et The Fine Young Cannibals.

Sex Pistols

The Sex Pistols

  Tous les groupes et artistes cités ci-dessus avaient quelque chose en commun : outre le fait d’être les jeunes artistes les plus encensés par la critique, ainsi que les plus rentables commercialement, ils devaient tous une bonne part de leur succès à leur association avec au moins un des membres du clan Copeland.

 Le patriarche du clan, Miles Axe Copeland, Jr., né en 1916, était une sorte de légende au sein des milieux du renseignement occidental. À l’occasion du déclenchement de la seconde guerre mondiale, cet ancien musicien professionnel devint comme par magie l’un des membres fondateurs de l’OSS. Il fut stationné au Royaume-Uni durant la guerre, où il rencontra Elizabeth Lorraine Adie, un agent des services de renseignement britanniques, qui était assignée au Special Operations Executive (SOE). Le frère de Lorraine, Ian Aide, était lui aussi un membre haut placé des services de renseignement britanniques.

 Michael et Lorraine, lui le fils d’un médecin, elle la fille d’un neurochirurgien très en vue, convolèrent en justes noces au Royaume-Uni, le 25 septembre 1942. Une fois la guerre terminée, le couple s’installa à Washington D.C., où Miles travailla en compagnie d’autres poids lourds du renseignement comme « Wild Bill » Donovan à la création de la CIA. Au cours des décennies suivantes, Copeland joua un rôle-clé dans diverses activités malfaisantes au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Il fut envoyé à Damas en 1947, pour y servir en tant que chef du bureau local de la CIA, et pour y orchestrer [...] les premiers coups d’état fomentés par la CIA.[...] Miles Copeland III, le premier fils du couple né le 4 mai 1944 à Londres, faisait lui aussi partie de l’aventure. Il fut rejoint par son petit frère Ian, né le 25 avril 1949 dans la périphérie de Damas.

Miles Copeland Jr.

Miles Copeland, Jr.

  Les Copeland alternèrent ensuite entre leur maison de Washington et diverses affectations au Moyen-Orient. Le troisième fils du couple, Stewart, naquit le 16 juillet 1952 à Alexandria en Virginie. Au cours du même mois, Miles collaborait avec Gamal Nasser pour organiser un coup d’état en Égypte. En 1953, Miles travaillait en étroite collaboration avec Archibald et Kermit Roosevelt pour mettre en place le coup d’état qui allait renverser le premier ministre démocratiquement élu de l’Iran, et ainsi consolider le pouvoir du shah Reza Pahlavi. Cette année-là, la famille Copeland fut envoyée au Caire, en Égypte, avec pour mission de créer le Mukhabarat Al-Ammah, l’équivalent égyptien de la CIA, pour le compte du président Nasser. Copeland y passa quatre années, devenant l’un des principaux conseillers de Nasser et le chef de l’antenne locale de la CIA. Pendant ce temps, Lorraine développa un intérêt marqué pour l’archéologie, et devint donc, ou se fit passer pour, une archéologue.[...]

 De 1957 à 1968, le clan Copeland fut stationné à Beyrouth, où Miles, Sr. opérait en tant que chef du bureau libanais de la CIA. Au cours des premières années de cette mission, Copeland travailla en collaboration étroite avec des pontes de la communauté du renseignement tels que le secrétaire d’état John Foster Dulles et le chef de la CIA Allen Dulles. [...]

 Après avoir obtenu son diplôme universitaire, Miles [Copeland III] rejoignit le reste de la famille en Grande-Bretagne, où il devint bientôt le manager de groupes tels que Wishbone Ash ou the Climax Blues Band, et d’artistes comme Joan Armatrading et Al Stewart. En 1974, il avait déjà fondé sa première maison de disque, British Talent Managers (BTM), était devenu l’associé d’une agence de réservation de places de spectacles, et avait créé un magazine musical, College Event. Il s’associa également avec l’avocat Allen Grubman, alors inconnu, pour fonder le cabinet d’avocats spécialisé dans l’industrie de la musique le plus puissant du pays. [...]

En 1976, Miles abandonna ces activités pour devenir l’agent, le manager, le producteur, ou la maison de disques de nombreux groupes punk ou new wave, qui s’affirmèrent bientôt parmi les étoiles les plus brillantes de l’univers de l’industrie de la musique. Copeland lança plusieurs nouveaux labels – parmi eux Illegal Records, Deptford Fun City Records, Stepforward Records et New Bristol Records – et fut le producteur exécutif d’un film consacré à la promotion de cette nouvelle scène musicale, Urgh ! A Music War. Son bureau devint bientôt le quartier-général de Sniffin’ Glue, le fanzine le plus influent de cette période. En 1979, Copeland et Jerry Moss, le président d’AMC Records, créèrent l’International Records Syndicate, Inc., plus connu sous le nom d’IRS Records. Ce label obtint rapidement la signature de nombreux groupes parmi les plus influents de la scène new wave. En 1983, Miles devint le seul producteur de musique à avoir droit à sa propre émission sur la chaîne MTV, IRS Records Presents The Cutting Edge, qui dura jusqu’en 1987 et servit principalement, on ne s’en étonnera pas, à faire la promotion des groupes de Copeland.

 Copeland a aussi eu droit à une émission en prime-time en Grande-Bretagne, Miles Copeland’s England. Ce programme était bien connu pour être très en faveur du parti conservateur et pro-capitaliste, et il se dit qu’il s’agissait d’une des émissions favorites du premier ministre Margaret Thatcher. Une rediffusion de cette émission a été annulée suite à des plaintes portant sur le fait qu’elle aurait pu influencer les électeurs à la veille d’un scrutin.

 Pendant ce temps, le petit frère Ian Copeland était lui aussi devenu un acteur important de l’industrie de la musique. Il a affirmé avoir fait partie d’un gang de bikers, au cours de ce qu’il décrit comme étant une jeunesse tourmentée, après avoir acquis sa première moto à l’âge de quinze ans. Ses mémoires sont remplies de ce genre de contes – comme par exemple sa fuite de la maison familiale alors qu’il était encore mineur, et ses aventures dans plusieurs pays – mais la plupart d’entre eux semblent apocryphes. Il prétend que la première entreprise qu’il a montée, alors qu’il était encore assez jeune, était « un bordel », où l’on donnait du réconfort aux Marines appelés dans le pays par son père. Il prétend également avoir aidé un ami à fuir le pays, après que celui-ci eût probablement tué un policier.

Frères Copeland

Ian, Stewart et Miles Copeland

 Le 19 septembre 1967, au point culminant de la toujours plus impopulaire guerre du Vietnam, et alors que les autres gamins tentaient désespérément d’échapper à la conscription, Ian s’est engagé volontairement dans l’US Army. Comme il l’a souligné dans ses mémoires, il « voulait aller au Vietnam. » Après avoir intégré la 1ère division d’infanterie, également connue sous le nom de Big Red One, il arriva au Vietnam en 1968, peu après l’offensive du Têt. Comme il le raconte dans son livre, son unité allait très vite « être bannie de Saïgon [...] suite à de nombreuses plaintes pour brutalités. » Ian écrit par ailleurs qu’il approuvait les actions de son unité, qui avait pour habitude de « bombarder au hasard les coins de campagne où nous pensions que Charlie pourrait se trouver »,[Ndt : Charlie = les communistes] passant allègrement sur le fait que ces localités étaient très largement peuplées de populations civiles. Copeland a écrit à propos de son passage au Vietnam qu’il « a adoré ça – pas tout le temps, mais suffisamment pour que j’y reste jusqu’au bout, et aussi pour avoir surtout d’excellents souvenir chaque fois que je me rappelle du Vietnam. » Ces excellents souvenirs ont certainement un rapport avec le fait qu’il avait été désigné pour transmettre des informations sensibles, et qu’il bénéficiait à ce titre d’une grande autonomie : « Comme nous transportions des messages classés confidentiel, secret, et top secret, nous avions l’autorisation de clôturer nos quartiers avec du fil de fer barbelé, et d’en interdire l’accès à quiconque, y compris aux officiers. »

 Alors qu’il venait d’avoir dix-neuf ans, il obtint le grade de sergent, devenant ainsi le plus jeune soldat américain à avoir jamais atteint ce rang, comme il le rapporte lui-même. Il a attribué cette promotion en partie au fait qu’il a fait office de garde du corps pour un lieutenant – dont il ne révèle pas l’identité – qui était très impliqué dans des opérations de marché noir. Ce que Copeland oublie de signaler, c’est que les opérations de marché noir au Vietnam étaient généralement dirigée par notre CIA nationale. Copeland a de plus reçu la Bronze Star, une médaille pour bonne conduite, quatre médailles de campagne, la médaille du National Defense Service, la médaille du Vietnam Service, et la médaille de reconnaissance de la République du Vietnam.

 Suite à son engagement au Vietnam, Ian fut assigné à Fort Lee, juste à côté de Washington D.C. Là, il reçut pour mission d’entraîner aux tactiques anti-émeute les troupes chargées d’encadrer la marche pour la paix sur Washington. Il s’est ensuite porté volontaire pour retourner au Vietnam, mais dut faire face à des accusations de consommation de drogue au Royaume-Uni. Il a finalement été reconnu « non coupable » de ces accusations, en grande partie grâce au fait que son père s’était arrangé pour que son représentant légal fût un conseiller de la reine. Ce contretemps l’a empêché de retourner au Vietnam ; il fut alors envoyé dans un poste de communication en Angleterre. En octobre 1970, il fut assigné à l’une des nombreuses bases militaires américaines autour de Mannheim, en Allemagne, un des centres du renseignement militaire. Quelques mois plus tard, en janvier 1971, il fut libéré du service, après avoir servi son pays pendant près de trois ans et demi.

 À la fin du mois d’avril 1971, peu après avoir quitté l’armée, Copeland décida, de manière assez incongrue, de se joindre à une manifestation qui dura une semaine, organisée par l’association des vétérans contre la guerre du Vietnam. Au vu de son histoire récente, ainsi que de son histoire familiale, les lecteurs seront pardonnés s’ils doutent de la sincérité de cet engagement, et s’ils se demandent s’il n’était pas plutôt en mission d’infiltration au sein de ce groupe dissident. Pour répondre à cette interrogation, on pourrait peut-être trouver un indice dans le fait que, peu après la manifestation, Ian a répondu à une annonce qui recrutait des vétérans de la guerre du Vietnam pour aller combattre au Congo en tant que mercenaires.

 Copeland ne se rendit jamais au Congo ; à la place, il partit travailler pour son grand frère Miles. Entre cette période et l’année 1979, il avait fondé Frontier Booking International, plus connue sous l’acronyme FBI, qui devint bientôt l’agence de réservation incontournable pour tous les concerts de la new wave, un terme que Ian Copeland prétend avoir inventé. Il s’occupa rapidement de la réservation de tous les spectacles des groupes managés par son frère Miles, et bien d’autres encore. C’est ainsi que Miles et Ian manageaient, produisaient, géraient les spectacles, enregistraient, et plus largement s’occupaient d’un pourcentage remarquablement élevé des groupes les plus importants qui émergèrent de cette nouvelle scène musicale. [Note de l’auteur : Ian Copeland a également eu une liaison qui dura trois ans avec l’actrice Courteney Cox, qui débuta comme danseuse dans un clip vidéo de Bruce Springsteen. Il s’avère que Courteney Cox est la belle-fille de Hunter Copeland, le frère de Miles Axe Copeland, Jr., qui l’a en partie élevée et qui est donc l’oncle des trois garçons. Hunter Copeland fut un officier décoré de l’armée américaine, qui servit au cours de la seconde guerre mondiale, à l’occasion de laquelle il glana une Silver Star, quatre Bronze Stars, et un Purple Heart.]

 Le plus jeune et le plus connu des frères Copeland, Stewart, a lui aussi choisi de s’impliquer dans le milieu punk/new wave, mais il le fit en formant son propre groupe « punk ». Mais avant de recruter les autres membres du groupe, il trouva rapidement le nom, The Police, et se chargea du logo du groupe ainsi que de la couverture du premier album.[Ndt : Dave McGowan a par ailleurs fait remarquer qu’il est assez amusant de noter que Miles, le frère aîné, était à la tête de la maison de disques IRS – l’IRS étant le fisc américain, que le cadet Ian dirigeait l’agence FBI, et que le benjamin était membre de The Police.] Le groupe qu’il monta par la suite, dans lequel il jouait de la batterie, avec Gordon Thomas Matthew « Sting » Sumner comme chanteur et bassiste, et Andrew James Sumner à la guitare, devint bientôt le groupe dont on peut considérer qu’il a connu le plus de succès parmi ceux du mouvement new wave. Le succès de The Police aux États-Unis fut d’ailleurs le déclencheur d’une nouvelle British Invasion de groupes punk et new wave. Et ceci malgré le fait que le groupe n’était absolument pas un groupe punk, et ne rentrait pas vraiment dans la catégorie new wave. [...]

The Police

The Police

 En 2002, Stewart Copeland joua brièvement dans une reconstitution des Doors, aux côtés des membres-fondateurs du groupe, Ray Manzarek et Robby Krieger. Andy Summers, l’ancien partenaire de Copeland au sein de The Police, qui avait une dizaine d’années de plus que Stewart et Sting, faisait partie de la scène du Laurel Canyon, à l’époque où les Doors jouaient sur le Sunset Strip. Comme il l’écrivait dans Rolling Stone en 2007, il « vivait dans le Laurel Canyon, et se rendait tous les soirs sur le Sunset Strip » en 1968. Summers, qui fit brièvement partie des Animals à cette époque, était un visiteur régulier de la Log Cabin.

 And the beat goes on...


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2 réactions à cet article    



    • sls0 sls0 5 décembre 2015 20:51

      Huit points d’interrogation et beaucoup de ’’je suppose’’ dans l’article.

      Merci quand même pour ce rappel d’une période agréable.

      Ah, Zappa, bière, pétard et la fille dont on se rappelle plus le nom, c’était agréable.

      35 ans plus tard un endroit qui n’a pas trop changé : Ibiza.
      Pas mal cette soirée comme DJ Tiesto est bon, plus de pétard mais la pipe que l’on va fumer à l’extérieur et aux filles on dit : il est 5h du mat, je rentre dormir à l’hôtel et n’abusez pas trop des pétards. J’ai vieilli mais la vie est toujours aussi agréable sauf que la soirée je n’étais plus demandeur.

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