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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Sympathie pour le diable (hope you guess his name)

Sympathie pour le diable (hope you guess his name)

Let me please introduce himself : Paul Marchand, a man of wealth and taste ?

1992. La guerre de Bosnie fait rage, et s’acharne sur les habitants de Sarajevo, inaugurant le plus long siège de l’histoire moderne. Les indépendantistes et les paramilitaires serbes s’affrontent dans le camp retranché de la ville tombée en ruine, dont le paysage est meurtri par les tirs de 329 obus journaliers. Fumée et détonations rythment le quotidien des Sarajéviens et ne tardent pas à se faire entendre sur l’écran de Guillaume de Fontenay.

 

Une voix off nous plonge dans les méandres de ce film à l’allure de reportage. Car entre les civils terrifiés et les soldats enragés agissent d’irréductibles journalistes, venus du monde entier pour couvrir les événements. Mais plus que de simples spectateurs, ils entendent montrer l'horreur des combats au grand jour, et se trouvent parfois happés par les circonstances.

 

La guerre se transforme en un combat personnel, celui de Paul Marchand, qui n’hésite pas à tâter le terrain de très (trop) près et donne au métier de journaliste une nouvelle tournure. Il laisse derrière lui le livre de ses Mémoires, Sympathie pour le diable, comme un écho au titre des Stones, qui chantent l’enfer de la guerre. Niels Schneider, interprétant le rôle de Marchand (qui était déjà un sacré personnage), entre dans la danse d’un combat sans merci ; c’est à celui qui fera le plus de dégâts, par la force des balles ou de l’image. 

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À bord de sa Ford au moteur ronronnant, Marchand file en véritable trompe-la-mort sous le cri des projectiles d’un bout à l’autre de la ville, au gré de l’actualité. On suit avec passion (sans plus toucher à notre sachet de pop-corn) le reportage mené d’une main de fer par le reporter et son ami photographe (Vincent Rottiers), qui seront vite rejoints par Boba (Ella Rumpf), jeune interprète serbe. La caméra subjective et le format 4/3 nous plongent alors au plus près de l’action, parfois jusqu’à nous asphyxier en nous soufflant la fumée des tirs et des explosions droit dans le cœur. 

 

En réalité, le film lui-même se fait reportage, par l’alternance de plans serrés et de plans larges, montrant tour à tour Marchand et sa bande et la froide réalité de la guerre. C’est l’histoire d’un homme qui nous est contée dans la grande Histoire. Un homme désinvolte qui prend le recul nécessaire de ce qu’il vit par un sarcasme mordant, et donnerait presque une leçon de vie, avec son anglais plus qu’approximatif, à ses confrères qui arrivent toujours après lui sur les lieux du crime : « Just watch, learn and cry ! » 

 

Et des pleurs, il y en aura. Marchand prend une part de plus en plus active au(x) combat(s) et son décalage, signifiant sa prise de distance habituelle, s’absout peu à peu dans les événements qui dépassent la raison humaine. La caméra se fait elle aussi de plus en plus intrusive et voyeuriste, jusqu’à nous mettre mal à l’aise face aux victimes à feu et à sang. Mais qui du cinéma ou de la guerre est le plus intrusif ? Ici, les idéaux perdent leur sens face à l’absurdité d’une guerre qui tue les enfants du pays. Le réalisme de ce long-métrage est d’autant plus poignant qu’il nous fait vivre au jour le jour l’enquête journalistique et nous confronte au désespoir des civils, qui nous frappent de lucidité : « We have a great spirit. But spirit doesn’t win a war. »

Le métier de Marchand se sublime en un journalisme de cœur et se voit reflété dans les émotions quasi cathartiques que nous provoque un tel film. La violence devient art, qu’elle nous effraie, nous révolte, nous attriste ou nous captive. De Fontenay reste ainsi fidèle aux écrits du journaliste, retranscrivant sa poésie dans la lumière d’un cinéma qui ne cherche plus à nous protéger de la brutalité du monde. Car, comme le dit Boba : « Il faut bien que quelqu’un reste pour éteindre les lumières. » La voix de Marchand se fond enfin dans celle de Niels Schneider lorsque celui-ci cite un passage du roman aux allures rimbaldiennes, comme pour couronner l’art majestueux d’une réalité trop sombre pour ne pas nous émouvoir. 

 

Hommage est donc rendu au grand reporter, à travers une œuvre aussi inclassable que celui qu’elle met en scène, mêlant biopic, film d’action, fiction et documentaire, au plus grand bonheur (ou au plus grand dam) de notre sensibilité. 

 


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3 réactions à cet article    


  • xana 11 décembre 2019 14:51

    Se faire un nom sur un monceau de cadavres, voila le must...


    • In Bruges In Bruges 11 décembre 2019 17:41

      Mouais.

      Sans faire de psychanalyse à deux balles, ce gars ( qui s’est du reste suicidé à 45 ans, ce qui certes n’est pas honteux) avait une réelle incapacité à vivre. Se faire peur tout le temps, délibérément, sans y être contraint, faire un doigt à la mort chaque jour qui passe, c’est quand même révélateur que ça pue un peu sous le bonnet.

      Du reste, les témoignages des survivants de l’époque sur place sont plus que dubitatifs.

      Finalement, je pense qu’il a été à son maximum quand il a écrit cette fameuse devise à l’endroit des snipers sur sa Ford Sierra : « Ne gaspillez pas vos munitions, je suis immortel ».

      Ouaips.

      Sauf que la vie, c’est tout sauf romantique.

      On ne meurt pas forcément à Sarajevo parce qu’on le voudrait.

      On rentre en France, on devient psy et / ou on s’en tire une.

      Ou bien on se prend un crabe qui te remets les compteurs à zéro. A Villejuif, loin de Sarajevo.

      C’est pas romantique, la vie.


      • In Bruges In Bruges 11 décembre 2019 17:46

        Et pis, tout de même...
        Soit vous avez une forte dose d’ironie et de 12 eme degré , soit vous êtes un peu « hors sol ».
        Parce qu’ Agoravox , c’est tout sauf paillettes.. Mais alors dutoudutout, ma petite dame.....

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