• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

UBIK

A ma connaissance, trois romans de Dick ont été portés à l’écran sous les titres de Blade Runner, Confessions d’un barjot et A Scanner Darkly. J’ai eu vent de projets d’adapter pour le cinéma ou la télévision Le Maître du Haut-Château. En attendant, avec peut-être un peu d’appréhension, la prochaine adaptation d’un de ses romans, on peut lire et relire A rebrousse-temps, Les clans de la Lune Alphane et, bien sûr, Ubik.

1- Petit résumé

« A 3h30 du matin, la nuit du 5 juin 1992, le principal télépathe du système solaire disparut de la carte dans les bureaux de Runciter Associates à New York. »

Ubik est un des plus célèbres romans de Philip K. Dick, et celui dont il n’est pas nécessaire de traduire le titre. Science fiction ou anticipation ? En 1969, quand on situe l’action en 1992, on peut parler d’une légère anticipation.

Pour le résumer (mais c’est une ambition démesurée), on pourrait dire que deux histoires se suivent :

1ère histoire : Runciter Associates est une société de protection d’un type particulier. Elle défend l’intimité de ses clients contre les intrusions des télépathes et des précognitifs. Le patron de la société, Glen Runciter, s’entretient régulièrement de ses affaires avec sa défunnte épouse, Ella, qui repose dans un tube cryogénique, maintenue en semi-vie, dans un moratorium suisse. Joe Chip est le recruteur testeur de la société ; en outre, il est fauché et paumé. Un rabatteur lui présente une jeune fille dont les pouvoirs anti-psy vont se révéler surprenants et inquiétants tout à la fois. Elle s’appelle Pat Conley « pas plus de dix sept ans d’allure, mince et la peau cuivrée, de grands yeux noirs. Bon Dieu, pensa-t-il, elle est belle ».

Elle est engagée par Runciter, sur les conseils de Joe Chip qui tient pourtant à la surveiller tout particulièrement. Elle participe à une mystérieuse mission sur la Lune, en compagnie de Runciter, de Joe Chip et de dix autres neutralisateurs. Cette mission s’avère être un piège. Une bombe explose au chapitre 6 et tue Runciter.

Ce pourrait être une nouvelle de science fiction qui finit mal.

2ème histoire : Glen Runciter a été tué par l’explosion. Joe Chip prend la direction de l’équipe. Il décide de ramener le corps de Runciter sur la Terre, afin de l’installer dans le moratorium suisse, près de sa femme. Cependant de curieux incidents surviennent. Des cigarettes vieillissent brutalement. L’argent devient inutilisable. Joe Chip retrouve à New York les restes de l’équipe. Une discussion s’engage entre les survivants sur les phénomènes dont ils sont les victimes.

« Ce sont deux processus qui vont dans des directions opposées. D’un côté un éloignement, quelque chose qui cesse d’exister. De l’autre l’apparition d’une chose qui n’existait pas auparavant. »

Avec un des survivants, Joe Chip se rend à Baltimore pour vérifier la réalité de ces phénomènes. Un message de Runciter qu’ils trouvent dans les toilettes leur apprend la vérité : il est vivant, lui, et ce sont eux, tous, qui sont morts. Le survivant qui accompagne Joe Chip en donne la démonstration en disparaissant à son tour.

2- Petit commentaire : Le mal-héros

« Comme chaque fois qu’il en avait l’occasion, Joe jeta un long regard pénétrant sur la fille dont, s’il avait pu se le permettre, il aurait voulu faire sa maîtresse, ou mieux sa femme. Il paraissait impossible que Wendy Wright ait jamais pu être faite de sang et d’organes comme les autres humains. A proximité d’elle, il se faisait l’effet d’un singe difforme, graisseux, suant et vulgaire, à l’estomac bruyant et au souffle asthmatique. »

Ce genre de réflexion est fréquent dans les romans de Dick. L’auteur met beaucoup de lui dans ces personnages à qui il arrive des histoires. Généralement, il y a au moins deux histoires : une histoire de science fiction et une histoire de la vie quotidienne.

L’histoire de science-fiction, c’est généralement un léger décalage avec la réalité présente, une histoire située dans un futur assez proche (1992 pour Ubik). On est loin des sagas galactiques genre Herbert ou Asimov. Ca rappelle plutôt l’irruption du fantastique ou du merveilleux (selon la façon de voir les choses) dans les romans de Franz Kafka ou les nouvelles de Marcel Aymé.

J’ai le sentiment que ces trois désespérés avaient le même sens de l’humour.

Sur Wikiped, un article entier est consacré à Ubik. Intéressant, même si le site émet des réserves. Peut-être même ; parce que le site émet des réserves.

« L’« anti-héros » principal est « Joe Chip », employé de la société de Runciter. Bon technicien (il « mesure » le « talent » des « anti-psis », quel métier !). Joe Chip est bien payé, mais il est complètement immature : il boit trop, il fait alors des dépenses inconsidérées et il n'a jamais un sou. Son appartement est un taudis. Pat, la très jeune et belle mutante aux cheveux noirs[3] qu’on conduit chez lui pour qu’il effectue des mesures sur son « anti-talent »  : « Je n’ai jamais vu un logement aussi encombré de cochonneries. Vous n’avez pas de maîtresse ? ». Les dialogues entre ces personnages sont rapides et percutants et ils auraient pu être ceux d’un film mis en scène par Woody Allen lors de sa très brillante période new-yorkaise (Annie Hall). Et Dick nous emmène (nous égare ?) sur différentes « branches temporelles » : dans l’une, Joe Chip est le célibataire raté que le roman nous présente d’abord ; dans une autre branche celui-ci a épousé Pat qui a mis de l’ordre dans sa vie. Sur quelle branche le roman va-t-il se déployer ? »

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ubik

Je parlerais de mal-héros plutôt que d’anti-héros. Toujours confronté à deux types de femmes : une femme tendre et maternelle ; et une femme plus tranchante, un peu fatale. Dans Ubik, Wendy Wright et Pat Conley.

« Vous dites des âneries, coupa Pat Conley d’une voix perçante. Runciter est mort ou il ne l’est pas ¸Nous sommes morts ou nous ne le sommes pas ? Vous racontez une chose et ensuite une autre. Vous ne pouvez pas être rationnel. »

http://www.philipkdick.com/aa_intro-fr.html


Moyenne des avis sur cet article :  4.33/5   (12 votes)




Réagissez à l'article

18 réactions à cet article    


  • Mani Mani 21 janvier 2013 10:18

    Bonjour Kindred,

    Etant un inconditionnel de Dick j’ai apprécié votre article. Notamment car Ubik est une des oeuvres de Dick que je préfère, et qui résume bien l’univers (les univers.. ?) de l’auteur.
    Par contre à propos de ses romans qui ont étés adaptés au cinema, vous oubliez à ma connaissance Total Recall qui a été adapté deux fois, et Minority Report. 

    • Bernard Pinon Bernard Pinon 21 janvier 2013 10:26

      Autres adaptations : Paycheck et Planète Hurlante. Mais on peut les oublier.

      Signalons une bonne biographie de Dick : « Je suis vivant et Vous êtes mort » d’Emmanuel Carrère (93, Seuil), qui a produit pas mal de romans et de films très Dickiens (La moustache, par exemple). 

      • Elodie Leroy Elodie Leroy 21 janvier 2013 11:11

        Excellente initiative que de parler de ce fabuleux roman de science-fiction. Mon préféré de Philip K. Dick.
        Un peu sceptique sur une phrase, cependant : « En 1969, quand on situe l’action en 1992, on peut parler d’une légère anticipation. »
        C’est même carrément de l’anticipation, n’ayons pas peur de le dire ! Une « légère » anticipation, ce serait par exemple le film « 2009 Lost Memories », qui a été réalisé en 2002 (et qui d’ailleurs est aussi une uchronie). C’est le seul exemple qui me vient à l’esprit, mais vous voyez ce que je veux dire. Projeter l’action 23 ans plus tard, c’est un bond dans le temps significatif. Dans « 1984 », qui est considéré comme un classique du roman d’anticipation, George Orwell fait un bon dans le temps de 36 ans.


        • The jester 21 janvier 2013 11:16

          Une simple recherche pour voir qu’il y en a d’autres ...
          http://en.wikipedia.org/wiki/Philip_K._Dick#Adaptations


          • T.REX T.REX 31 janvier 2013 20:14

            C’est vrai qu’il y a aussi le bureau des ajustements avec Matt Damon...je l’avais oublié, pourtant c’est récent et je suis allé le voir comme tout bon amateur de Dick qui se respecte, mais hélas ce film fut tellement décevant que notre esprit l’a mis à la trappe !


          • FritzTheCat FritzTheCat 21 janvier 2013 11:18

            PKD est un auteur de SF à part, plus proche d’un Kafka qu’un Asimov ou Van Vogt. Il est tellement atypique qu’il est peu compris par ces compatriotes et qu’un film comme Blade Runner a fait un bide à sa sortie (aux US, pas en France).

            Ses univers psychotiques où se mélangent réalité, névroses et visions sont sans aucun doute le résultat d’un parcours personnel fait d’alcoolisme, de psychotropes et de cures de désintox. Le gars était clairement imbibé et inhibé en tout cas mort trop tôt !

            UBIK est un chef d’œuvre qu’il soit porté à l’écran tient de la gageure bien que si le sujet est traité par Christopher Nolan on peut avoir droit à une agréable surprise.


            • Kindred Kindred 24 janvier 2013 08:32

              Vous avez bien lu Dick.


            • TicTac TicTac 21 janvier 2013 11:40

              Allez hop ! Je le relis.

              Merci l’auteur !

              Et puis en attendant, rien à voir, mais j’attends fin 2013 l’adaptation de la stratégie Ender.
              Le casting est sympa, j’espère que la réalisation sera à la hauteur de cette formidable aventure d’Orson Scott Card.

              • laertes laertes 21 janvier 2013 17:22

                @tictac : j’ai aimé Ender’s game.. un véritable thriller..mais il ne peut en aucun ca être comparé avec le chef d’oeuvre de Dick qu’est Ubik !! Poe disait-on est l’écrivain des nerfs, Dick est l’écrivain du coeur métaphysique !! quelle expérience ! quelle humanité ! quelle divinité !!
                J’admire Philip K Dick au de là de toute expression...à cause de sa franchise sans compromis et sa capacité à explorer les aspects les plus souterrains de l’homme qui confinent à la métaphysique !!! un chef d’oeuvre absolu !!


              • Kindred Kindred 21 janvier 2013 12:11

                Je maintiens : « A ma connaissance, trois romans de Dick ont été portés à l’écran ».

                Les autres succès de cinéma (Total Recall et Minority Report).sont des adaptations de nouvelles. P.K Dick est si dense que des nouvelles de 30 à 50 pages ont donné des adaptations de 2 heures ou plus. Mais elles ne sont pas très fidèles à l’esprit dickien.

                Et le second Total Recall est plus une réplique du premier film.

                Les plus proche de l’esprit dickien : Confessions d’un barjot et A Scanner Darkly.


                • laertes laertes 21 janvier 2013 17:14

                  Ubik : un choc !!! j’avais entendu un écrivain sur france culture qui disait que c’était le plus grand livre qu’il avait lu !!! Comme j’avais adoré blade runner... j’ai lu...Ubik...... : un livre extraordinaire qui explore notre sensation au monde réel et le voyage incessant sur les apparences et la transformation de la réalité........................... c’est le genre de livres qui vous lais avec un goût d’éternité dans la bouche et dans le corps !!


                • Nuccia Nuccia 21 janvier 2013 17:15

                     Einstein disait : « Le mental intuitif est un don sacré , le mental rationnel un serviteur fidèle » .


                  A l’époque des calculateurs grandissants Dick s’est fracassé contre les portes de la perception , les issues de l’expérience et a mis en forme artistique les questions qui obsèdent les physiciens d’aujourd’hui sur la "nature du temps et le concept de réalité .

                  Science et fiction sont peut être à envisager comme les deux faces d’une même médaille qu’il faudrait faire pivoter sur sa tranche , très vite ...pour voir ...

                  • laertes laertes 21 janvier 2013 17:26

                    @Nuccia : vous avez parfaitement décrit Dick en disant « Einstein disait : « Le mental intuitif est un don sacré »..... ses oauvres sont toujours proche du sacré dans la sensation humaine !!!


                    • Kindred Kindred 21 janvier 2013 19:22

                      J’ai une approche plutôt « littéraire » de l’oeuvre de Dick.


                      Peut-être parce que je ne suis pas un scientifique.



                      • Shawford42 23 janvier 2013 13:59

                        A la suite de vos deux articles, et alors que je n’avais jamais lu de Dick jusqu’ici (étant par contre un asimovien compulsif), j’ai fait quelques achats dont Ubik dans lequel je suis actuellement plongé.

                        Après trois chapitres seulement, je suis d’ores et déjà subjugué : l’inventivité, l’humour, l’ironie et le cynisme débordent à chaque ligne. C’est proprement jouissif.
                        Merci donc à l’auteur et à la cohorte de commentaires laudateurs concordants pour m’y avoir amené. smiley


                        • Kindred Kindred 24 janvier 2013 08:30

                          @ Shawford

                          Nous sommes contents de vous avoir fait découvrir un auteur majeur du XXè siècle (pas seulement en SF).

                          D’ Asimov, je n’ai lu que les 3 Fondation.

                          Mais j’ai beaucoup lu Herbert (Dune et La mort blanche).


                          • Kindred Kindred 25 janvier 2013 16:52

                            @ Grandjil. Merci. Je ne savais pas.


                            • T.REX T.REX 31 janvier 2013 20:10

                              Moi je ne connaissais pas « A Scanner Darkly ».

                              On a donc encore beaucoup de bonnes choses à découvrir...des moments de plaisir psychédéliques en perspective !

                              Merci à l’auteur pour cet article, même s’il a hélas éventé le twist de la fin du roman, qui a mon sens est le plus troublant qui ait jamais été écrit ! Je me suis interrogé moi même pendant une seconde d’éternité si j’étais vivant ou si je rêvais ma vie dans un tube du Moratorium !

                              ça m’a collé une sueur froide mémorable et je pense qu’il faut laisser aux futurs lecteurs la surprise de vivre cette expérience unique d’Ubik !  

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès