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Voce a mano

Rayon Jazz, un midi, chez un célèbre disquaire du centre-ville. Une idée : traquer la bonne affaire, la réédition, l’enregistrement d’une géniale improvisation, une de ces fameuses "jam session", l’instantané d’une rencontre aussi magique qu’imparfaite comme avait pu l’être celle entre Petrucciani, Lagrene, Miller, Garret et White en cette mémorable "Dreyfus Night in Paris" de l’été 94.

Rien de bien nouveau aujourd’hui. Mais peut-être ai-je omis de préciser qu’hier, j’avais déjà jeté mon dévolu sur trois albums, détonnant patchwork de bossa-nova, de be-bop et de blues. Mais on en reparlera...

Direction alors l’espace "Chanson française" à la recherche d’un nouveau talent, d’un improbable poète, à défaut d’un nouveau Brel, d’un nouveau Ferré.

Les candidats, soyez-en sûr, ne manquent pas. Et si les Arno, Arthur H, Kent et San Sévérino, pour ne citer qu’eux, tirent indéniablement leur épingle du jeu en se distinguant sans mal de ces "bobo brailleurs", façon hyperréalistes, qui fleurissent en toutes saisons dans nos bacs, aucun artiste ne paraît à mon sens avoir la plume aussi tendre, aussi rageuse, le croquis aussi juste, aussi fin, que l’artiste dont je m’empresse de saisir au vol l’un des rares albums en ce lieu disponibles.

"Madame entre à la maternelle

Elle a 4 ans et des virgules

Elle met trois L à hirondelle

Elle a des couettes ridicules..."

Si la petite fille de sa chanson met trois L à hirondelle, son prénom, ne vous en étonnez pas, en prend deux. Allain Leprest, puisque c’est de lui dont il s’agit, est un orfèvre des mots à la sensibilité et à la personnalité troublante. Chanteur à la voix éraillé, interprète torturé, cet observateur averti d’une vie qui l’a vu lier d’indéfectibles amitiés avec Nougaro, Léotard et j’en passe, met en scène, avec le brio d’un accordéon ou le swing d’un piano pour seuls décors, des personnages ordinaires, mais incroyablement humains, nés d’un souvenir d’enfance, d’une passion, du hasard, ou de quelque accident de comptoir...

"Il pleut sur la mer et ça sert à rien

qu’à noyer debout le gardien du phare

le phare y a beau temps qu’il a plus d’gardien

tout est électrique il peut bien pleuvoir

aujourd’hui dimanche ; sur la Manche..."

Petit détour par la borne audio. Je me glisse sous le casque noir avec cette volonté farouche de découvrir enfin comment l’auteur parvient à noyer de son encre tant de chagrin, à mettre à nu tant d’émotions, à croquer en trois vers, pas plus, un quotidien qu’il se plaît à nous faire respirer et cerner.

Avec l’envie surtout de plaisir et d’évasion, leitmotiv de chacune de ses compostions.

"Tu valseras pour rien mon vieux

la belle que tu serres dans tes yeux

ce n’est pas de l’amour, c’est une envie d’amour

tu valses avec une ombre...

Y a pas d’amour, y a pas d’orchestre

Tout ça se passe dans ta tête.

Et le bal terminé le jour fera tomber les belles que tu tombes..."

Mais par ici la sortie. L’heure est déjà venue de regagner ma vie. Je remise le CD. Le même a déjà trouvé sa place chez moi, entre celui des Marquises et de La Note Bleue, tout près de Melody Nelson et pas trop loin de l’Italien. On a connu plus mauvaise compagnie.

Ils doivent s’en raconter des choses, ceux-là, vous ne croyez pas ?...

TB

Allain Leprest a collaboré avec des dizaines d’artistes (Romain Didier, Jean Ferrat, Etienne Goupil...), participé à leurs concerts, invité de jeunes pousses sur scène, écrit pour les plus grands (Juliette Gréco, Isabelle Aubret, Enzo Enzo, Olivia Ruiz...).

Le titre de cet article est un clin d’oeil à son troisième album, réalisé en duo avec l’accordéoniste de Jazz Richard Galliano.

Retrouvez Allain Leprest sur les deux vidéos présentes à ce jour sur YouTube :


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