Bourguignon cœur fidèle
Le plat qu’on réchauffe
« Ce soir, ils viennent manger. Qu’allons nous faire ? ». La question n’est pas longtemps sans réponse, elle apporte immédiatement une de ces envies qui nous viennent de notre héritage culturel, d’une gourmandise bien à la française que nous conservons précieusement encore comme les derniers gardiens du temple que nous sommes sans doute. « Le temps n’est pas folichon, et si nous nous offrions un bon plat bien de chez nous ? »
Le Bourguignon en dépit des trahisons de la Bourgogne lors de la guerre de cent ans n’a pas son pareil pour réunir autour d’une même table les papilles les plus délicates. C’est toute la tradition culinaire hexagonale qui se réveille soudainement à l’évocation de ce mariage de la viande rouge, du vin et des légumes auquel les épices viennent apporter leurs parfums d’exotisme. Alors que j’écris ces quelques lignes, les premières effluves du plat qui mijote délicatement viennent chatouiller mes narines et me donnent envie de vous mettre à votre tour au supplice.
Après avoir graillé comme il convient, la viande s’est dorée, s’est offerte aux oignons, ails et échalotes qui sont venus la préparer à recevoir la farine, liant indispensable à la suite des opérations. Car quand le roux est parfait, quand le bœuf se prête aux noces de sang, le rouge de Bourgogne vient plonger dans la marmite en un chant mélodieux.
Quelques légumes se proposent de donner de la couleur à la préparation, carottes coupées en rondelles inégales, pommes de terre, plus tard, car la demoiselle a tendance parfois à se fondre dans la sauce. Des os à moelle attestent que la crise de la vache folle est derrière nous et qu’il convient de revenir aux vraies valeurs de la cuisine du terroir.
Dans la marmite nécessairement en fonte du Creusot, se forme une curieuse alchimie. Nous fermons les yeux sur la provenance des épices qui vont enchanter nos papilles. Elles sont nées ailleurs pour magnifier ce plat sublime. La noix de muscade, le clou de girofle et les baies rouges, le poivre sont venus de l’Océan Indien pour s’associer au sel de nos côtes que l’on dose avec parcimonie et ce bouquet garni qui provient du jardin. Pas d’incompatibilité d’humeur entre ces ingrédients aux origines diverses, la cuisine transcende les frontières.
La cuisine embaume, mon estomac que je contrains au jeûne réclame sa part. Il devra attendre. Le plat va mijoter toute la matinée. Il sera réchauffé pour devenir ce régal incontestable, ce bonheur suprême qui nous fera manger plus de pain que d’habitude, le mouillant de ce bouillon à vous damner. La viande fondra sous la langue, les saveurs se mêleront à ce grand vin capiteux que nous ouvrirons pour l’occasion.
La suite risque d’être agréable. Nous allons manger tout notre saoul. Boire tout autant puisque nous dormirons sur place. Au diable parcimonie et modération, le Bourguignon ne supporte pas la mesure, bien au contraire, il a besoin d’excès et de folie. Un vin de Bourgueil conviendra parfaitement, invitant ainsi Rabelais à notre table. François ne s’offusquera pas de boire ensuite un grand Bourgogne.
Je vous laisse mijoter à votre tour. Si jamais il vous prenait l’envie de passer une bonne soirée gourmande, n’hésitez pas un seul instant, préparez un bourguignon et n’oubliez pas de m’inviter à votre table. Je viendrai vous raconter quelques histoires quand les ventres seront repus avant que les paupières ne se ferment. Bonne soirée à vous, la nôtre sera délicieuse.
N’oubliez pas que ma suggestion est tout à fait sérieuse. Je conte sur vous la prochaine fois avec un plat bien de chez nous ! Si par hasard, vous étiez tenté par quelques plats plus exotiques, je ne suis pas homme à refuser la chose. À Bientôt.
Gourmandement vôtre.
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