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Entre ses lignes

 

Elle fait selon son bon plaisir …

 

Il fut un temps jadis durant lequel l'éducation était effectivement une priorité nationale, exercée sur tout le territoire par des hussards noirs de la République qui avaient le métier et la conviction chevillés au corps. Ils avaient tous un merveilleux dessein : instruire les enfants de ce pays, leur donner les outils pour s'élever dans la société. Ils étaient respectés et plus encore considérés pour cet objectif qui ne supportait aucune contestation.

Durant des années, des enfants qui avaient bénéficié des bienfaits de cette éducation nationale, fortement influencés par ceux qu'on nommait alors Instituteurs et Institutrices, n'avaient d'autres désirs que de reprendre le flambeau pour à leur tour, poursuivre cette noble mission. Ils n'étaient pas forcément bardés de diplômes mais ils avaient un plan de carrière comme on dit aujourd'hui. Ils devinrent moniteurs de colonie de vacances, animateur dans des clubs sportifs ou culturels avant que de ce lancer dans un métier qui ne leur était pas tout à fait inconnu.

Puis des hauts fonctionnaires, certains de leur importance et aveuglés par des conceptions élitistes ont modifié la donne. Instituteur n'était plus un terme acceptable, il convenait de singer l'étage supérieur en faisant des maîtres et maîtresses des Professeurs d’école. La belle étiquette que voilà à laquelle il importait d'associer des diplômes universitaires de si peu de rapport avec le métier pratiqué.

Ce fut alors la venue des seconds de classe, les premiers visant les étages supérieurs. Ceux-là ignoraient tout des enfants difficiles, des gamins qui n'étaient pas de leur monde. Surtout, ils avaient passé le début de l'existence sans jamais se confronter à la jeunesse en dehors de leurs camarades de classe. Ils débarquaient en territoire inconnu avec un immense savoir de bien peu d'utilité.

Très vite, il se trouva des gens pour comprendre et entrer dans la carrière comme l'avaient fait auparavant leurs aînés, avec ce qu'on nomme à juste titre une vocation. Mais pour d'autres, leur tâche fut vécue comme une activité alimentaire possédant l'avantage non négligeable des congés. Ils s'installèrent dans un confort et des certitudes qui les éloignaient considérablement des exigences d'une activité toujours remise en question.

Avec ces derniers, le coup de Trafalgar se transforme en arrêt de travail, un réflexe jadis impensable. Les conflits qui se multiplient prennent alors des proportions d'autant plus dramatiques que les parents, nourris aux mêmes attendus éducatifs qu'eux, entendent donner toujours raison à leurs chers petits. L'école est devenue un lieu de friction entre des egos et des projets contradictoires.

C'est ainsi que dans une belle petite école, une jeune enseignante en mal d'autorité se trouva débordée par une classe chahuteuse. Le chahut survient toujours quand on lui ouvre grands les portes, la règle ne connaît pas d'exception. Dépassée par des enfants de 9 ans, la jeune femme colla une punition collective à toute la classe et puisant dans un arsenal obsolète leur imposa de copier cinquante fois une très longue phrase moralisatrice.

Incompréhension des familles devant une sanction stupide d'un autre âge et surtout totalement prohibée par les usages contemporains. Si quelques élèves parvinrent au bout de ce pensum, d'autres durent abandonner en cours d'écriture et à bout de fatigue. Des mots et des maux furent échangés et la dame de se mettre immédiatement en arrêt de maladie. La fuite a toujours été l'arme des pleutres.

Désormais, elle se refuse à reprendre cette classe dont les familles ont bafoué son autorité. Caprice surprenant auquel un environnement éducatif semble donner écho. Cette enseignante n'ira plus dans cette classe pour y dispenser son savoir. Fermez le ban, si son autorité est sabordée, celle de l'institution en prend elle aussi un coup devant l’oukase de la dame. N'ayant pas l'intention de mettre de l'huile sur ce feu qui couve un peu partout, je vous laisse juge de ce phénomène sans vous donner plus de détails. Il montre bien à mon sens qu'il n'y a plus de capitaine sur le rafiot et que la navigation se fait à vue en bien des endroits.


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12 réactions à cet article    


  • exocet exocet 6 février 19:11

    Bonjour, Cenabum.

    Les Hussards Noirs de la République. De ceux qui s’échinaient pour tirer le meilleur de leurs élèves.

    Le Père de Marcel Pagnol était de ces instituteurs.


    • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 19:55

      @exocet

      Je pense l’avoir été et ma hiérarchie m’a fait payer un excès de zèle.

      Mes élèves obtenaient des résultats qui n’étaient pas conformes avec leur statut de déficients intellectuels.

      Non mais, leur faire obtenir des diplômes, vous n’y pensez pas !

      Nous en sommes là dans ce pays Jacobin et récessif


    • juluch juluch 6 février 19:55

      je vous suis !

      On est loin des instits de Marcel Pagnol qui avaient toute autorité !


      • C'est Nabum C’est Nabum 6 février 19:56

        @juluch
         
        L’autorité est morte et enterrée

        L’enseignement est secondaire
        C’est devenu une garderie


      • babelouest babelouest 7 février 03:26

        Ah là là ! Une de mes filles est désormais – et pour le moment – professeur des écoles dans un département qu’on pourrait sembler facile, mais que nenni : ces chers petits, il ne faut pas y toucher !

        Elle qui à la force du poignet avait réussi à commencer à préparer sa thèse, a réussi cependant à tenir six mois face à un « directeur de thèse » abominable (en général les autres lâchaient au bout de deux mois) , envisage sérieusement à se reconvertir ailleurs. Titulaire d’un master en psychologie, elle n’était pour autant pas prête à assumer cette profession difficile. Même au bout de plusieurs années.

        .

        Je me souviens de l’instituteur qui avait assumé ma classe de CM2 : pour ceux qui avaient du mal avec les accords il leur suggérait de se demander comment on le disait en patois. Là i n’y avait aucune échappatoire, c’était évident.. Français , un éléve dissipé, une élève dissipée ; patois un élève dissipé, une élève dissipaille. Et pourtant cet instituteur n’était pas le meilleur.... sûrement pas aussi bon qu’un certain bonhomme qui fut instit dans la classe où il avait été élève, et qui en 1920 obtint le Goncourt.


        • C'est Nabum C’est Nabum 7 février 07:07

          @babelouest

          Je suis convaincu que ce métier n’a pas besoin de tant de diplômes mais au contraire des parcours de vie qui ont conduit des personnes à s’occuper d’enfants dès leur adolescence.

          Ceci ne modifie en rien l’immense responsabilités de parents qui furent des enfants rois et qui entendent bien que leurs chers petits soient intouchables et exempts de toute critique.

          Je crains qu’enseigner soit devenu impossible


        • babelouest babelouest 7 février 07:21

          @C’est Nabum
          Je suppose que nous avions connu la même chose. Quand on faisait mal en classe l’instit donnait une torniole voire deux, ou pire un grand coup dans le postérieur, et si on avait le malheur de le raconter à la maison, la nouvelle punition était encore plus sévère. Ceci dit, personnellement cela ne m’est jamais arrivé, mais pour d’autres ô oui !


        • C'est Nabum C’est Nabum 7 février 07:51

          @babelouest

          J’ai connu deux situations opposées

          J’ai eu le bonheur d’avoir des instits Freinet avec lesquels il n’y eu aucun coup et une participation enthousiaste de tous les enfants

          J’ai eu aussi un fou furieux rentrant d’Algérie et qui nous a agoni de coups, tous sans exception.

          J’ai vite compris qu’elle était la bonne manière de faire


        • ricoxy ricoxy 8 février 15:12

           

          « en faisant des maîtres et maîtresses des Professeurs d’école ». C’est le calque de l’anglais school teacher. Et l’autorité des profs et instiits est morte quand on a supprimé l’estrade sur laquelle ils enseignaient.

           

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