Jodo, le chaman
Qui ne connaît pas Jodorowsky ?
Cet homme incroyable mérite plus qu’un détour…
Étrange carrière de ce franco-chilien, né en 1929 à Tocopilla au Chili, quittant le foyer familial à 19 ans, pour un théâtre de marionnettes, puis faisant le clown dans un cirque.
Il part à Paris, rencontre le mime Marceau, devient peintre en bâtiment, et fréquente les surréalistes, puis crée le groupe Panique, avec Topor, Arrabal, Olivier O.Olivier, Alberto Gironella, Jacques Sternberg et André Ruella. lien
Il organise des show humoristiques, où se côtoient performances sportives et parfois pornographiques...pratiquant la culture Bouddhiste, le Zen, n’hésitant pas à utiliser des stupéfiants…lien
Dans un petit livre d’entretiens avec l’ex-journaliste et producteur chez France Culture, Gilles Farcet, « la tricherie sacrée », on découvre la personnalité extraordinaire de cet homme, à la fois chaman, auteur de divers ouvrages, romans, poésies, bandes dessinées, films, peintre, dessinateur, pour tout dire artiste complet… mais attention, il ne s’éparpille pas pour autant, il mène chacune de ses créations jusqu’à leur aboutissement...
Tous ceux qui l’ont rencontré s’accordent à dire de lui que « c’est un homme bon », chez qui ne se cache pas pas la volonté d’exercer un ascendant, fut-il d’ordre spirituel...refusant catégoriquement d’être considéré comme un gourou...
Ce champion de l'intuition, se voit comme un homme éternel, il dit avoir dépassé la mort, et il a un grand amour pour lui en tant qu’œuvre divine...sans être pour autant narcissique.
Dans ce livre d’entretiens, il assure : « je n’ai pas d’âge, pas de nom non plus, en fait je ne suis pas un être humain, mais une particule, une parcelle de la totalité (…) je pense que je verrais passer ma mort comme un merveilleux phénomène naturel. C’est merveilleux d’être incarné dans un être humain. ».
Sur le chapitre de la « bonté », il évoque une anecdote qui lui est arrivé alors qu’il avait moins de 10 ans : assis devant la porte du magasin de son père, il mangeait une banane : « un enfant pauvre m’a arraché le fruit des mains, je n’ai pas pleuré mais ressenti de la pitié pour cet enfant, et, le lendemain je me suis assis de nouveau avec une banane en attendant qu’il me la vole… »
Son rapport avec l’argent est original...tout en affirmant avoir toujours été protégé du point de vue économique, et il dit se sentir riche dans la mesure ou « il a ce qu’il lui faut », et il raconte une histoire qui prouve cette forme de détachement qu’il a avec l’argent...il sort toujours avec une grande quantité d’argent en poche...15 000 à 20 000 francs, c’est une sorte de rite magique…
Un jour il a perdu une enveloppe qui contenait 15 000 fr, et il s’est dit : « voilà, j’ai 15 000 fr en moins, et pourtant ma vie ne s’en trouve pas transformée !… »
D’ailleurs ses consultations sont gratuites, , et il demande simplement à la personne qu’il a reçu de tracer symboliquement le mot « merci » avec son index, lorsque l’entretien est terminé...et il ajoute, certains ont beaucoup de mal à remercier, il leur serait sans doute plus facile de donner de l’argent...
Coté BD, qu’il appelle des « comics », il a travaillé avec Giraud (Moebius), pour les célèbres aventures de John Diffool dans la série des Incals), Boucq, (pour la série des « Bounceur » et pour « face de lune ») Arno, (pour la série des « Alef Thau ») dont Marco Nizzoli prendra la relève, Georges Bess (le Lama Blanc et Juan Solo) Juan Gimenez (la caste des Méta-Barons), Dongzi Liu, (Sang Royal), la série des « Borgia », avec Manara...
Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages : les araignées sans mémoire (humanoïdes associés), le paradis des perroquets (Flammarion), enquête sur un chemin de terre (acropole)…
Il a aussi créé pour le théatre, en faisant une adaptation d’un conte de Kafka, Le Gorille, et l’école des ventriloques, montée par la Compagnie du Point Zéro, laquelle a été présentée entre autres à Avignon. lien
Et le cinéma ?
Son premier film La cravate, un court métrage qui est en réalité une pièce de théâtre filmée, sera suivi de Fando et Lis, un couple à la recherche d’une terre sacrée, puis il y a eu El Topo, dans lequel il incarne une sorte de Zorro qui doit triompher de 4 maîtres qui règnent sur la région…suivi de la montagne sacrée, l’aventure d’un gourou alchimiste, puis Tusk, un film raté destiné aux enfants, film qu’il renie, Santa Sangre, une sorte de remake de Psychose, version Pinder, le voleur d’arc en ciel, histoire d’un homme qui vit dans un égout, après avoir refusé un héritage, La Danze de la Réalidad, une autobiographie fantasmée, et enfin Poesia sin fin...lien
Et comment faire l’impasse sur Dune, l’œuvre de Frank Herbert, dont il voulait faire une film, son story board devait donner naissance à un film de 12 heures, et finalement, devant le coût jugé trop élevé (10 millions de dollars) les studios Hollywoodiens, abandonnèrent le projet, lequel fut tout de même réalisé à deux reprises par d’autres cinéastes. lien
Sauf que son story-board vient d’être vendu aux enchères près de 3 millions d’euros.
Pour son Dune, Jodorowsky avait remué ciel et terre, enrôlant Dali, Moebius, Orson Welles, Mick Jagger, grondant les Pink Floyd,
et Richard Stanley écrivit : « Dune est probablement le plus grand film qui a jamais été fait. Il continuera d’influencer les générations futures... bien qu’il n’existe pas »...lien
Ce n’est pourtant pas fini, car en 2013, on doit à Frank Pavich l’immortalisation de son Dune, avec son documentaire « Jodorowsky Dune »…lien
Et pour en finir avec le cinéma, on doit a Jodorowsky deux films, sélectionnés à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, « la Danza de la Realidad » (2013), et « Poésie sans fin » (2016)...lien
Son existence est truffée de synchronicités, comme le prouve cette autre anecdote, dans laquelle, marchant dans les rues de Paris, il trouve une queue de guépard dans une poubelle, se la colle aux fesses, et se rend à une fête costumée, à l’occasion de laquelle il va rencontrer des surréalistes, parmi lesquels André Breton…
On pourrait aussi évoquer sa passion pour les tarots, qu’il considère comme un livre sacré, puisqu’il a souvent donné des consultations dans un café parisien, le fameux « cabaret mystique », ce lieu ou il a rencontré sa dernière compagne, Marianne Costa, de 37 ans sa cadette, et qui a co-écrit avec lui un livre sur le tarot.
N’oublions pas les multiples conférences qu’il donne un peu partout, son fils Adan, ayant repris le flambeau (lien)...ce jeune homme de 95 ans ne finit pas de nous surprendre, car comme dit mon vieil ami africain : « le soleil est l’ombre du village ».
l’image illustrant l’article vient de tvtropes.org
merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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