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Le calendrier

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Bonne Année à tous !

Il est un objet qui eut son heure de gloire avant que dates et heures ne s’affichent un peu partout sur d’étranges écrans envahissants. Il arrivait alors, comme un cérémonial immuable, quelques jours avant la Saint Sylvestre, porté par un facteur passablement fatigué par ce travail supplémentaire durant lequel, il acceptait de trinquer avec tous ceux de sa tournée.

L’expression « Payer sa tournée » vient peut-être de cette aventure peu banale durant laquelle le brave préposé des postes recevait des étrennes fort méritées tout autant que tous les alcools que l’imagination des uns et des autres était capable de fabriquer. Son désir de ne choquer personne, de ne pas refuser le dernier verre, mettait sans doute notre gentil postier en situation délicate, mais qu’importe, il était en cette époque lointaine, l’ami de toute la famille …

Des rivaux se sont sentis pousser des ailes. L’appétit vorace des poubelles de Noël, poussa certainement les éboueurs (une désignation passée de mode) à venir quémander eux aussi des petites étrennes. Le métier était rude, les hommes de la benne avaient gagné la considération de tous en effectuant une besogne peu ragoûtante en une époque ou tout finissait indistinctement et en vrac dans un réceptacle métallique aux odeurs pestilentielles.

Si le calendrier de la Poste était d’un usage quasi rituel dans les familles ; on y trouvait une fort belle carte du département, trônant au centre de tous les feuillets, des adresses, des renseignements pratiques, le plan des grandes villes de l’endroit et bien d’autres trésors encore, sa couverture était alors l’objet d’une âpre négociation entre les enfants de la famille, celui des collecteurs de tous nos déchets sans distinction n’avait pas la même valeur, mais qu’importe !

Puis les concurrents ont fait flores. Les pompiers ont vu rouge, tout autant qu’ils se sont délectés de cette merveilleuse boisson. Il convenait de ne pas avoir besoin de leurs services un soir de tournée calendaire. L’alcool coulait à flot pour arroser une plaquette sur laquelle tous les engins de la caserne locale brillaient de mille feux. En ce temps-là, nos amis les pompiers rendaient tellement de services, devenus aujourd’hui payants et privatisés, qu’ils héritaient de belles pièces et d’une immense considération.

Les écoles n’ont pas tardé à emboîter le pas même si le petit verre n’était alors plus de rigueur. Le calendrier de la coopérative permettait d’envisager une sortie scolaire. Les enfants vendaient timbres et revues en prime, contraignant proches et voisins à leur faire bonne figure tout en déliant leur bourse. L’apprentissage du mercantilisme en somme.

Les associations sportives ne tardèrent pas à découvrir un filon pour faire tourner la boutique. Le calendrier se démocratisa avec la généralisation de la photographie. Qu’ils sont beaux nos chers petits mignons, en short, avec leurs camarades de l’équipe des poussins ou bien des benjamins. Émus, les parents accordaient leur obole tandis que la réclame apparut sur ce carton qui restait souvent au fond d’un placard.

Du côté des camionneurs et autres routiers, le calendrier prit de la hauteur. Il gagnait en taille et en rondeurs pour y afficher, à chaque mois, une nouvelle dame fortement dévêtue. La période était à la libération des mœurs, le suggestif l’emportant sur la nudité sans entrave. Le papier était glacé tout comme celui des magazines Lui et Play-Boy qui s’échangeaient sous le manteau des écoliers délurés dont je n’étais pas. Autre temps, autre comportement sans doute…

Des grands cartons firent leur apparition. Ils permettaient de s’afficher tout en laissant place aux rendez-vous et autres dates impérieuses. Ils furent les prémices de l’agenda, non pas celui des professions libérales mais celui du commun, qui se suffisait alors de ce tableau, fixé dans un endroit stratégique qu’il convenait de tourner au bout de six mois. Il était particulièrement recherché, c’était un privilège de se le voir offrir par le Journal Local ou bien le gros commerçant de l’endroit.

Les temps ont changé. Je n’ai, à ce jour, pas encore reçu la moindre visite, le plus petit quémandeur, un calendrier sous la main. Le redoutable portail électrique ferme tant de portes ! Signe des temps sans doute, l’objet est voué aux calendes grecques, relégué dans le rang de l’obsolescence en mouvement. Pour valider ce terrible constat, je me dois de lui consacrer ma petite chronique. Puisse-t-elle éveiller en vous quelques lointains souvenirs agréables tout autant que nostalgiques …

Chronologiquement vôtre.

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14 réactions à cet article    


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 1er janvier 2019 12:13

    Nabum est un calendrier à lui tout seul.... 


    • C'est Nabum C’est Nabum 1er janvier 2019 17:19

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      Grec ?

      Peut-être pas


    • Loatse Loatse 1er janvier 2019 12:50

      Il n’y a pas que le calendrier des « postes » qui disparait, le facteur lui même (après les postiers des agences « peu rentables ») est en voie de disparition...

      par manque de courrier, par la création de dab pour les postiers... exit les cartes postales, les chèques de loyer (payables en ligne), les déclarations d’impots via internet également, comme la consultation des comptes postaux, exit également les cartes postales (remplacées par les virtuelles ou bien des sms avec mms incorporés)... restent les colis mais ceux ci comme en belgique sont distribués par des sous traitants...

      Remarquez que le pompiste a également disparu (on se sert soi même, on paye par cb), la caissière de supermarché est en train (le pigeon scanne lui même ses victuailles pourquoi donc payer une personne pour le même boulot que d’autres font gratuitement, ?) 

      Bref, on se retrouve certes nostalgiques dans un monde ou les rapports humains, même commerciaux, tendent à disparaitre mais « en même temps » ;), cette masse de papier enveloppes comprises qui n’a plus d’utilité, c’est aussi un plus pour l’écologie et du temps de gagné pour le tri de « paperasses » (on imprime le doc demandé si besoin est)...

      Il ne nous reste plus à défaut de pouvoir remonter le temps, qu’à devenir « ephemidophile », et partir à la recherche de ces trésors d’un passé révolu..

      Bonne année !


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 1er janvier 2019 13:17

        @Loatse qui se souvient aujourd’hui des chromos Liebig. Une merveilleuse manière d’appredre l’histoire. Bon, s’il fallait noire de l’Oxo en permanence,..... !!!!https://www.google.com/search?q=chromos+liebig&num=20&newwindow=1&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjJlbClx8zfAhVFiqQKHY8RAjAQ_AUIDigB&biw=1280&bih=664. Désolé mais un smartphone ne m’a jamais fait rêver. On en reçoit parfois gratuitement, mais ils sont passés dans une fond de tiroir. Vous direz que je suis « has been ». Que nenni. quand des enfants viennent chez moi, il sont heureux d’aller fouiller dans mes coffres à merveilles. quand ils sont encore très jeunes. Dépassé sept-huit ans, le virus électro-machin leur a déjà détraqué le cerveau.


      • Loatse Loatse 1er janvier 2019 16:04

        @Mélusine ou la Robe de Saphir.

        « Dépassé sept-huit ans, le virus électro-machin leur a déjà détraqué le cerveau. »

        Y’a moyen d’utiliser les nouvelles technologies de manière créative... une imprimante, une ramette de papier, une cartouche d’encre couleur, une paire de ciseau et de la colle.... voilà de quoi faire des tableaux-collages de chromos.. qui finiront offerts à la fête des mères, encadrés dans votre cuisine ;)

        Pour les doigts de fée, il existe également des tutos pour réaliser des patchworks entre autres...

        Bref, la tablette, l’ordi ce n’est pas que du virtuel, du jeu en ligne... encore faut il orienter l’enfant.


      • C'est Nabum C’est Nabum 1er janvier 2019 17:20

        @Loatse

        Lisez lettre d’une boîte aux lettres

        c’est déjà d’actualité hélas


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 1er janvier 2019 17:56

        @Loatse

        Oui, mais ce qui est acquis si facilement et déjà tout préparé n’a pas la même saveur que les jardins japonnais de notre enfance dont il fallait imaginer et chercher dans la nature pour les construire ou le fouillis des papiers abandonnés par nos parents. IL y manque ce contact sensuel à la matière et le plaisir de la découverte. Tout vous est offert sur un plateau d’argent sans TIERS ou intermédiaire. Le fait que ce soit le facteur ou le boulanger qui l’offrait créait un lien. Nos parents n’allaient pas simplement chercher le pain, mais l’acte d’achat avait un sens plus profond.Relire Claude Levy Strauss et le Potlatch. https://fr.wikipedia.org/wiki/Potlatch_(anthropologie). J’ai pour habitude de n’acheter qu’au personnes qui me sont sympathiques. Ols ont compris que nous faisions aussi leur publicité. Le bouche à oreille. Et nous de recevoir une fois sur deux, nos achats à moitié prix. 



      • L'enfoiré L’enfoiré 2 janvier 2019 15:28

        Bonjour Nabum,

        Lavoisier aurait donc dit : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se déplace.
        Les postiers avaient un salaire et avaient donc une « prime » pour service rendu.
        On appelle cela chez un « drink geld », un argent pour boire tout comme les pompiers qui viennent sonner aux portes.
        Puis, l’habitude s’est perdue.
        Les recommandés envoyés diminuent et si les réceptionna&ires ne sont pas présents, ils se retrouveront à la Poste pour le rechercher.

        Le facteur ou son représentant vient à vélo chez nous. Il a un timing à respecter dans un logiciel « Géoroute ». Pas question de rester en route.
        Les petits vieux qui recevaient leur pension de retraite par les facteurs, c’est fini.
        Il y a eu trop de postiers qui se sont fait attaquer et dévaliser.
        A l’agence de la banque, qui y va encore ? Tout passe par Internet.
        L’utilisateur lui-même se doit d’introduire leurs virements et assumer de faire des erreurs de montants.
        Les virements s’ils ne sont pas écrit à la banque ou sur internet, sont à payer.
        L’agent de votre compte, vous le désirer en sonnantes et trébuchantes, c’est de même.
        Les pourboires ont disparu, puisque tous n’en recevaient pas.
        Les calendriers sont électroniques.
        Avant, on en recevait même un par le marchant habitué.
        E3lectroniques, ils rappellent les événements par un petit beep qu’ils répètent avec un terme entre deux rappels.
        Plus question de les laisser passer. Le temps c’est de l’argent.
        Le courrier lui-même a deux prix : un Prior qui oblige à le délivrer le lendemain ou le normal dans trois jours.
        Une récompense, ce n’est plus à l’ordre du jour.
        Bienvenue au 21ème siècle....
        La nostalgie, c’est pour les p’tits vieux.
        Les p’tits jeunes attendent qu’il disparaissent pour aller encore plus loin.

        Allez seulement une dernière pour la route et pour correspondre à l’air du temps qui traverse les frontières et les genres : « Bonne année »

        Il parait que 2018 a eu la femme comme fil rouge

        Vont-elles nous dépenser nous les machos en 2019 ?

        La question sera répondue la semaine prochaine.


        • Francis, agnotologue JL 2 janvier 2019 15:49

          @L’enfoiré
           
          ’’ rien ne se crée, rien ne se perd, tout se déplace.’’
           
          En fait la bonne formule est : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »


        • L'enfoiré L’enfoiré 2 janvier 2019 20:14

          @JL
           Exact. Mais la transformation aujourd’hui, se produit en se déplaçant.
           Réactualiser les formules permet de se rendre compte qu’on ne peut transformer les choses en restant sur place.


        • C'est Nabum C’est Nabum 3 janvier 2019 07:00

          @L’enfoiré

          L’argent passera aussi


        • zygzornifle zygzornifle 2 janvier 2019 15:42

          Ha et l’almanach Vermot ?

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