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Le Gamin au vélo

SEgpa ... impossible ! 

Le collège au cinéma

Le conseil général du Loiret participe à l'opération : le Collège au cinéma. C'est à ce titre que ce matin- là, tous les élèves de sixième du collège, flanqués de trois classes de Segpa, partaient à l'aventure cinématographique. Belle et grande opération que de déplacer plus de cent dix élèves en empruntant une ligne de tramway.

Le principal, incorrigible optimiste, avait souhaité une séance unique, mêlant ainsi nos élèves si peu fréquentables aux enfants plus sortables. Au terme de l'expérience, le pari semble gagnant. Au-delà des petits incidents incontournables dans ce genre de circonstances, la sortie s'est déroulée sans véritable anicroche. La mixité a eu du bon, les trublions se sont montrés sous leur meilleur jour.

Il faut reconnaître que le plus grand mérite revient au film qui a su séduire et toucher un public à priori hostile à un cinéma qui n'entre pas dans son formatage habituel. Déjà, la salle des Carmes à Orléans, n'a rien des rutilants multiplex , paradigme des salles obscures, aux yeux de nos consommateurs émérites. Loin des machines à pop-corn, des distributeurs de soda , d'une programmation américaine et creuse, pas de salut !

Nous en avons entendu des réflexions : « Ce n'est pas un vrai cinéma ! », « Le film ne peut qu'être nul dans une salle pareille ! », « Si j'avais su, je ne serais pas venu ! », … Les représentations jouent un grand rôle à cet âge, le conformisme s'acquiert de bonne heure au royaume des consommateurs rois. C'est bien regrettable mais nous sommes si impuissants à briser les images imposées par la publicité et la télévision.

Avant que l'obscurité ne s'installe dans la salle , il n'est pas acquis que la partie sera gagnée. Il y a grand bruit dans les travées, des cris et des énervements, des enfants qui réclament leur dose de confiserie car sans ce préalable, ils ne se sentent pas en mesure de regarder une œuvre de fiction. Les professeurs patrouillent, font les gros yeux et élèvent parfois la voix. La routine en quelque sorte.

La responsable de la salle entre et demande le silence afin de pouvoir lancer le film. Deux de mes grandes quatrièmes éclatant d'un fou rire, la dame les oblige à sortir. Je me vois déjà contraint de faire un voyage jusqu'au collège pour y reconduire ces gracieuses furies. Par bonheur, elles s'excusent, demandent à rentrer , promettent de se taire … La responsable consent à leur requête !

Plus tard, durant la séance, ces deux gamines se feront encore remarquer en élevant la voix pour tancer les quelques élèves bavards. Preuve que tout peut arriver, surtout le plus imprévisible avec cette classe surprenante. Elles ont été emportées par l'histoire, tout comme leurs camarades. Tous les élèves en effet, se sont identifiés à ce gamin qui se cogne dans toutes les portes de la vie.

De retour au collège, nous pouvons discuter du film, analyser la construction cinématographique des frères Dardenne. Tous ont perçu, sans avoir les mots pour le dire, le long chemin de croix de ce gamin nommé Cyril, qui se fracasse contre le refus de son père de le garder. Il doit en passer par la faute pour connaître la rédemption. Plus grande sera sa chute, plus forte sera sa résurrection.

Les plus astucieux ont compris que Cyril n'avait de cesse de se retrouver devant des portes fermées où il finissait même par se cogner la tête. Il fermait son cœur à double tour comme s'il voulait punir ceux qui lui tendaient la main. Acceptant si maladroitement l'aide proposée, il lui préférait les avances du caïd du coin ; il lui était sans doute nécessaire de se laisser tomber dans l'engrenage avant d'accomplir sa métamorphose ….

Il se peut que beaucoup d'élèves aient quelques point communs avec ce parcours chaotique. A la dérive dans un système scolaire , en proie à un sentiment d'abandon et d'inutilité, trouveront-ils eux aussi le salut ? Qui leur tendra la main ? Qu'est-ce qui les fera basculer du bon côté de la vie ? Quels coups devront-il prendre pour sortir de leur logique funeste ? Comment passer de la fiction à leur réalité ?

Je devine que nous pourrions aller plus loin mais que tous ne sont sans doute pas disposés à prendre ce risque de l'introspection. Déjà, le petit miracle provoqué par le film s'estompe. Il faut se dépêcher pour exploiter les quelques instants de grâce. La routine va reprendre le dessus ; ce ne sera plus désormais que cris, énervements, refus de l'écoute mutuelle . La magie aura été de courte durée mais indéniablement elle a eu lieu, et c'est ce qui compte après tout …

Cinématographiquement leur


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6 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 6 décembre 2013 09:53

    Les miracles sont rares et fugaces...
    On ne dit pas : « Si j’avais su, je ne serais pas venu ! » mais : « Si j’aurais su, j’aurais pas v’nu !... » smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 6 décembre 2013 12:55

      ZEN


      Pas v’nu pas v’nu
      Où sont mes re v’nus ?

    • Serge Charbonneau Serge Charbonneau 6 décembre 2013 15:33

      J’ai très récemment vu ce magnifique film.

       

      Vous soulevez tout un point sur la formation du cœur de nos enfants.

      Les miens m’ont souvent dit avoir vu un film à l’école (sur écran télé). J’étais toujours surpris et souvent choqué par la faiblesse du film offert.

       

      Toujours du film US et toujours du sentiment exacerbé, artificiel, sans nuance. Des dialogues de bandes dessinées caricaturales.

       

      L’expérience que vous nous racontez est réjouissante et il est à souhaiter que ce ne soit pas une exception. 

      Former le cœur de nos enfants pour les faires devenir des femmes et surtout des hommes de cœur, c’est tout un défi dans le monde dans lequel nous baignons. 

       

      Bravo à cette école pour cette aventure profitable à tous.

       

       

      Salutations,

       

      Serge Charbonneau

      Québec


      • C'est Nabum C’est Nabum 6 décembre 2013 16:08

        SErge


        Je fais très attention aux films qui me servent de supports pédagogiques
        Je sais des collègues qui passent n’importe quoi

        Quand c’est en classe, je coupe très souvent, je travaille sur l’image, les indices, les éléments culturels qu’il faut expliquer ...

        Merci à vous cousin lointain

      • Fergus Fergus 6 décembre 2013 17:44

        Bonjour, C’est Nabum.

        « Le gamin au vélo » fait partie des deux films que j’ai abandonnés en cours de route durant les deux dernières décennies avec « On connaît la chanson ». Un bon point : contrairement au film de Renais auquel je n’ai résisté qu’un quart d’heure, je ne suis sorti qu’après une demi-heure de projection du film de Dardenne, malgré la grande admiration que je porte aux frères Dardenne et à Cécile de France !

        La faute à un scénario invraisemblable : qui peut croire qu’une femme comme le personnage interprété par Cécile de France peut s’attacher à un gamin aussi désagréable et, malgré cet abord rébarbatif persistant, violer les lois existantes en matière d’aide à l’enfance ? Pas moi, en tous les cas. Le cinéma des frrères Dardenne est fait de très belles réussites ; ce film là est à mes yeux le seul qu’ils ont complètement raté !


        • C'est Nabum C’est Nabum 6 décembre 2013 18:06

          Fergus


          Vouloir chercher le vraisemblable n’est pas chose aisée dans le cinéma en général
          Vous avez raison, on peut s’interroger sur la motivation de cette femme.

          Mais c’est là qu’interviens la dimension chrétienne de ce chemin de croix. Je comprends que ça puisse énerver.

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