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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Une vie entre parenthèse

Une vie entre parenthèse

 

Un mystère insondable.

 

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Qu'importe son nom et ses origines. Son parcours, pour singulier qui soit, n'en demeure pas moins le symbole de toutes ses vies qui pour une raison ou une autre, se mettent volontairement en dehors de cette société, incapables d'accepter les règles d'un jeu qui exige bien trop de sacrifices, de renoncements, d'efforts et de contraintes. Pour tenter de comprendre, revenons sur un parcours qui ne présageait en rien de ce qui allait advenir.

Elle est née dans un petit village d'une région agricole où l'accent fleure bon les tripoux et la soupe aux choux. Elle est l'aînée d'une fratrie de 3 enfants qui partagent l'existence d'une famille d'artisan commerçant. Elle effectue une scolarité brillante qui lui ouvre tous les espoirs, d'autant que l'aide de ses parents lui permirent de se rendre dans la lointaine université.

Elle a grandi, il convient de l'évoquer, dans une atmosphère familiale qui voue un culte tout particulier à la lenteur. Chez eux, il convient de prendre son temps, de ne pas se soumettre à la tyrannie de la vitesse. Pour son père, le repas est un rituel qui exige de ne pas forcer l'allure, de mastiquer longuement, de discuter sereinement, de prolonger ce plaisir par une petite sieste réparatrice avant que de sacrifier à l'incontournable passage au jardin avant que de reprendre le collier.

Enfant, elle a jugé ce rythme quelque peu déplacé. Elle s'impatientait, désireuse d'aller courir la campagne ou de se plonger dans ses livres. Il se peut cependant qu'il laissa des traces indélébiles qui firent leur chemin au fil des aléas de l'existence. À l'université, elle sut se plier à un autre rythme qui lui permit de réussir des études que l'on peut qualifier de remarquables qui lui permettent d'accéder à un diplôme universitaire qui lui ouvre tous les espoirs.

Elle a goûté à la vie urbaine d'autant plus qu'elle s'était installée dans une colocation au cœur de cette grande cité à l'accent chatoyant. Elle est comme un poisson dans l'eau parmi cette demeure qui voit passer des gens différents, truculents, passionnants, ouverts sur le monde entier. Elle s'y sent si bien qu'en partir lui paraît impossible et que cette contrainte déterminera ses premiers refus d'emploi.

Elle y a fait aussi une belle rencontre. Comment pouvait-il en aller autrement dans cette auberge espagnole, riche de tant de personnalités variées. Elle ressent cependant les premières prémices de cette difficulté à s'inscrire dans une vie classique. Elle avoue à son amoureux qu'elle n'aura jamais d'enfant, incapable qu'elle est de se projeter dans un rôle de mère de famille dans cette société qui court à sa perte.

C'est la rupture et une lente descente aux enfers de l'isolement quand dans le même temps, la colocation s'achève dans cette vieille demeure promise à la démolition. Elle se retrouve dans un petit appartement, à la périphérie de cette ville qui devient désormais inaccessible pour elle. Dans le même temps, régulièrement, elle a refusé les emplois que ses parents parvenaient à lui dénicher dans leur village duquel elle se sentait totalement étrangère désormais.

Le temps passe, monotone, dans un isolement presque total. Il lui reste la lecture, la méditation et l'écoute de son transistor : unique lien qu'elle conserve avec l'extérieur. Elle ne sort presque plus, simplement pour un ravitaillement à minima d'autant plus qu'elle mange comme un oiseau. Elle ne dispose ni d'un réfrigérateur ni d'une machine à laver, vivant en ermite dans un immeuble dont elle ne fréquente aucun voisin.

Un téléphone demeure un lien ténu avec les rares personnes avec lesquelles elle conserve une relation orale. Encore faut-il laisser un message pour prévenir d'un appel ultérieur à une heure et un jour convenus. Encore faut-il encore qu'elle se sente la force de répondre le moment venu. Elle converse alors avec verve ne laissant pas transparaître un mal être qui pourtant est patent.

En dehors de ces rares appels, elle vit cloîtrée ou presque, redoute ce monde extérieur et toutes ses menaces. La Covid a laissé en elle une profonde terreur, une crainte qu'elle ne peut toujours pas surmonter au point de refuser les visites exceptionnelles qui se proposent à elle.

Ne vous indignez pas. Elle ne vit pas sur le dos de la société. Elle touche tout juste une aide qui lui permet juste de payer son loyer et de manger chichement. Elle n'a fait aucune démarche pour recevoir des aides sociales, ce n'est pas dans son logiciel. Elle ne touche pas non plus à ce petit pécule dont elle a hérité après le décès de ses parents, la peur du lendemain lui interdisant de piocher dans ce petit trésor au regard de ses conditions de vie.

Elle vivote ou elle survit. À chacun de voir alors qu'elle a atteint l'âge d'une retraite qui n'a aucun sens pour celle qui n'a pour ainsi dire jamais travaillé. Elle est le témoin apeuré d'un monde qu'elle regarde évoluer du haut de son nichoir, perché tout en haut d'un immeuble, elle se refuse à prendre l'ascenseur pour éviter tout contact avec ses voisins. Elle vit l'oreille collée à son seul lien régulier avec la société : le transistor.

Pourquoi un tel choix ? Que s'est-il réellement passé pour en venir là ? Peut-elle justifier une telle existence qui n'a de fait aucun sens ni aucune perspective. Elle n'est pas malheureuse, elle survit dans un vide sidérant pour ceux qui comme moi, regardent à distance sans rien comprendre.

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11 réactions à cet article    


  • pasglop 25 janvier 19:11

    La phobie sociale peut quelquefois se construire sur le temps long, des décennies.

    Pour en connaître une victime, j’ai pu voir qu’il n’y a pas forcément besoin d’un événement traumatique initial, même si c’est souvent le cas.

    La simple difficulté de se projeter dans un avenir à moyen-terme peut suffire, restreignant progressivement le champ des possibles et contraignant l’individu à une introspection permanente qui vire à la pathologie.

    Ce que redoutent avant-tout ces gens, c’est de se voir dans le regard des autres, et de se juger dans l’image qu’ils crient percevoir. Une spirale infernale.


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 janvier 23:33

      @pasglop

      Dont il est impossible de sortir ...


    • pasglop 26 janvier 11:04

      @C’est Nabum
      Je ne sais pas. Pour certains il y a des cycles mais tout ça est extrêmement complexe.


    • C'est Nabum C’est Nabum 26 janvier 11:56

      @pasglop

      C’est certain
      Les arcanes du cerveau ...


    • juluch juluch 25 janvier 21:08

      Agoraphobie.....ça se soigne.


      • C'est Nabum C’est Nabum 25 janvier 23:34

        @juluch

        Je crains que non 


      • babelouest babelouest 26 janvier 05:54

        @C’est Nabum
        Je ne suis pas loin de penser ainsi. Aider quelqu’un à entrer dans le moule, est-ce lui rendre service ? Pas forcément.


      • C'est Nabum C’est Nabum 26 janvier 08:20

        @babelouest

        La question se pose en effet


      • Eric F Eric F 26 janvier 17:50

        @juluch
        l’agoraphobie ne semble pas une caractéristique de quelqu’un qui vient de la campagne en centre ville dans une coloc. Il semble plutôt y avoir déracinements successifs sans réenracinement, avec repli sur soi faute de motivation et stimulation. En France, les minima sociaux subviennent à une existence ...minimaliste.


      • babelouest babelouest 26 janvier 05:54

        Ce n’est pas donné à tout le monde d’accepter des règles qu’on considère comme non conformes à ce que l’on considère comme « bien ».

        Quand une société est malade, ceux qui s’y adaptent ne sont pas sains non plus. Je pense que chacun, s’il est bien constitué, a des lignes rouges qu’il refusera de franchir ; ces lignes rouges ne sont pas les mêmes pour tous. Toutes les vies sont différentes.

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