• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Des éponges imbibées d’eau fraîche...

Des éponges imbibées d’eau fraîche...

JPEG

Dans un extrait du célèbre Roman de la momie de Théophile Gautier, on voit deux explorateurs utiliser des éponges, pour se rafraîchir et apaiser les chaleurs du désert, juste avant de pénétrer dans une tombe...

"La chaleur devenait si intense que le jeune lord se défit de son paletot blanc, et le docteur de son habit noir, que suivirent bientôt leur gilet et leur chemise ; Argyropoulos, voyant leur souffle s'embarrasser, dit quelques mots à l'oreille d'un fellah, qui courut à l'entrée du souterrain et rapporta deux grosses éponges imbibées d'eau fraîche, que les deux voyageurs, d'après le conseil du Grec, se mirent sur la bouche pour respirer un air plus frais à travers les pores humides, comme cela se pratique aux bains russes quand la vapeur est poussée à outrance.
On attaqua la porte, qui céda bientôt.
Un escalier taillé dans le roc vif se présenta avec sa descente rapide."

Le mot "éponge", si familier, a des origines lointaines et une histoire très ancienne !

Encore un mot venu du passé dont on ne soupçonne pas toute l'ancienneté, la noblesse et le prestige...

L'éponge qui absorbe les liquides, grâce à sa substance poreuse, qui revêt de somptueuses couleurs de sable nous séduit et nous étonne !

La douceur de l'éponge, sa rondeur, sa souplesse en font un objet sympathique et bienveillant...

Sa capacité d'absorption surprend : voilà un outil magique qui retient l'eau et la libère, par la simple pression de la main !

Le mot, avec ses consonnes labiale, chuintante n'est-il pas empreint de charme et d'élégance ? La voyelle nasalisée "on" lui confère, aussi, une légèreté infinie.

Les anfractuosités forment comme des remous, des vagues sinueuses sur l'objet, lui donnent des reliefs, des pleins, des déliés, une structure surprenante.

L'éponge, pleine de délicatesse dans sa texture, nous fait percevoir toute sa subtilité, on aime ses aspérités légères, aériennes.

L'éponge peut être d'origine animale, végétale ou synthétique...

L'éponge marine ou "porifera", est la plus étonnante : cet animal aux couleurs variées de rose profond, vert, blanc, mauve, aux formes diverses, nous fait entrer dans l'univers des profondeurs marines, mystérieuses, étranges, secrètes... Et on découvre que les éponges ont, ainsi, toutes sortes de propriétés, elles sont capables de se régénérer, de revivre, de s'associer !

Les éponges pourraient, même, être les plus vieux êtres vivants du monde !

Ces animaux sédentaires ont le pouvoir de vivre et de s'incruster sur différents supports : roche dure, sédiment meuble, coquilles, carapaces de crustacé...

Les éponges peuvent même abriter d'autres animaux, comme des crevettes, ou les larves de certains insectes...

Le mot, lui-même, très ancien nous fait remonter aux origines lointaines de notre langue, le latin et le grec. Le terme latin "spongia" vient du grec "spoggia"...ou "spoggos".

On trouve ce mot dans l'Odyssée d'Homère, par exemple dans cet extrait du chant I au vers 111... On y voit des serviteurs de la maison d'Ulysse nettoyer les tables, grâce à des éponges :

" Athéna part en s'élançant des sommets de l'Olympe et s'arrête au milieu de la population d'Ithaque, devant le vestibule d'Ulysse, sur le seuil de la cour. La déesse, sous les traits de l'étranger Mentès, roi des Taphiens, tient entre ses mains sa lance redoutable ; elle trouve les fiers prétendants se livrant au jeu de dés, couchés sur des peaux de bœufs qu'ils avaient immolés eux-mêmes ; /des hérauts et des serviteurs actifs s'empressaient, les uns de mêler le vin et l'eau dans les cratères, les autres de nettoyer les tables avec des éponges douées et poreuses, de les mettre en place et de diviser les viandes par morceaux. /Le premier qui aperçoit au loin la déesse est Télémaque, semblable à un dieu ; assis parmi les prétendants à la main de sa mère, son cœur est dévoré de chagrins..."

/"κήρυκες δ᾽ αὐτοῖσι καὶ ὀτρηροὶ θεράποντες

οἱ μὲν οἶνον ἔμισγον ἐνὶ κρητῆρσι καὶ ὕδωρ,

οἱ δ᾽ αὖτε σπόγγοισι πολυτρήτοισι τραπέζας

νίζον καὶ πρότιθεν, τοὶ δὲ κρέα πολλὰ δατεῦντο."/

Ainsi, ce mot ancien, utilisé par un des premiers auteurs de la littérature grecque, Homère, nous apparaît d'autant plus précieux, chargé d'histoire, d'un passé prestigieux...

L'éponge ! Mot venu du grec ! Les grecs, peuple de marins, ont dû découvrir, très tôt les propriétés étonnantes de l'éponge et s'en servaient déjà pour nettoyer différents supports !

L'adjectif qui qualifie le mot dans le texte grec, "polytrétos" signifie "aux mille trous", et caractérise bien la nature même de l'objet, couvert de crevasses et d'aspérités...

Voilà un mot qui nous fait découvrir des profondeurs marines, emplies de splendeurs, qui nous fait voyager dans le temps, qui nous charme de sonorités séduisantes !

Voilà un objet aux propriétés magiques, aux contours sinueux, remplis de douceurs !

JPEG

 

 

Le blog :

http://rosemar.over-blog.com/2015/07/des-eponges-imbibees-d-eau-fraiche.html

 


Moyenne des avis sur cet article :  2.38/5   (8 votes)




Réagissez à l'article

19 réactions à cet article    


  • Clark Kent Clark Kent 31 juillet 2018 11:48

    « Encore un mot venu du passé dont on ne soupçonne pas toute l’ancienneté, la noblesse et le prestige... »


    Y a des mots, y sont tellement anciens qu’on sait même plus ce qu’ils veulent dire !
    C’est pas comme les mots du présent : ubérisation, selfy, web et twitt !
    à on peut suivre.
    Mais les mots du futur, on les connait même pas !
    Mais pourquoi ? Pourquoi ?
    L’angoisse m’étreint devant cette énigme insoutenable.

    • marmor 31 juillet 2018 12:02

      J’ai essayé d’éponger mes dettes avec une éponge, ben ça marche pas ! Il y a tromperie sur l’utilisation.


      • Ben Schott 31 juillet 2018 12:05

         

        « Voilà un objet aux propriétés magiques, aux contours sinueux, remplis de douceurs ! »
         
        Inutile de ressasser le passé !...
         


        • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 12:11

          Amusant, hier, ma dentiste me parlait de chercheurs japonnais qui avaient trouvé une mousse très spéciale datant de millions d’années ayant des propriétés bien spécifiques. Ayant un RDV, je n’ai pas eu le temps de poursuivre,...


          • Bernie 2 Bernie 2 31 juillet 2018 12:22

            @Mélusine ou la Robe de Saphir.


            Fantastiquement intéressant !

            Au moins, on sait qu’il vous reste des dents, à moins que ça soit la révision des 50 000 de votre appareil.

            Mais elle consulte à domicile votre dentiste ? Vu que vous passez vos journées à dégoiser sur agoravox, je ne vois pas comment vous pouvez assurer un quelconque RDV extérieur.

          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 12:20

            L’éponge ma toujours fascinée. mais comme elle retient tout, il faut souvent la désinfecter. Une éponge pour éponger l’éponge. Francis Ponge a peut-être la RE ponce (dont la pierre a aussi de belles vertu anti verrues (mais la meilleure reste la roche volcanique noire). https://www.youtube.com/watch?v=OHsSQy6L86k


            • Bernie 2 Bernie 2 31 juillet 2018 12:23

              @Mélusine ou la Robe de Saphir.


              On parle d’éponge imbibée d’eau, pas de valstar, mamie. Encore hors sujet.

            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 12:30

              @Bernie 2

              Etes-vous seulement conscient du haut degré de scélératesse de vos commentaires. 

            • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 12:21
              L’orange - Poéme
              Poéme / Poémes d’Francis Ponge




              Comme dans l’éponge il y a dans l’orange une aspiration à reprendre contenance après avoir subi l’épreuve de l’expression. Mais où l’éponge réussit toujours, l’orange jamais : car ses cellules ont éclaté, ses tissus se sont déchirés. Tandis que l’écorce seule se rétablit mollement dans sa forme grâce à son élasticité, un liquide d’ambre s’est répandu, accompagné de rafraîchissement, de parfum suaves, certes, — mais souvent aussi de la conscience amère d’une expulsion prématurée de pépins.

              Faut-il prendre parti entre ces deux manières de mal supporter l’oppression ? — L’éponge n’est que muscle et se remplit de vent, d’eau propre ou d’eau sale selon : cette gymnastique est ignoble. L’orange a meilleur goût, mais elle est trop passive, — et ce sacrifice odorant... c’est faire à l’oppresseur trop bon compte vraiment.

              Mais ce n’est pas assez avoir dit de l’orange que d’avoir rappelé sa façon particulière de parfumer l’air et de réjouir son bourreau. Il faut mettre l’accent sur la coloration glorieuse du liquide qui en résulte, et qui, mieux que le jus de citron, oblige le larynx à s’ouvrir largement pour la prononciation du mot comme pour l’ingestion du liquide, sans aucune moue appréhensive de l’avant-bouche dont il ne fait pas se hérisser les papilles.

              Et l’on demeure au reste sans paroles pour avouer l’admiration que mérite l’enveloppe du tendre, fragile et rose ballon ovale dans cet épais tampon-buvard humide dont l’épidémie extrêmement mince mais très pigmenté, acerbement sapide, est juste assez rugueux pour accrocher dignement la lumière sur la parfaite forme du fruit.

              Mais à la fin d’une trop courte étude, menée aussi rondement que possible, — il faut en venir au pépin. Ce grain, de la forme d’un minuscule citron, offre à l’extérieur la couleur du bois blanc de citronnier, à l’intérieur un vert de pois ou de germe tendre. C’est en lui que se retrouvent, après l’explosion sensationnelle de la lanterne vénitienne de saveurs, couleurs et parfums que constitue le ballon fruité lui-même, — la dureté relative et la verdeur (non d’ailleurs entièrement insipide) du bois, de la branche, de la feuille : somme toute petite quoique avec certitude la raison d’être du fruit.


              • rosemar rosemar 31 juillet 2018 12:43

                @Mélusine ou la Robe de Saphir.

                Magnifique texte de Ponge !


                Et puis, n’oublions pas le savon, pierre magique !


              • rosemar rosemar 31 juillet 2018 12:49

                @Mélusine ou la Robe de Saphir.

                Le savon :



                « Si je m’en frotte les mains, le savon écume, jubile...Plus il les rend complaisantes, souples,liantes, ductiles, plus il bave, plus sa rage devient volumineuse et nacrée...Pierre magique !Plus il forme avec l’air et l’eau des grappes explosives de raisins parfumés...L’eau, l’air et le savon se chevauchent, jouent à saute-mouton, forment des combinaisons moins chimiques que physiques, gymnastiques, acrobatiques...Rhétoriques ?Il y a beaucoup à dire à propos du savon. Exactement tout ce qu’il raconte de lui-même jusqu’à la disparition complète, épuisement du sujet. Voilà l’objet même qui me convient.                             
                  *Le savon a beaucoup à dire. Qu’il le dise avec volubilité, enthousiasme. Quand il a fini de le dire, il n’existe plus.                               
                *Une sorte de pierre, mais qui ne se laisse pas rouler par la nature : elle vous glisse entre les doigts et fond à vue d’oeil plutôt que d’être roulée par les eaux.Le jeu consiste justement alors à la maintenir entre vos doigts et l’y agacer avec la dose d’eau convenable, afin d’obtenir d’elle une réaction volumineuse et nacrée...Qu’on l’y laisse séjourner, au contraire, elle y meurt de confusion. »                           
                    

              • rosemar rosemar 31 juillet 2018 12:50

                @rosemar

                Le lien ne fonctionne pas...

              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 12:51

                @rosemar


                Merci Rosemar. Comme pour vous, inaccessible en Belgique. Le savon, une histoire d’une vie avec mon préféré : Verveine citronnelle (OCCITANIE).. Mais vous le savez sûrement les vendeurs français montent tous en Belgique (leurs meilleurs clients en brocante).

              • Ben Schott 31 juillet 2018 13:13

                @rosemar
                 

                « Si je m’en frotte les mains, le savon écume, jubile »
                 
                Vous vous faites du mal...
                 


              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 13:45

                @Ben Schott


                Vous n’êtes pas chtarbé, c’est pire, vous êtes : CON.

              • Ben Schott 31 juillet 2018 14:58

                @Mélusine ou la Robe de Saphir.
                 

                Chez vous, il semblerait que l’humeur périodique persiste sur le principe la « mémoire de l’eau » dans l’homéopathie.
                 


              • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 31 juillet 2018 12:55

                SAVOIR, VOIR, SAVONS. Les jeux de mains fondent dans nos lende« mains ». Ils en recueillent l’écume de nos jours à venir.


                • Abou Antoun Abou Antoun 31 juillet 2018 15:18
                  Et pas un mot de Bob l’Éponge qui mériterait un nartik à lui tout-seul.



                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 31 juillet 2018 15:55

                    Et v’lan ! pass’moi l’éponge Et v’làn ! fait moi gligli Et v’lan ! pass’moi l’éponge Et v’lan ! gouzi gouzi

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité