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La douceur de Vivre

Le Bonimenteur au pays de son maître !

Le domaine d'un géant.

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Il est souvent déclaré dans les dépliants touristiques que notre Val de Loire et l'Anjou sont les pays de la douceur de vivre. Comment faire toucher du doigt cette affirmation à des touristes lointains, gens d'Oc qui ont accepté de tenter une visite fort septentrionale à leurs yeux ? Le défi n'est pas simple car il faut que la réalité rejoigne ce qui pourrait n'être que seule promotion.

J'allais relever une partie de ce défi avec la complicité des amis de l'association des mariniers de Chouzé sur Loire. Premier jour du séjour : il fallait se lever à l'appel de l'angélus. La Martinienne, belle toue cabanée à passagers, nous attendait pour nous conduire au marché de Montsoreau. Nos hôtes avait battu le rappel des amis et le bateau affichait complet au départ de cette expédition ligérienne.

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Qui n'a jamais navigué au petit matin naissant sur la Loire entre brumes s'échappant au-dessus de l'onde et soleil s'offrant à son réveil, ne peut comprendre l'attachement viscéral des gens de ce pays pour leur rivière. Mes compagnons - grande était leur chance - disposaient des conditions idéales pour ressentir, au plus profond de leur âme, ce qu'est notre amour de la rivière.

Ils découvrirent aussi des Ligériens, cette curieuse branche de l'humanité, seule capable de parler uniquement de la Loire durant le voyage. Pas un des passagers, vivant sur les rives de la dame Liger, n' échappa à son petit couplet d'admiration. Chacun avait à dire son attachement et ses souvenirs, ses plaisirs et ses craintes. La Loire était au cœur de nos évocations et mes amis écoutaient ces drôles de personnages, aussi dissemblables que possible mais réunis par une même passion.

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Que vous dire de ce trajet qui puisse toucher ceux qui ne l'ont pas effectué ? Je ne veux pas m'aventurer à cette tâche impossible. C'est à chacun de vous, chers lecteurs, de franchir le pas et d'aller à la rencontre de ces gentils fous furieux qui peuplent notre rivière. Vous trouverez partout des bateaux qui proposent une sortie aux visiteurs d'un jour. Choisissez bien votre guide : évitez les quelques incontournables machines à touristes ; préférez leur l'authenticité et la simplicité. Puis, laissez vous porter … Il y aura toujours un verre de vin blanc qui surgira d'une glacière... ou de la rivière, pour finir de vous convaincre.

Nos pas nous portèrent à la visite de Chinon. Contraste saisissant ! La foule touristique se pressait dans la belle forteresse, les vieilles rues médiévales étaient bondées. Nous retrouvions des images qui peuvent s'appliquer à tant d'autres régions : le guide touristique et sa troupe suiveuse, les gadgets anachroniques pour attirer les gogos, les terrasses pleines de consommateurs avides. L'âme de ce pays ne pouvait se ressentir dans de telles conditions.

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C'est alors que nous mîmes nos pas dans ceux d'un géant truculent et débonnaire. Sa statue, en bord de Vienne, nous avait montré le chemin de la béatitude. François nous invitait à nous rendre en sa demeure, à quelque distance de la foule. La Devinière allait nous ouvrir bien plus que ses portes. Nous entrions vraiment dans ce qui fait la substantifique moelle d'une œuvre et d'une région. Suivez-nous, il suffit d'ouvrir son cœur pour entrer au pays des géants !

Le jeune Rabelais est né en ce domaine magnifique de simplicité et de puissance évocatrice. La nature est ici un bonheur d'harmonie, de lumière et de douceur, d'abondance végétale et de simplicité. On ne peut admirer le paysage sans être touché par cette évidence : la douceur de vivre est ici ! Merveilles que ces jardins foisonnants, cette vigne prometteuse, cette quiétude qui transpire de chaque élément !

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Vous n'avez plus qu'à être happé par la langue du maître, ce bon moine des Entommeures , ce médecin herboriste, cet humaniste magistral, ce chantre de la folie, ce prince de la truculence, cet hédoniste absolu … Soyez les bienvenus au pays de notre langue, dans le berceau de sa création, de son invention, de sa recréation permanente !

Du berceau naquit une géante : une langue magnifique qui avait été défrichée par Villon, un autre François. Gargantua n'est que la représentation de cette « langue françoise » si vilainement attaquée de nos jours. Cette langue qui célèbre si bien l'esprit de notre pays, la bonne chère, le vin, l'amour et la beauté de ce qui nous entoure.

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Rabelais a poussé au sublime cette symbiose entre une langue et un peuple ; il a bouté les vilains et a, une nouvelle fois, mené sa guerre picrocholine pour chasser le verbiage creux et sans couleur qui a remplacé sa langue verte, fleurie, foisonnante et si gaillarde. Si vous avez un peu d'amour pour notre beau français, vous ne pouvez que sentir toutes ces vibrations linguistiques lors de cette visite aux sources.

Car, tout a été mis en œuvre par les organisateurs pour que chacun soit emporté par ce flot de mots et de sensations. Des sculpteurs, des dessins, des jardins, un cadre enchanteur et un personnel heureux de vivre en ce lieu, compétent et amoureux, lui aussi, de cette langue qui est notre trésor commun.

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La douceur de vivre a trouvé son écrin. Exaltation d'un art de vie qui est si bien ancré dans les gènes des gens de ce pays de Bombance, la Devinière est un exceptionnel hommage à François Rabelais tout en étant aussi la quintessence de notre pays de Loire, celui que les politiques, dans leur indécrottable stupidité, ne veulent pas reconnaître au travers du découpage des nouvelles régions. J'imagine Gargantua se déculottant pour arroser la chambre des députés d'un immense flot de mécontentement !

Géantissiment sien

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2 réactions à cet article    


  • Paulo/chon 19 août 2014 09:53

    Bjr,
    Un perfectionniste devenu menteur donc, nous avait enseigné que le Français était la langue diplomatique et chacun s’évertuait à en posséder le vocabulaire. Détrompez-moi, la chasse-d’eau aurait lavé le flot pantagruélique de Gargantua alors que votre attachant fleuve avait structuré le jardin de la France. C’est un régal que de découvrir votre prose ordinaire mais combien exceptionnelle de nos jours, convenez que la qualité des ressources humaines ne peut que se constater et vous étiez bien peu en effectif pour vivre au milieu de nos contemporains.
    Merci de ces beaux textes mais n’y aurait-il pas inflation.

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