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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Le touriste des rencontres

Le touriste des rencontres

L’étrange préoccupation d’un voyageur pas ordinaire.

Aller à la découverte du monde, quitter sa bulle et partir loin de son pré carré, c’est, pour beaucoup, se nourrir de paysages merveilleux, découvrir une culture différente, expérimenter une alimentation qu’on qualifie d’exotique faute de la connaître sur sa table, c’est encore faire assaut de connaissances en botaniques ou en zoologie. Chacun a sa spécialité, son petit domaine de préférence pour arpenter la planète, les yeux grands ouverts et l’esprit toujours en éveil. Il lui suffit de suivre le guide, de respecter le plan de route, d’écouter les conseils de ceux qui sont passés avant lui. Suivez l’itinéraire fléché et vous serez comblé à la condition d’avoir « super routard » dans la poche de votre sac à dos.

J’avoue ne pas me contenter du circuit prémâché. J’ai naturellement, comme tout le monde, des admirations et des étonnements devant la magnificence d’un paysage, la beauté d’un monument, le pittoresque d’une ville. Je n’échappe pas au concours de superlatifs : d’admirable à extraordinaire, de somptueux à fabuleux, de grandiose à inoubliable. Pourtant, quand le temps est venu d’ouvrir la boîte des souvenirs, ma mémoire a tendance à effacer tout cela pour ne retenir que ces quelques minutes passées à la rencontre d’inconnus qui se sont trouvés sur mon chemin.

Je suis un voyageur des gens. Je n’aime rien tant qu’une rencontre, quelques mots échangés, un récit partagé, un questionnement curieux pour mieux comprendre ce décor qui défile sous mes yeux. Ce n’est ni prétention ni orgueil même si Monsieur Robert Lavigue viendra prétendre que tout cela n’est que posture et pédanterie, avec la morgue qui le caractérise si bien. Mais laissons les fâcheux et égrenons les belles rencontres de ce séjour aux antipodes.

Il y eut d’abord Jacky, l’enseignant technique, voyageur. Il a exercé en métropole, quelques années aux îles Marquises avant de reposer son cartable à La Réunion. Il a tâté du Lycée technique puis de la Segpa pour initier les élèves à la métallerie. Il est allé chercher épouse au fin fond de l’Europe orientale. Il porte une casquette de marin pour signifier que le parcours n’est jamais fini. Belle rencontre que voilà, un homme aux antipodes de mon comportement, un arpenteur du Monde !

Il y eut Irina, la bâtisseuse de l’Oural. Elle est venue sur l’île de la Réunion faire une fille et quelques maisons. Elle sait tout faire de ses mains : le bâtiment d’abord mais aussi la peinture, la sculpture et des travaux artistiques. Femme à la grande énergie, à l’accent merveilleux, elle ne cesse d'irradier sa force impressionnante et elle cuisine à merveille : ce qui ne gâche rien.

Autre femme merveilleuse, Jennifer, une Mauricienne qui tient le restaurant du vieux port. Elle aime venir en salle, parler à ses clients, offrir quelques secrets et partager une recette à sa façon qui ne figure pas sur la carte. Elle s’assoit et évoque alors ses enfants, son île natale, sa jeune équipe qui tient ce lieu avec une disponibilité sans égale. Je découvre l’art de réaliser un véritable carry, j’appréhende un peu mieux les principes de la cuisine créole. Jennifer est une transmetteuse de savoir-faire.

Puis surgit Élian, un métropolitain qui a posé ses valises à La Réunion à l’âge de 9 ans, dans les bagages d’un père professeur qui venait chercher un peu de soleil. Quinze ans plus tard, le gamin est devenu guide : il sait tout de la flore locale. Il parle, parle avec passion et compétence. Il évoque cette île comme son pays, son jardin secret. Quelle incroyable appropriation ! Quelle volonté de toujours en savoir plus, pour transmettre sa passion ! J’ai passé avec lui une journée d’exception.

Il y eut Pacifique, le chauffeur routier qui est parti en métropole quinze années durant, parcourant ce pays qui est aussi le sien. En ayant fait le tour, il posa son baluchon au Québec pour s’accorder des distances plus grandes encore. Cinq années au long cours avant de décider de revenir sur son île. Il y tient désormais une petite buvette, propose une restauration simple et économique car il a le souci de ne pas estamper les clients, de retrouver l’esprit des restaurants routiers qu’il a fréquentés si souvent. Il se raconte et maugrée un peu contre ces jeunes qui ne veulent plus travailler. Il a depuis longtemps passé l’âge de la retraite et continue son chemin de labeur.

Je terminerai ce premier volet des rencontres réunionnaises par Joël, le gardien de musée. Il s’ennuie ferme sur son avenue de Paris. Son exposition n’attire pas les foules. Il voit une trentaine de visiteurs par jour : pas de quoi faire passer le temps. Alors quand un bavard vient vers lui, il retrouve le sourire et se fait disert. Il évoque son île qu’il chérit comme tous ses compatriotes, ces tableaux qui ne lui disent rien qui vaille, les visiteurs qui ne font que passer sans un regard ni même un petit mot. Nous discutons, je glisse une annotation sur le livre d’or, accordant une petite place à Joël dans mon commentaire. Il est fier ; ça ne lui était jamais arrivé ….

Je n’en ai pas fini de mon séjour lointain. J’ai déjà d’autres petits portraits fugaces dans mon escarcelle. C’est d’eux que je me gargarise tout autant que de cette cuisine que j’explore avec une certaine liberté. Je découvre tant de fruits et de légumes nouveaux que je veux tous les essayer. Au marché, j’interroge, je questionne et se nouent alors des liens brefs mais intenses. Je vois dans les yeux de mes interlocuteurs le plaisir de faire découvrir ainsi leur île d'abondance. À bientôt, j’ai un jus de curcuma sur le gaz !

Conversationnement vôtre.

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4 réactions à cet article    


  • juluch juluch 3 septembre 2016 12:14

    effectivement, les voyages permettent les rencontres que se soit en France ou hors de Métropoles.


    La réunion est un mélange d’Européen d’africain et d’Indien se qui fait un patchwork de cultures, particulièrement chez les demoiselles !!

    bon séjour Nabum ! smiley

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