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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Quelques coups de pagaie dans l’eau …

Quelques coups de pagaie dans l’eau …

Le Bonimenteur doit se taire ...

Pourquoi faudrait-il qu'ils partagent mes conceptions ?

Qu'il est difficile d'accepter que d'autres ne trouvent dans votre passion qu'une simple occasion de se distraire, de se divertir sans se soucier d'autre chose. J'en ai fait l'amère expérience lors d'une sortie associative sur la Loire en canoë. Une dizaine de gens fort différents les uns des autres, d'âge comme de parcours sans doute, se sont donné rendez-vous pour descendre notre Loire de Châ teauneuf à Chécy.

Celui qui est à l'initiative de la proposition compte sur moi pour que je dise deux ou trois histoires durant le voyage et lors de quelques arrêts. Il a participé à une sortie sur la Sterne, aime la nature, lui qui est un enfant de la forêt d'Orléans. Je n'aime rien tant que partager mes bonimenteries quand je suis sur la rivière, il ne devrait pas y avoir de soucis.

Hélas, il en alla tout autrement … Deux groupes distincts de quatre personnes et quelques individus au milieu forment déjà des clans imperméables aux autres. L'humain est ainsi fait qu'il a besoin de repères solides et bien du mal à s'ouvrir aux autres quand ceux-ci sont de lui inconnus. Les gens se regroupent par affinités et se ferment presque immédiatement aux nouveaux venus. Les échanges seront rares …

C'est dans ce contexte que je devine immédiatement que je devrai garder le silence. Pas ou peu de place pour les fables et la Loire. La mayonnaise ne prendra pas, c'est quasiment certain. Il reste la possibilité de quelques interventions sur la nature : la faune et la flore offrent une diversité qui peut trouver écho avec un peu de curiosité.

Là encore, je me trompe lourdement. Lorsque je vois même un castor en pleine après-midi ; sans doute un jeune chassé de la famille pour laisser place à la portée suivante, je ne parviens pas à provoquer leur curiosité. Il est assis sur la berge, perdu sans doute, désemparé devant une situation nouvelle pour lui. À mon passage, il plonge. J'appelle le reste de la troupe en balade. L'indifférence est la seule réponse. Personne ne semble vouloir attendre le retour du rongeur à la surface. Si même les castors les laissent de marbre … !

Je ronge mon frein. Je m'isole et poursuis cette descente loin des autres. Il n'y a pas eu ce petit déclic qui eût permis de briser les carcans initiaux. Il n'y avait surtout pas les mêmes objectifs. Les uns ne voulaient que s'asperger, se bousculer, se retrouver dans une folie sympathique sans avoir nécessairement besoin d'en savoir plus sur leur nouveau terrain de jeu. Les autres allaient leur train, découvraient sans doute un nouveau loisir. Aller droit et se remuer un peu devaient être leur principaux soucis. Pourquoi pas ?

La Loire n'était que prétexte. Cela aurait pu se passer ailleurs sans qu'il en soit autrement. Un décalage total avec mon désir de partager une rivière que je vénère. Pour eux, c'est un cours d'eau comme les autres, c'eût pu être un bassin artificiel qu'il en aurait été de même … Je ne peux évacuer ma frustration et m'interroge : « Pourquoi leurs motivations seraient-elles moins respectables que les miennes ? »

J'avoue ma perplexité. Il n'y a naturellement pas de hiérarchie dans les motifs qui ont poussé chacun à se trouver sur le fleuve en cette belle journée. Pourtant, il y a bien des petits détails qui me posent problème. Quand je les prévenais qu'il y avait un pêcheur, ils ne modifiaient pas leur trajectoire ni ne saluaient nos amis qui partagent la rivière. Ces considérations n'ont pas de sens pour eux.

Quand d'autres promeneurs de rencontre sur l'eau se signalèrent par des cris, des vociférations déplacés en un tel endroit, cette fois encore je me remémorais les discussions que j'avais eues avec des amis ligériens : « Il n'est pas souhaitable qu'il y ait trop de monde sur la Loire. Nous n'avons pas besoin de touristes, consommateurs exclusifs de loisir ! »

Quand un groupe d'oiseaux se pressait sur une île, ils passaient sans même vouloir connaître leur nom. Héron, cormoran, gravelot ou aigrette, cela avait des ailes et s'envolait à leur approche sans qu'ils aient besoin d'en savoir davantage. C'est navrant ou c'est seulement l'expression d'une rupture consommée de notre société avec la nature. Je ne dois pas leur en vouloir.

Pourtant, j'ai vécu cette sortie comme une immense frustration. Ce silence contraint m'a rongé. C'est certainement moi qui suis fautif dans cette aventure. Je devrais m'en moquer, être indifférent aux autres et ne pas chercher à transmettre ce qui n'a aucun intérêt pour eux. Mais alors, pourquoi sont-ils venus sur la Loire ? Je tourne en rond. La seule chose dont ils m'ont assurée, c'est qu'ils passeront au Festival de Loire. Une fois encore, j'ai comme un doute sur la nature réelle de cette manifestation ...

Interrogativement leur.


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2 réactions à cet article    


  • Prudence Gayant Prudence Gayant 2 septembre 2013 16:15

    Une sortie associative ? 

    Vous ne pouvez demander à tout un chacun de partager vos amours de la Loire.
    Vous vous en sortez plutôt bien, imaginez un peu que l’un d’eux se retournent et vous dise de vous taire car vous les empêchez de rêver ou de goûter le silence ?

    Vos passions ne sont pas leurs passions, incroyable n’est-ce pas ??


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