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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Calembredaines & coquecigrues

Calembredaines & coquecigrues

 

Billevesées à pleines brassées.

 

Le vide est à la mode et fait même le trop plein sur les écrans qui fort opportunément se sont faits plats pour ne pas être en reste. Dire des balivernes, écrire des fariboles, déclamer des idées creuses sont autant de preuves désormais que l'on résonne en écho avec la modernité. Tout cela s'apparente, par un curieux raccourci à la Culture, celle qui s'étale à défaut de confiture.

Divertir c'est flatter les plus bas instincts, caresser le spectateur dans le sens d'un poil qu'il a surtout dans la main, celle qui tient la télécommande et s'évertue à ne jamais prendre le risque de devoir réfléchir. Au moindre mot trop savant, à la plus petite idée qui demande cogitation, le doigt chasse l'intrus pour faire place à la gaudriole, à la fantaisie, au sexe ou au sport.

Faire le vide dans les cerveaux est non seulement un principe mais une nécessité pour maintenir en place un système qui lui aussi fait le vide mais cette fois, sur la Planète. Pour que tout continue ainsi en roue libre, il convient de pousser toujours plus loin le bouchon, de toujours plus avilir et ridiculiser ceux qui ont la prétention d'élever, d'instruire ou d'émouvoir.

Seule la grosse farce a sa place. Les humoristes sont légion tandis que l'humour a été évacué de leurs numéros dérisoires, pathétiques, vulgaires à la plus affligeante vacuité. Faire rire à tout prix, sans lésiner sur les artifices, les bandes enregistrées, les mimiques et les propos graveleux est leur seul leitmotiv. La ceinture est devenue la ligne bleue des décervelés, ceux-là même qui ont pognon sur rue.

Le rire, le divertissement, la dérision sont devenus des sources de profit et non des moyens de fustiger le monde, de dénoncer, de caricaturer les puissants. Ceux-là, il convient de les flatter, de les honorer, de les servir tandis qu'il n'est rien de plus efficace que de ridiculiser les plus humbles, de se gausser des malheureux, de les traîner dans la boue se faisant passer pour les leurs.

Méfiez-vous de ces vedettes paysannes, de ces amuseurs triomphants qui se griment en pécores. Ont-ils une once de respect pour les sujets de leurs grimaces ? Montrent-ils la plus petite considération pour ceux qu'ils singent ainsi ? Ont-ils la moindre volonté d'améliorer le sort de ceux qui traînent dans la fange en les imitant à gros et vilains traits ? J'en doute.

Le succès n'est en rien garant d’honorabilité, bien au contraire. Il suppose désormais tellement de compromissions et de bassesses qu'il n'y a rien à attendre de ces humoristes qui remplissent des salles de rires gras et humiliants. La bille versée n'a rien de la billevesée, le jeune coq et les six grues ne doivent rien aux coquecigrues tandis le calembour d’aines ne peut en aucun cas relever de la calembredaine.

Quand les jeux de mots se déversent dans le tout à l'ego sans jamais avoir l'attention de dénoncer les véritables maux, quand le je prend la place du jeu et de la jonglerie lexicale, quand le moi ne cherche plus l'émoi mais simplement la lumière braquée sur lui, l'humour entre en bourse et passe son temps dans cette proximité pubienne. C'est aussi désolant qu'affligeant et plus encore si l'on considère la pauvreté du langage.

Il est vrai qu'il convient de se mettre au niveau du public visé. Pourtant, pour une édification qui n'a strictement rien à voir avec une érection, je tiens à leur rappeler aussi l'existence des fariboles, des fredaines, des sornettes, des calembredaines, des cocasseries, des niaiseries, des calinotades, des fadaises qu'il importe de manier avec adresse, nuance et subtilité.

Pardon, je vous en demande trop. Restez donc au ras des pâquerettes. À l'instar de nos braves laitières c'est là que vous faites votre beurre.

À contre-rire.

Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.


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6 réactions à cet article    


  • Brutus paparazzo 30 janvier 2023 14:33

    Autrement dit, l’humour, c’est pas de la rigolade.


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 janvier 2023 15:52

      @paparazzo

      Ne pas confondre humour et rigolade.
      L’humour vise l’esprit, la rigolade se contente des zygomatiques


    • juluch juluch 30 janvier 2023 14:37

      Rire de tout et de rien, rire à gorge déployée, Jean qui rit et Jean qui pleure, rire de se voir si belle dans son miroir.......

      Bergson ou êtes vous ??


      • C'est Nabum C’est Nabum 30 janvier 2023 15:52

        @juluch

        Belle référence


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 30 janvier 2023 15:19

        Quand l’humour devient triste à pleurer et le chant un désert de son sans blé. Le mieux est encore de claquer la porte sans pourtant se claquemurer. 

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