• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Mémoire d’un Trousseur de jupons

Mémoire d’un Trousseur de jupons

Une activité qui se dérobe

Le modernisme pousse les petits métiers à la rue. Phénomène de société ou bien évolution normale des mentalités, il s’agit simplement de constater sans déplorer. Nous sommes tous pris dans le cycle infernal d’un monde en permanente transformation, ce qui laisse hélas, sur le bord de la route, quelques individus qui n’ont pas su s’adapter. Il m’incombe de décrire ici la lente descente aux enfers de ceux qui se firent jadis « Trousseurs de Jupons ».

Il fut un temps pour eux où le labeur ne manquait pas. D’une part parce que la longueur des parures de leurs clientes les forçaient à de véritables prouesses. Les tissus étaient lourds, confectionnés dans les meilleures draperies du royaume. Ils ne s’exposaient pas alors au risque de l'allergie aux matières synthétiques. Puis la robe soulevée, il leur fallait encore mettre la main sous le panier afin de trousser le fameux jupon qui fit leur gloire. C’était un travail harassant qui les contraignait à ne point se disperser. Une cliente leur prenait un temps fou, surtout si elle était de la classe dominante. Quant aux dames du peuple, elles n’avaient guère le temps de se préoccuper de telles bagatelles.

Puis la mode se fit plus courte, progressivement, lentement. D’étape en étape, nos spécialistes virent leurs cadences s’accroître. Ils eurent surtout le plaisir de voir disparaître ce redoutable panier d’osier qui était un frein considérable à leur petit commerce. Le mollet se montra, il constitua la porte ouverte à leur geste qui dans un seul mouvement, soulevait drap et jupon. Ce fut l’époque bénie du métier même si la culotte bouffante constituait un risque non négligeable d’accident du travail.

Quand le genou apparut, nos petits artisans se réjouirent. Ils envisageaient d'industrialiser leur belle activité. Hélas, ce fut aussi le tournant décisif qui allait progressivement éradiquer le métier. Le jupon se faisait plus rare, le « panty » le suppléa. Qu’il fut lui aussi de dentelles charmantes ne changeait rien à l’entrave considérable qu’il devint. C’était le début de la fin.

La cuisse se libéra, les trousseurs espèrent un renouveau. Ils en furent pour leurs frais. D’une part parce qu’au travers de la libération des mœurs, la révolution sexuelle les prit largement au dépourvu tandis que le collant, en se substituant au merveilleux porte-jarretelles, les plaça devant une impasse.

Les trousseurs de jupons, devant la perte totale de leur activité, cherchèrent à se reconvertir. Des stages leur furent proposés par ce qui se nommait alors l’ANPE. Beaucoup se tournèrent vers le harcèlement. La femme était devenue une proie qu’il convenait de circonvenir. Ils se mirent à manier le propos graveleux, le coup de sifflet détestable, le regard déstabilisant et parfaitement déplacé. L’activité se répandit comme une traînée de poudre chez ceux qui justement pensaient que les femmes n’étaient que des traînées.

La situation devenant alarmante, les victimes se soulevèrent. Elles exigeaient des lois et des mesures, elles s’indignèrent, refusant de subir plus encore, ce qui était enfin devenu intolérable dans les esprits sains. Des mouvements d’opinions, des slogans se multiplièrent. Les Trousseurs de Jupons étaient désormais mis au ban de la société. On cessait de les considérer comme les ultimes représentants de pratiques ancestrales.

Voilà l’histoire sordide de ce travers qui mérite de disparaître à jamais. Il se peut que beaucoup ne goûtent pas à la forme employée pour pointer du doigt ce qui est parfaitement odieux. Je les prie de m’en excuser. Je choisis l’humour pour évoquer ce qu’on nomme des sujets de société même si parfois il faut faire preuve d’un parfait manque de goût.

 

Harcèlement leur.

Illustrations : Jean-Honoré Nicolas Fragonard

JPEG


Moyenne des avis sur cet article :  3.63/5   (8 votes)




Réagissez à l'article

8 réactions à cet article    


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 15:50

    Je cherche toujours le lien entre ANPE et troussage de jupon. Mais en ce qui me concerne, ce fut bien dans une ANPE (ALE belge) que je fis l’apprentissage plutôt stressant que troussant du harcèlement pervers. Une des employées, jeune, jolie et compétente (je m’excuse pour la laideur du mot que nous imposa le féminisme affranchi) subit le harcèlement de trois hommes. Ce qui fut loin d’un partie de plaisir. La dame harcelée la nuit de coups de téléphone menaçants, de filage en voiture. De mots douteux glissés sous le para-brise. Je me mêlai de l’affaire, sentant que la femme était simplement en danger de (j’ose le mot) : mort. C’était dans les années 90. Les hommes hélas de tenir entre eux ou se taisant. Les femmes de prendre en partie leur vengeance sur celle qui était plus avantagée qu’elle. Sale affaire. vous riez messieurs. Et pourtant :...Hitchkock se serait bien emparé du scénario. Et d’autres s’en sont emparés : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=183127.html


    • C'est Nabum C’est Nabum 26 décembre 2018 15:55

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      Cherchez mieux


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 16:01

      Le lien ne passant pas : il s’agit bien du film : Malveillance. Pour ne pas tomber dans le travers féministe, des hommes aussi peuvent être sous emprise perverse (un patron ou autre). Je conseille toujours dès qu’il sort de voir le film : Rêver sous le capitalisme. Attention : la vérité sous le voile d’une société exposée et transparente. 


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 16:09

        La question qui subsiste. Qui ou qu’est-ce a changé ? Est-ce juste une illusion ? Le nombre de pervers dans la société est en constante augmentation. POURQUOI. Marchandisation de l’humain,....

        Les gilets jaunes serait-ils moins pervers que ceux qui gouvernent car le diagnostic est le bon


        • Questions cruciales
        • Une perversion ordinaire. Jean-Pierre Lebrun. Les gilets jaunes seraient-ils moins pervers, car là est la véritable peste contre laquelle il n’existe aucun vaccin.




        • Sergio Sergio 21 décembre 2018 19:00

          La longueur du qualificatif est inversement proportionnelle à la longueur du vêtement, on aura alors : Dé-trousseur de jupe.


          • C'est Nabum C’est Nabum 26 décembre 2018 15:55

            @Sergio

            ça ne fait pas un pli


          • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 22 décembre 2018 13:05

            Excellent.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès


Derniers commentaires


Publicité