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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Se taper la cloche

Se taper la cloche

Pourvu qu’elle soit de bois !

Faut-il n’avoir rien dans la tête pour se lancer dans l’aventure de sonner les cloches à ceux qui manquent cruellement de vocabulaire. À l’heure du numérique, même leur remonter les pendules semble être une affaire trop complexe pour ceux qui sont élevés sous cloche, recherchant vainement l’énergie scolaire derrière un écran.

Le carillon peut bien résonner, il sera le seul à réaliser ce prodige. Ces gens-là me donnent le bourdon, eux qui se refusent à désigner la cloche, ce vagabond sublime, autrement que par trois lettres, repoussant la honte en se cachant derrière un sigle. C’est la grande tendance de cette époque, perte de repères, perte des valeurs tandis que le coq, tout au faîte de nos églises, attaque le sacristain en justice s’il ose déclencher le carillon à des heures qui quoique chrétiennes, ne sont plus du tout patelines.

Puisqu’il est désormais interdit au campanier de trop tirer sur la corde afin de ponctuer l’heure juste tout autant que le quart et la demie, se faire sonner les cloches est réservé aux subalternes qui ont le malheur d’avoir un chef qui joue les petits coqs. Tout naturellement quand le vent tourne, le chefaillon se met en branle, se refusant d’entendre un autre son de cloche que le sien.

Les querelles de clochers sont également de nature à faire vibrer la campagne surtout si elle est électorale. C’est d’ailleurs l’occasion idéale de voir un joli défilé de cloches, toutes plus fêlées les unes que les autres, au moment de l’annonce des résultats. Quel que soit leur résultat, les carillonneurs proclament leur satisfaction. Chacun tintinnabule, se réjouit, sonne les clarines et proclame le triomphe de la fée clochette. Le tocsin n’est de mise qu’à l’annonce d’une second tour qui imposera le redoutable « vote utile », celui qui ne veut entendre qu’un son de cloche.

Suis-je cloche pour croire encore que ce merveilleux instrument de percussion en airain a quelque chose à voir avec une expression pour laquelle il y a plus à boire qu’à manger ? Confondre le gosier avec le clocher, le noyer sous des flots de produits alcoolisés autorise sans doute cette métaphore qui se justifie pleinement le lendemain matin quand le cerveau bourdonne et que la gueule se fait de bois. Paradoxalement c’est quand on a le bourdon qu’on se lance ainsi dans ces excès déplorables qui vous mettent un temps de joyeux carillons dans la tête.

La cloche se fond dans le décor, comme si, en chocolat, elle aimerait à se dissoudre délicieusement dans les palais et les édifices. Elle s’autorise une fois l’an, un petit voyage, aimant tout particulièrement se rendre à l’île de Pâques ou bien à Trinité, voisine de Tobago. À son retour, elle marche sur des œufs, ce qui lui occasionne des ampoules afin d’éclairer son chemin, de lui permettre d’explorer des voies jusqu’alors impénétrables.

Tout ceci naturellement n’a ni queue ni tête, c’est le propre de cet alliage de bronze que seuls les bonzes savent couler avec dignité. Grelots et clochettes, autrefois prévenaient de la venue du lépreux, puis la vache et d’une manière générale, le bétail en fut affublé pour signaler ses déplacements. À l’école, elle annonçait le répit de la récréation tout autant que le soulagement de la fin des cours. La cloche devenant laïque, libérait les consciences ce qui n’avait pas l’heur de plaire à notre saintier bouddhique.

Les clarines et les sonnailles expliquent sans doute que les gros buveurs aiment à remplir une vache avant que d’aller battre la campagne et boire tout leur saoul un breuvage qui leur fera tourner la tête. Se taper la cloche est bien l’affaire des poivrots, il n’est plus à revenir là-dessus. Quant à moi, avec un tel écrit, il est préférable de tirer ma révérence, de déménager à la cloche de bois. Aucun raisonnement sérieux ne permettra de trouver excuse à ce tissu d’inepties.

Raymond la cloche, l’aboyeur de mon enfance, notre jovial garde champêtre d’alors proclamait les avis à la population en remuant sa cloche à une main, l’autre s’étant faite la malle durant la Grande Guerre. Hardiment, il tapait dans le même temps une autre cloche. Crier dans la rue lui donnait grand soif, nous ne pouvons lui en vouloir, lui que la nation avait largement imbibé pour les besoins de l’armée en ses jeunes années. Il méritait bien que sa mémoire fut honorée une fois encore. Sonnez carillons, raisonnez musettes, celle de Raymond était bien pleine …

Sonaillement sien.


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