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Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > Esprit d’équipe et jeu de ligne ?

Esprit d’équipe et jeu de ligne ?

 

Jouez groupés.

 

Le Rugby et ses valeurs ! Que n'ai-je entendu cette antienne à laquelle j'ai longtemps cru en m'impliquant pleinement dans cette aventure. J'y ai gagné des amitiés durables, des souvenirs impérissables et quelques faiblesses corporelles qui se sont imposées au fil du temps. Mais le jeu en valait la chandelle, du moins c'est ce que nous nous disons entre vieux crampons, autour d'un comptoir.

Nous ressassons alors interminablement les heures de gloire même si elles n'étaient pas les plus nombreuses comme les mauvais moments, les déceptions, les blessures et les défaites lourdes de conséquences. Nous ne manquons jamais de nous remémorer ces fêtes magnifiques, ces orgies de bière et de chants, ces folies inénarrables qui ont parsemé nos extravagances.

Il n'y avait ni à en être fier ni à en rougir. Il fallait bien alors que jeunesse se passe dans une saine et virile ambiance de confraternité, tous liés par l'amour du maillot, la fierté d'appartenir à cette vaste confrérie qui au-delà des querelles de clocher, nous liait avec ceux qui avaient été l'espace d'un match nos redoutables adversaires.

Une fois ôté l'habit du guerrier, nous nous retrouvions en une belle cérémonie païenne, un rituel gourmand, une liturgie codifiée qui nous entraînait fort tard dans ce qu'il est de coutume de nommer dans cet univers si particulier : « La troisième mi-temps ! ». Pour prouver que ce n'était pas qu'une légende, nous ne tardions jamais, une fois la douche prise et après avoir remis les habits du quotidien à entonner la première chanson, suivie de beaucoup d'autres ce qui nous donnait toujours grand soif.

Dans le car, il n'était pas rare, pour peu que la victoire fût de notre côté, de poursuivre la célébration dans une avalanche de rires et de propos qui n'étaient pas tous du meilleur goût. C'était ainsi et il n'y a pas à en rougir, nous ne faisions de mal à personne.

Je pensais naïvement que rien n'avait changé et que les plus jeunes avaient soigneusement empruntés nos traces. Même si sur le pré, il convient de leur accorder ce mérite, ils courent, plaquent, se font des passes avec plus de vigueur et d'adresse que nous en démontrions alors - les fioritures de la mémoire imposent de faire ce constat -, ils n'excellent pas dans la pratique des débordements d'après match.

Avec quelques anciens venus effectuer une cure de jouvence dans un club house nous avons assisté à un spectacle qui nous a laissé sans voix, de nature même à ne pas finir nos bières. C'est vous dire à quel point nous étions sous le choc d'un spectacle qui eut été inimaginable en notre époque. La chose est tellement incroyable que je ne sais si vous allez accorder le moindre crédit à mon témoignage. Au risque d'être traité de menteur, j'ose vous en faire part.

Une vingtaine de jeunes hommes, tous attablés comme il est de coutume après un match de Rugby, avec sur les tables quelques pichets de houblon pour ne pas déroger à la coutume et à la nécessaire récupération, étaient parfaitement silencieux. Pas un mot, pas une conversation ni encore moins un chant n'émanait de ce groupe.

Nous faisions tous part de notre interrogation quand de plus curieux s'approchèrent de cette équipe pour s'enquérir d'un comportement qui nous semblait pour le moins étrange voire totalement irréel. Ils avaient tous le buste plié, la tête penchée non pas sur leur assiette mais sur un curieux petit appareil qui focalisait leurs attentions.

Voulant connaître les raisons de cette messe silencieuse, nous poussâmes l'investigation jusqu'à épier ces petits écrans tout aussi diaboliques qu'envoûtants. Les uns conversaient avec de lointains correspondants, d'autres jouaient, certains écoutaient de la musique par oreillettes interposées. Ils étaient tous centrés sur la même activité et curieusement ils ne formaient plus un groupe, une équipe, une bande mais un triste conglomérat de solitudes pathétiques. Les valeurs du Rugby se fracassaient contre l’odieuse hégémonie du portable...


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12 réactions à cet article    


  • juluch juluch 4 avril 12:55

    A l’armée ça s’appelle un repas cohésion.....ça envoie du bois !!

    pour le reste ...no comment !!!


    • C'est Nabum C’est Nabum 4 avril 13:24

      @juluch

      Le bois s’est fendu


    • Seth 4 avril 12:59

      Zavez rien compris : ils étaient en train « d’échanger »... par SMS.

      Et le temps de taper leurs machins et de lire les ceusses des autres, ils n’avaient pas le temps de rigoler. Wala.


      • C'est Nabum C’est Nabum 4 avril 13:25

        @Seth

        Je crains que vous ayez raison
        Ils ne savent plus se parler


      • Étirév 4 avril 13:44

        La Solitude ou le goût irrésistible de la Liberté… si on ne joue pas au rugby.
        « Personne ne nous apprend à être seul. Au contraire, toute éducation, qu’elle soit dispensée par la famille ou à l’école, vise à ne jamais laisser l’enfant dans le silence, face à lui-même : on l’oblige à jouer avec ses camarades, à faire partie d’une équipe sportive, à embrasser les cousins éloignés et à parler avec les amis des parents, bref à « communiquer » et à « s’intégrer », ces deux poncifs tyranniques de la société contemporaine », nous rappelle Jacqueline Kelen dans son ouvrage « L’Esprit de Solitude ».
        Grâce à des techniques comme l’échographie, même le bébé dans le ventre de sa mère ne peut plus dormir tranquille ni croître en toute quiétude : il faut qu’on vienne le tracasser, l’observer sur un écran, faire joujou avec lui. Tout cela part d’un bon sentiment, mais on sait trop que les bons sentiments s’avèrent les plus possessifs et les plus envahissants.
        Lorsque l’enfant grandit, ses parents et ses professeurs s’inquiètent s’il demeure seul, s’il préfère la compagnie des livres, des arbres ou des animaux à celle des humains. De fait, on craint moins pour son équilibre que pour ce ferment social qui pousse en lui et secoue déjà les béquilles proposées et les charitables protections. Ce temps béni où l’enfant peut explorer son Jardin Intérieur, ses possibilités plus que ses limites, se trouve sapé par des adultes qui se sentent plus rassurés si l’enfant ou l’adolescent fait partie d’un groupe ou d’une bande. C’est ainsi que, très tôt, par une sorte de muette connivence passant de génération en génération, l’enfant est forcé de renoncer à l’Ouverture pour l’extériorité, d’abandonner sa Profondeur heureuse pour une superficialité plaisante.
        Dépossédé de lui-même, il devient nécessairement dépendant des autres. On appellera cela l’« esprit de famille », la « camaraderie », le « sens de la communauté ». De fait, ce sont tous ces dispositifs sociaux qui empêchent l’individus de demeurer seul, « en son particulier » comme on disait au XVIIème siècle, qui l’empêchent d’être autonome et de penser par lui-même.
        Ainsi dans le monde contemporain qui ne s’occupe que de masses et de générations, à moins d’être un solitaire forcené ou un ermite au fond d’une grotte perdue, l’être humain ne vit jamais avec soi. Tout est programmé pour égayer ou briser ses rares moments de silence et de solitude (le téléphone portable associé aux « réseaux sociaux » en est, depuis quelques années déjà, le « meilleur » outil). Lorsque cet homme affrontera des ruptures sentimentales, des deuils ou tout simplement s’il se retrouve au chômage ou à la retraite, il s’épouvantera et perdra pied : depuis qu’il est né, on l’a détourné de sa solitude ; on lui a fait croire que sans les autres il n’est rien, il ne sert à rien. Lui qui n’a jamais appris à compter sur lui, à se connaître et à se faire confiance, le voici démuni, apeuré. Sans les autres il n’existe pas, mais il se rend compte alors que « les autres » n’ont pas de visage, que la foule est une abstraction, et ce qu’on appelle avec emphase « l’humanité » terriblement dépourvue de chaleur humaine.
        Hantés par le spectre de l’exclusion et par l’obsession du travail, considéré comme seule raison de vivre, les hérauts du monde moderne mélangent allègrement solitude, isolement et sentiment de solitude pour en faire un ennemi unique qu’ils terrasseront par des moyens financiers et par l’assistance psychologique voire « médica-menteuse ». Or l’isolement est un fait d’ordre géographique, sociologique ou économique et peut être réparable ; le sentiment de solitude traverse l’existence de tout être qui pense et qui ressent et il touche le domaine affectif autant que le monde de l’âme ; quant à la solitude, elle ne représente pas une fatalité mais une Liberté.
        La Solitude s’avère le contraire de l’égocentrisme, du repliement sur soi et de la revendication pour sa petite personne. Le véritable Solitaire se passe de témoins, de courtisans et de disciples. Le Solitaire sait qu’il a beaucoup à apprendre alors que la plupart ne cherchent qu’à enseigner, à avoir des disciples. Il lit, écoute, réfléchit, mûrit ses pensées comme ses sentiments. En cet état, il pèse le moins possible sur autrui : il ne cherche pas, au moindre désagrément, une oreille où déverser ses plaintes, il ne rend pas l’autre responsable de ses faiblesses et de ses incompétences, il ne peut exercer sur personne un chantage affectif.
        La solitude, comme l’humilité, est bien une école de respect de l’autre et de maitrise de soi.
        Les êtres qui chérissent la solitude sont souvent considérés comme des misanthropes. Cependant, notons qu’il y a deux espèces de misanthropie. A côté de celui qui s’isole par haine des hommes qu’il croit supérieurs à lui, il y a celui qui s’isole dans la grandeur du génie, dans l’élévation de l’Esprit, celui qui se sent mal à l’aise dans une société indigne de lui et cherche la Solitude pour fuir le contact du vice ou de la bêtise humaine. Gardons-nous bien de confondre ces deux genres de misanthropie qui sont l’opposé l’un de l’autre.
        Lien


        • C'est Nabum C’est Nabum 4 avril 14:10

          @Étirév

          Je me sens moins seul


        • Seth 4 avril 14:58

          @C’est Nabum

          Tranquillisez vous : je vis dans le voisinage d’un stade de rujebi mais outre qu’il n’y a plus foule on n’y entend plus les clameurs d’autrefois...

          Sans doute les spectateurs sont-ils aussi sur leur smartphone.  smiley


        • C'est Nabum C’est Nabum 4 avril 17:01

          @Seth``

          Me voilà rassuré

          Personne plus ne déclare forfait


        • exocet exocet 5 avril 12:49

          @C’est Nabum
          Bonjour, Cenabum. Merci pour ce billet d’humeur, nous y apprenons des choses.
          .
          Peut être bientôt le smartphone autorisé sur la pelouse, pendant le match, qui sait ? smiley


        • C'est Nabum C’est Nabum 5 avril 13:03

          @exocet

          Je pense que déjà les oreillettes fonctionnent au Rugby avec les joueurs casqués


        • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 5 avril 13:23

          C’est pareil dans les cafés qui aujourd’hui sont sur les trottoirs : il n’est pas rare de voir plusieurs jeunes autour d’une même table, tous profondément absorbés dans la manipulation, la lecture ou l’écoute de leur doudou électronique personnel.

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