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Histoire géopolitique de la Coupe du Monde : Episode X - 1974, regrets éternels pour les Oranje

Pelé mais n'est plus là mais le double Ballon d'Or Johan Cruyff a pris sa place comme meilleur joueur du monde, dans une RFA hôte de la compétition deux ans après le traumatisme de Septembre Noir aux Jeux Olympiques de Munich (1972). Comme l'Ajax Amsterdam entre 1971 et 1973, les Oranje de Rinus Michels déferlent sur la compétition telle une marée implacable avec leur football total. Il faudra tout le sang-froid des coéquipiers de Franz Beckenbauer pour en venir à bout ... En coulisses, le tandem Horst Dassler / Joao Havelange s'apprête à changer la donne économique du football mondial.

En 1974, la RFA reçoit la neuvième Coupe du Monde dans une ambiance triste, avec un ciel gris qui rappelle les sinistres épisodes de l’inspecteur Derrick, dont la diffusion débutera en octobre de la même année. Heureusement, les couleurs sublimes du nouveau trophée, signé Silvio Gazzaniga, vont sauver ce Mondial. Lors de la cérémonie d’ouverture à Francfort, le roi Pelé ramène l’ancien trophée d’Abel Lafleur, la Victoire Ailée (35 centimètres d’argent plaqué or, poids 6.175 kg), tandis que l’Allemand Uwe Seeler, autre joueur à avoir marqué dans quatre Mondiaux de suite comme Pelé (de 1958 à 1970) présente le nouveau trophée de 36.8 centimètres, en or massif (18 carats, poids 6.175 kg) avec un socle vert en malachite. La ville de Munich, qui recevra la finale de ce dixième Mondial, est encore marquée au fer rouge par les attentats du groupe terroriste Septembre Noir aux Jeux Olympiques de 1972. A l’inverse de l’économie mondiale qui marque le pas et voit le choc pétrolier de 1973 sonner le glas des Trente Glorieuses, le football va prendre son essor, et la Coupe du Monde va être gavée comme une oie du Gers dont on extraira le foie gras. L’argent roi ne va pas tarder à couler à flot, faisant de certains grands clubs européens de futurs tonneaux des Danaïdes ... 1974, c’est la Coupe du Monde des cheveux longs et des pantalons en patte d’éléphant, symbolisés par le groupe suédois ABBA qui vient de gagner le concours de l’Eurovision avec son tube planétaire Waterloo. Deux ans après les Jeux Olympiques de Munich, l’Allemagne de l’Ouest est encore marquée par les attentats du groupe palestinien Septembre Noir, que le Mossad poursuivra dans toute l’Europe pendant des années, comme le montre le film Munich de Steven Spielberg (2006). L’U.R.S.S., elle, n’est pas présente de l’autre côté du mur de Berlin, ayant été disqualifiée lors d’un barrage contre le Chili de Pinochet. Le 21 novembre 1973, la sélection soviétique ne se présente pas à Santiago. La Fédération soviétique a alors accusé la FIFA de soutenir la répression chilienne et de ne pas se soucier de crimes bestiaux connus du monde entier. Le Chili est qualifié dans une ambiance surréaliste, dans ce stade Nacional où le poète Victor Jara et des milliers d’opposants ont été massacrés par la nouvelle dictature en place. Mais cela n’a a priori pas marqué les envoyés spéciaux de la FIFA à Santiago du Chili, en l’occurrence le docteur Helmut Käser et Abilio d’Almeida, vice-président de la FIFA et proche d’un certain Joao Havelange : Nous avons trouvé que le cours de la vie était normal, il y avait beaucoup de voitures et de piétons, les gens avaient l’air heureux et les magasins étaient ouverts. On nous a dit que contrairement à la période précédant le 11 septembre 1973, la nourriture et d’autres biens étaient disponibles. Membre emblématique de la sélection chilienne dans les années 70, Carlos Caszely sera expulsé contre la RFA, devenant le premier joueur à recevoir un carton rouge en phase finale de la Coupe du Monde. Mais ceci est bien le cadet de ses soucis … Carlos Caszely fut un des rares footballeurs d'envergure à s'opposer ouvertement à la dictature d’Augusto Pinochet, qui avait renversé le régime démocratique du président Salvador Allende le 11 septembre 1973. Lors du départ de la sélection chilienne pour la coupe du monde 1974, il refusa de saluer le général Pinochet. Ce geste fit le tour du monde, mais lorsque quelques jours plus tard, Caszely apprend que sa mère a été enlevée - il apprendra plus tard qu'elle allait être torturée par les militaires - il ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec l'affront qu'il a fait subir à Pinochet … Le général Augusto Pinochet est devenu dictateur depuis le 11 septembre 1973, quand le régime démocratique du président Salvador Allende a été balayé à Santiago par l’armée chilienne, avec l’aide de la C.I.A. et d’Henry Kissinger, le Secrétaire d’Etat de Richard Nixon. Ce dernier est contraint de quitter la Maison-Blanche après le scandale du Watergate. Mais les Etats-Unis ont réussi en 1973 un superbe coup politique en faisant rentrer la Grande-Bretagne dans la Communauté Economique Européenne. Le cheval de Troie américain, comme le craignait le général de Gaulle, a donc rejoint l’Europe politique, ainsi que le Danemark et l’Irlande, secoué en 1972 par le Bloody Sunday de Derry qui inspirera au groupe U2 l’un de ses hymnes sur l’album War (1983). 1972 a marqué un double affrontement sportif où Américains et Soviétiques se rendent coup pour coup : si l’Américain Bobby Fischer terrasse le Soviétique Boris Spassky en finale du championnat du monde d’échecs à Reykjavik en Islande, l’équipe de basket-ball soviétique domine sa rivale américaine pour la médaille d’or en finale du tournoi de basket des Jeux Olympiques de Munich. La chasse gardée de chaque camp est prise par le rival … Le véritable enjeu de cette Coupe du Monde n’est pas sportif mais économique. La formule à 16 équipes perdure mais en lieu et place des matches couperets, les quarts et demi-finales sont remplacés par une deuxième phase de poules. Cela permet aux sponsors de la FIFA, Adidas et Coca-Cola, de bénéficier de plus de matches, donc d’une exposition commerciale supérieure, même si Johan Cruyff joue avec un maillot orange à deux bandes, du fait de son contrat personnel avec Puma. Mais ce n’est qu’une simple pierre dans le jardin d’Adidas pour le Hollandais Volant dont le surnom est directement lié au Vaisseau Fantôme de Richard Wagner (Der Fliegende Höllander en V.O.). Adidas règne en maître sur la FIFA car sous l’égide d’Horst Dassler, le football va rentrer dans une autre dimension. Pantin manipulé par Dassler, le Brésilien Joao Havelange est élu le 13 juin 1974 président de la FIFA, face au sortant Stanley Rous, un Anglais qui n’avait pas compris la célèbre phrase de l’empereur Vespasien : L’argent n’a pas d’odeur. L’or non plus, et Havelange ne se privera pas de son passeport diplomatique pour régulièrement ramener dans une valise l’équivalent de 30 000 dollars entre Zurich et Rio de Janeiro. La petite valise en aluminium faisait le voyage entre la Suisse et le Brésil cinq fois par an, ramenant des lingots d’or achetés avec de l’argent d’origine inconnue, pour ne pas dire douteuse ... Défenseur des nations d’Asie et d’Afrique, officiellement anti-apartheid, l’ancien nageur (Jeux Olympiques 1936 à Berlin) et joueur de water-polo (Jeux Olympiques 1952 à Helsinki) est investi grâce à Horst Dassler dans un hôtel de Francfort. Quand Joao Havelange avait pris la décision de se présenter pour le poste de président de la FIFA - avec seulement l'Argentine réticente à officiellement soutenir sa candidature - il s'est rendu à Londres pour rencontrer Stanley Rous. Les deux hommes ont partagé un dîner et le Brésilien a dit au vieux Rous qu’il n'y aurait qu'un seul gagnant. Il a passé son bras autour de moi, comme un père le ferait avec son enfant, a rappelé Havelange quelques années plus tard. Je ne pense pas qu'il me croyait capable de le battre. La Coupe du Monde avait alors un caractère exclusif, garantissant à l'Europe de rester la force dominante du football mondial. De quoi susciter un fort ressentiment dans certaines parties du monde se sentant marginalisées, par la FIFA en général et par Stanley Rous en particulier. C’est notamment l’attitude conciliante de Rous envers l'Afrique du Sud - le fléau des fédérations sportives à travers le monde pendant la période de l'Apartheid - qui lui a causé les plus gros problèmes. Et qui a surtout fourni une arme puissante à Joao Havelange. La situation dans ce pays, où l'on interdisait à la majorité noire de jouer au football aux côtés de la classe dirigeante blanche, était hautement compliquée. Et Stanley Rous a eu manifestement du mal à y faire face. Il était surtout perçu comme déconnecté des réalités de la politique africaine. L’appartenance de l’Afrique du Sud à la FIFA était une patate chaude politique tout au long des années 1960. Mais Rous a multiplié les faveurs envers ce pays. Suspendue en 1961 en raison de l'apartheid, la South African Football Association (SAFA) a ainsi été réadmise deux ans plus tard, après une enquête de la FIFA menée par Rous et sur la promesse de la SAFA d’ouvrir son football à tous. Une décision loin d’être populaire sur le reste du continent, et notamment au sein d’une nouvelle Confédération africaine de football (CAF) déjà très remontée après avoir appris que les pays d'Afrique et d'Asie-Océanie n’auraient qu’une place à la Coupe du Monde de 1966. De quoi accentuer le malaise entre l'Afrique et une association considérée comme colonialiste et pro-européenne. Une lettre rédigée en 1963 par le secrétaire général de la FIFA, Helmut Käser, accusant la CAF de suivre une ligne politique avec un germe de despotisme et de dictature, n'a guère arrangé les choses. Le monde du football avait le sentiment de vivre dans un projet européen et que la FIFA n’opérait que dans l'intérêt des nations européennes, explique Paul Darby, auteur d’un livre référence sur Stanley Rous. Il y avait effectivement le désir de s'assurer que cela reste le cas. Chaque fois que des nations africaines ont cherché à passer par la FIFA pour accentuer leur présence sur la scène internationale, elles ont rencontré une résistance. Une quinzaine de pays d’Afrique avaient alors estimé que le seul moyen de pression sur la FIFA était de boycotter une Coupe du Monde. Cette intention a été exprimée lors du Congrès à Tokyo en octobre 1964 et menée à la lettre par les membres désabusés de la CAF. Stanley Rous n’avait pas non plus échappé à des critiques en Europe. Ainsi, dans le rapport technique établi après la Coupe du Monde 1966, l'entraîneur italien Alfredo Foni écrivait : La Coupe Jules Rimet n'aura atteint son but que lorsque les cinq continents seront représentés, le football étant probablement le plus universel de tous les sports. A l’aube de l’année 1974, Joao Havelange occupait clairement le devant de la scène. Contrairement à son adversaire, sa campagne électorale se déroulait à vitesse grand V. Si bien qu’avant le Congrès de la FIFA de juin, il avait visité 80 pays, promettant aux Fédérations des investissements dans les stades, l'amélioration des infrastructures et surtout une plus grande représentation à l'événement phare du football mondial. La quête d'un nouveau pouvoir de la part d'un challenger ambitieux, qui a multiplié les promesses dans de nombreux pays afin d’obtenir le soutien nécessaire pour renverser l'establishment, écrit le journaliste Geoffrey Green dans The Times. Bref, c'est l'Europe contre le reste du monde. A l'approche du vote en Allemagne de l'Ouest, les rumeurs d'une possible scission entre le Nord et le Sud, au sein de la gouvernance du football, étaient fortes. Mais dans les couloirs de la puissante Football Association, on s’inquiétait encore davantage d’une victoire de Joao Havelange, potentiellement synonyme d’une baisse de l’influence du football britannique à la table des négociations mondiales. À Paris, pendant l'été 1972, la Fédération uruguayenne avait déjà présenté - en vain - une proposition visant à modifier le statut des "Home Nations" (Angleterre, Ecosse, Irlande du Nord et pays de Galles). Avec l’objectif d’obtenir l’unification du quatuor et de voir ainsi les quatre sièges traditionnellement occupés par ces pays réduits à un seul. La proposition la plus explosive du Congrès depuis de nombreuses années, a rapporté Reuters à l’époque. Les quatre pays britanniques étaient prêts à quitter la FIFA, avec probablement d'autres pays à leurs côtés, si un vote allait à leur encontre. Confronté à ce flux de mauvaises nouvelles, Stanley Rous a prononcé un discours à Edimbourg face aux membres de l'UEFA, trois semaines avant le scrutin décisif. Lançant un appel sans équivoque à ses alliés européens. Votez pour moi parce que cette élection, c'est l'Europe contre l'Amérique du Sud. Et nous voulons que l'Europe conserve le leadership du football. Si je suis élu pour un nouveau mandat, vous devrez immédiatement chercher un successeur européen afin que ce leadership soit maintenu. Un discours offensif pour certains. Un dernier coup de dés désespéré pour beaucoup d’autres. Puis les résultats furent annoncés en ce 13 juin 1974 : 68 voix pour Havelange, 52 pour Rous. C’était plus qu'il n'en fallait pour détrôner un homme pourtant considéré comme intouchable par la presse britannique, la FA et l'UEFA. Mais pour la première fois depuis la création de la FIFA à Paris en 1904, le pouvoir central quittait l'Europe. Bien des années plus tard, le Daily Express révéla que Joao Havelange avait financé le voyage d’une trentaine de délégués représentant entre huit et dix nations africaines. C'était, a écrit le journal, une façon parfaitement légitime de s'assurer qu'il obtiendrait les votes dont il avait besoin. L’Europe, elle, voit de ses deux dictateurs tomber en cette année 1974 : l’Estado Novo est renversé au Portugal le 25 avril par la Révolution des Œillets, tandis que le régime des colonels est renversé en Grèce. Mais il reste encore bien des dictatures, notamment celle du maréchal Mobutu en Afrique. Ce dernier offrira à Kinshasa le fameux combat Ali / Foreman, the Rumble of Jungle, après que l’équipe nationale ait été ridiculisée 9-0 par la Yougoslavie à Gelsenkirchen. Le match évènement du premier tour reste l’affrontement des deux Allemagne, RDA contre RFA : attitudes étriquées pour les Ossis à l’Est, manières décontractées et cheveux longs pour les Wessis à l’Ouest. Jürgen Grabowski (RFA) se souvient : C’était très curieux. Nous parlions la même langue, eux savaient beaucoup de choses sur nous et nous pratiquement rien sur eux. Ici et là régnait une certaine gêne. Et surprise, c’est l’Allemagne fédérale, bien que championne d’Europe en 1972, qui s’incline face à son voisin de l’Est ! Côté ouest allemand, la belle entente scellée en 1972 entre le clan du Bayern Munich et celui de Mönchengladbach, à l’occasion de l’Euro en Belgique, a volé en éclats. Passé entre temps au Real Madrid, considéré par beaucoup comme un traître à la cause nationale, le virtuose Gunter Netzer est exclu de ce Mondial à domicile au profit du quatuor bavarois Maier / Beckenbauer / Breitner / Müller, même si Berti Vogts représente encore Gladbach en Mannschaft. Entre les deux clans, Wolfgang Overath (FC Cologne) et Jürgen Grabowski (Einthracht Francfort) jouent les modérateurs, ce dernier se souvenant du rôle joué par le sélectionneur de la RFA : Même si la presse a beaucoup exagéré le phénomène, il existait bel et bien des jalousies. Heureusement, Helmut Schön, notre entraîneur, a trouvé les mots pour éteindre l’incendie. Ces Allemands de l’Ouest voient donc plus loin que leurs querelles intestines, tandis qu’un ouragan détruit tout ou presque sur son passage, les Oranje néerlandais de Johan Cruyff. Jamais, depuis Di Stefano, un joueur jouant en Europe n’avait à ce point été nourri par les fées du destin au nectar et à l’ambroisie. Vitesse, technique, charisme, anticipation, sens du but, le numéro 14 qui parviendra à obtenir deux bandes sur son maillot (du fait de son contrat avec Puma et non Adidas, équipementier des Oranje). Le bulldozer néerlandais est sans pitié au deuxième tour pour les deux géants venus d’Amérique du Sud : Argentine atomisée 4-0, Brésil laminé 2-0 … En finale, les Pays-Bas de Cruyff, fils d’un épicier d’Amsterdam, retrouvent la RFA de Franz Beckenbauer, rejeton d’un facteur de Munich, une Mannschaft qui s’est sortie d’un deuxième tour compliqué face à la Pologne, à la Yougoslavie et la Suède. L’équipe nationale allemande entraînée par Helmut Schön a pour ossature les joueurs du Bayern Munich, champion d’Europe des clubs deux mois plus tôt à Bruxelles. Mais Sepp Maier et consorts n’ont pas oublié la terrible soirée du 7 mars 1973 à Amsterdam. En quart de finale aller de la Coupe des Champions, l’Ajax avait éparpillé le Bayern façon puzzle ce jour là : 4-0. Dans la Venise du Nord, le club bavarois n’avait pas existé, et Maier en avait jeté son équipement de rage dans les canaux d’Amsterdam. Le football total imaginé dans Soccer Revolution par Willy Meisl (frère d’Hugo, l’architecte du Wunderteam autrichien) va vivre son acmé en ce dimanche 7 juillet 1974. Mais la soirée du 30 juin 1974 à Munster, après la victoire hollandaise contre la RDA, vire à l’orgie. Cruyff et quelques autres s’arrosent un peu trop au whisky et au champagne dans une piscine de l’hôtel Krautkrämer en compagnie de belles jeunes femmes. L’histoire parvient jusqu’à Danni, l’épouse du double Ballon d’Or, métronome d’un Barça retrouvé et champion d’Espagne. Quelques jours avant d’écraser le Real Madrid 5-0 à Santiago Bernabeu, Cruyff a même prénommé son fils Jordi, prénom catalan interdit par le régime de Franco … Johan Cruyff aurait passé la nuit au téléphone avec son épouse, mais il démentira plus tard dans ses Mémoires : sa femme était injoignable, séjournant en Principauté d’Andorre, dans leur résidence secondaire de montagne dépourvue de liaison téléphonique. Un autre artiste oranje, Robbie Rensenbrink, est en proie à une blessure. Le matin de la finale, le test médical est négatif pour le virtuose d’Anderlecht. Mais son équipementier prévoit de lui verser une grosse prime s’il joue la finale en Bavière. Alors Rensenbrink insiste, et Rinus Michels cède au chantage … Quand le bus néerlandais arrive en direction de la toile d’araignée du stade olympique de Munich, la chanson de David Bowie Sorrow sert de bande originale aux Oranje. Tristesse, oui, car après le penalty transformé par Johan Neeskens à la première minute, les Pays-Bas semblent chloroformés, victimes de catalepsie mais surtout de leur péché d’orgueil, trop certains de leur victoire : or il leur aurait fallu se souvenir de cet adage de Benjamin Franklin : Les seules choses certaines en ce monde sont la naissance, la mort et les impôts. En sport, la certitude n’existe pas, et les Oranje vont le comprendre de façon cruelle en ce 7 juillet 1974 … Paul Breitner égalise sur penalty avant que Der Bomber, le légendaire Gerd Müller n’offre la Coupe du Monde à la RFA. Mais certains joueurs, dont Wim Van Hanegem, ne sont pas lucides, faisant de ce match une revanche sur le destin, la star du Feyenoord Rotterdam ayant perdu son père, sa sœur et deux frères par la faute des nazis. Le père de Ruud Krol avait lui caché treize juifs dans une maison d’Amsterdam pendant la Seconde Guerre Mondiale. Vingt ans après le miracle de Berne contre la Hongrie de Puskas, l’Allemagne de l’Ouest fait tomber un autre favori, la Hollande de Cruyff et ses oranges mécaniques. Beckenbauer peut soulever le nouveau trophée signé du sculpteur italien Silvio Gazzaniga dans le ciel gris de Munich. Johan Cruyff avait pourtant ciblé l’inégalable science du but de Gerd Müller, l’attaquant qui accumule les titres de Soulier d’Or Européen et de meilleur buteur de la Bundesliga : Müller a quelque chose que les autres n’ont pas. Sa manière de marquer, jamais à plus de 11 mètres, est incroyable. Il n’est pas grand, pourtant toutes les balles aériennes, il les attrape. Il est fantastique. Il ne faut pas le quitter des yeux une seule seconde. Formé à la pouponnière de l’Ajax, Cruyff va devenir le héraut du football total, se rendant également célèbre par ses provocations ainsi que ses aphorismes dignes de Confucius. S’il combat Franco politiquement en faisant nommer son fils Jordi (une première sous l’Espagne du Caudillo), Cruyff alias Money Wolf devient aussi l’emblème de ces footballeurs des années 70 qui feront tourner le tiroir-caisse comme l’introduction du Money de Pink Floyd : voitures de luxe, blousons de cuir, meubles en noyer, chaînes ou médailles en or sur poitrail dénudé façon Mister T, vacances ensoleillées dans l’Europe des VIP à Ibiza, Portofino, Saint-Tropez ou Monte-Carlo …


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1 réactions à cet article    


  • Axel_Borg Axel_Borg 9 janvier 2019 09:13

    Le plus beau duel de l’Histoire de la Coupe du Monde : Cruyff versus Beckenbauer, faute d’avoir vu CR7 et Messi en découdre entre 2010 et 2018 en Afrique du Sud, au Brésil ou en Russie ...

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