Le règlementent, c’est le règlement…

Faute de prendre la balle au bond.

Notre société se complaît dans l'accumulation de règles et de paperasses, parfois dans des proportions qui confinent à l'absurdité et la déraison. Pour des demandes au demeurant toutes simples, il y a parfois une liste longue comme le bras de papiers à fournir et de données à renseigner. Si pour nombre d'entre-nous, ceci ne prend qu’un peu de temps, provoque quelques agacements et impose parfois des démarches administratives, il en va hélas différemment dans d'autres cas.

J'aimerais vous narrer le chemin de croix d'un jeune ukrainien qui a fui la guerre, la peur, et une vie de misère, pour venir en compagnie de sa mère, se réfugier en bord de Loire. Le garçon arrive à l'âge de six ans dans un petit village paisible. C'est le moins que l'on puisse offrir à ce gamin qui n'a pas beaucoup de nouvelles d'un père qui se bat sur la ligne de front.

Nous le nommerons Kuzma : forme dérivée de Kosmo qui comme chacun sait désigne l'Univers. Il signifie tout naturellement « Harmonie » et c'est ce à quoi chacun aspire sur cette vallée de larmes. Pour lui, rien ne lui ferait plus plaisir que de s'adonner à son sport préféré : le football, dans le petit club dont l'ami qui m'a confié ce récit est le secrétaire opiniâtre et dévoué.

Le dirigeant s'est ainsi lancé dans l'aventure de réunir tous les papiers nécessaires qu'une fédération sportive qui brille par sa gouvernance, exige pour l'obtention d'une licence : Sésame indispensable à la pratique de ce sport. Imaginez donc la difficulté d'obtenir un certificat de naissance dans un pays en guerre, ajoutez alors l'obligation de présenter une attestation parentale des deux parents.

Si pour la mère, la demande est relativement simple, comment se rendre sur le front pour une démarche de si peu de conséquence au regard de la situation en Ukraine ? Pourtant la Fédération campe plus facilement sur ses positions qu'elle n'a pas de chars russes en face d'elle. Il en va de même pour des informations de moindre importance qui constituent un véritable casse-tête pour ce brave secrétaire qui finit par envoyer un dossier incomplet en justifiant d'un contexte particulier.

Après une longue attente, ne voyant toujours rien venir du district, notre bénévole s'enquiert de la raison de ce silence. Il reçoit alors une réponse qui le laisse pantois ; il lui faut traduire en français, anglais ou espagnol les documents administratifs venus d'Ukraine. Rien n'est plus facile dans une petite commune rurale à la lisière de la forêt d'Orléans.

Sentant venir le coup de sang, notre ami prend le téléphone pour joindre les services administratifs de cette instance sportive, beaucoup moins regardante quand il s'agit de licencier de jeunes joueurs prometteurs venus d'Afrique ou d'ailleurs pour intégrer des centres de formation sans même la moindre garantie sur leur âge réel. Mais notre petit Kuzma n'a pas encore démontré des promesses pouvant attirer les convoitises des maquignons du football.

Il s'entend répondre que le règlement c'est le règlement, ce que chacun peut constater un peu plus chaque semaine quand on observe les soubresauts et les coups de sang de cette Fédération dans son rapport à la règle et à ceux chargés de la faire appliquer. Cela fait plus de cinq mois et le gamin ne peut taper dans un ballon avec ses nouveaux amis ; on croit rêver.

Dans la même ligue, près de 600 enfants qui ont obtenu leur licence après l'avoir payé pour pratiquer leur sport favori sont désormais interdits de toute compétition et qui sait de pratique sous prétexte que l'équipe Senior est en dépôt de bilan (Le club de Tours). La honte et l'éthique n'étouffent pas les gens qui prennent de telles décisions.

Que faire ? J'espère que très vite désormais Kuzma puisse recevoir sa licence tandis que les responsables de cette mascarade s'étoufferont lors d'une réception pour VIP. Je publierai alors un avis de décès en Українська азбука : Oukraïns'ka azbouka ou абетка, abetka), alphabet qui est une variante du cyrillique créée à la fin du premier millénaire.