Ribéry, le passe-muraille
Pour le dernier match de préparation au Mondial, le pays des droits de l’homme affrontait à Saint-Etienne l’Empire du milieu. Le dernier match en France de Zinédine Zidane, le dernier de la saison pour Djibril Cissé, et un triomphe de plus pour Ribéry.
« Ah que c’est bon d’être à Geoffroy Guichard ! »
La phrase est de Thierry Gilardi, qui, épaulé par Jean-Michel Larqué et Luis Fernandez, commentait le match hier soir sur TF1. La présence de Luis dans l’affaire était là pour situer l’importance du match, ultime tournant avant de décoller pour l’Allemagne. A TF1, on sait mettre les petits (pieds) plats dans les grands.
« Ah que c’est bon d’être à Geoffroy Guichard ! »
Le stade des verts, transpirant la « culture foot » jusque dans le moindre brin d’herbe. Mieux que l’enceinte spectaculaire et froide du SDF de Saint-Denis où des importuns s’avisent même les soirs de grand vent de siffler les divas pas divines.
« Ah que c’est bon d’être à Geoffroy Guichard ! »
Allez, cher Thierry, dire ça sur son lit d’hôpital à Djibril Cissé, cisaillé à la dixième minute par un balayage même pas agressif d’un défenseur chinois. Cissé qui se tord de douleur, sur les images c’est net qu’il souffre, on craint le pire. Le pire c’est une fracture. Pendant de longues minutes, l’attaquant de Liverpool restera sur le bord de la touche, le temps d’envelopper sa jambe blessée, avant de l’évacuer. Même pas commencée, la Coupe du monde venait de se terminer pour celui qu’on annonce à nouveau à l’OM, la saison prochaine.
Un incident de jeu comme il en arrive tous les week-end, mais qui, dans un contexte pareil, prend des allures de catastrophe. Pourtant, avec tout le respect qu’on doit au Djib, force est d’admettre qu’une blessure équivalente d’Henry eût été bien plus dommageable pour les Bleus.
Quoi qu’il en soit, Geoffroy Guichard, du coup, devient plus calme. Le chaudron refroidit d’un coup d’un seul, et ce n’est pas le penalty lamentablement raté par Zidane qui changera la donne.
Le numéro 10 des Bleus est crocheté dans la surface, l’arbitre siffle penalty. Zizou choisit de le tirer. Un des adages du foot veut que le joueur qui provoque le penalty, celui sur lequel la faute est commise, ne tire pas la sanction. Mais Zidane passe outre ce conseil, cette coutume, prend son élan, s’élance, glisse et envoie la balle au dessus.
Comme l’aurait dit Roland, l’autre Thierry : « Ca se complique. »
Mais le match n’étant qu’amical et l’opposition gentille, ces mauvais évènements n’ont pas raison de la rencontre.
Dans un mouvement Zidane-Henry-Trezeget, ce dernier, entré en remplacement de Cissé, pousse la balle au fond, dans ce pur style sans panache qui a fait sa réputation, et sa grandeur.
Un but d’avance pour la mi-temps, ce n’est pas si mal. Pour le reste, rien de nouveau par rapport aux oppositions mexicaines ou danoises : toujours une paire de Lyonnais au-dessus du lot (Abidal-Malouda), toujours un Zidane en forme moyenne (10 sur 20), toujours rien à faire pour la défense, sauf un arrêt énorme de Barthez à la dernière seconde.
« Ah que c’est bon d’être à Geoffroy Guichard ! »
La mi-temps passe, le commissaire Moulin nous raconte qu’il va falloir qu’il réagisse. Les Bleus, eux, reprennent la rencontre sans doute pétris de bonnes intentions, mais ça ne passe pas. On commence à s’ennuyer un peu, le public réclame Ribéry, et Abidal se trompe de tacle dans la zone de vérité.
Penalty pour la Chine. Barthez pris à contre-pied. Un but partout. Ca fait un poil désordre, même si bon, c’est surtout mardi qu’il faudra en marquer un de plus que l’adversaire.
Et puis,
Ribéry.
Réclamé par la foule en délire, la gueule cassée du Vélodrome fait son entrée sur la pelouse pour les quinze dernières minutes. Et comme d’habitude quand il entre en jeu, le meilleur joueur français de ces cinq dernières années met totalement le feu à la pelouse.
L’herbe, soudain, paraît s’effacer sous le ballon qui retrouve des ailes. A gauche, dans l’axe, au centre, il est partout, Ribéry, percutant, dribblant, décisif ou pas loin sur une paire de centres ou une demi-volée monumentale qui échappe de peu au but.
Franck la tornade est sur le terrain et ça se voit. Les joueurs au maillot rouge, plutôt à l’aise jusqu’ici pour contrer les dribbles lents et longs de « Zizou » et ses passements de jambes qui ne passent plus, se retrouvent soudain désemparés, la bise Ribéry venue. Ils ne savent plus trop à quel timonier se vouer pour arrêter l’esthète à la tronche en biais.
Ca part dans tous les sens, mais surtout dans le bon. Et d’un coup on oublie que Zidane joue, on se souvient juste qu’il a 34 ans, et qu’il transpire.
Henry, Wiltord, (fraîchement rentré) parviennent, eux, à suivre le rythme fou de leur camarade de jeu.
C’est ça d’ailleurs, la force de Ribéry : avec lui, un match redevient un jeu. N’importe quel match, mais pas n’importe quel jeu. Du haut de gamme. Du jeu comme on en rêve, sexy en diable, enivrant, euphorisant. Bandant.
Alors, même pour un match amical contre la Chine, on se lève du canapé pour un but contre son camp, et pour une dernière banderille d’Henry dans le but vide. On applaudit. On scanderait presque ce nom magique, comme une incantation, qui, jusqu’ici, marche à tous les coups : « Ribéry ! Ribéry ! "
Du mistral plein les pieds et l’horizon pour seul objectif, l’horizon étoilé de ceux qui méritent de tout gagner, et les plus gros titres, et les plus belles récompenses. Frank Ribéry, le foot comme on l’aime. Comme on l’OM.
Depuis l’espace, il paraît qu’on peut voir la Grande Muraille. Depuis la Grande Muraille, certains ont dû apercevoir, ce soir, Franck Ribéry.
Alors, oui, pour ces 15 minutes de pied total comme le football de Cruyff : « Qu’est-ce que c’était bon d’être à Geoffroy Guichard ! »
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