Balades en Bretagne : Arzon, entre océan et « petite mer »
Située tout au bout de la péninsule de Rhuys, la commune d’Arzon est elle-même une étonnante presqu’île : reliée à sa voisine de Saint-Gildas par un isthme de 1,3 km, elle offre à ses visiteurs environ 26 km de côtes baignant au nord dans le Golfe du Morbihan, et au sud dans l’océan Atlantique. Elle offre également, entre Mor bihan et Mor braz – la petite mer et la grande –, le spectacle somptueux de flux et de reflux parmi les plus spectaculaires d’Europe...
La balade du jour, que l’on pourrait appeler le « circuit des 7 pointes », mesure environ 17 km de longueur. Point de départ : Arzon, où l’on peut facilement garer sa voiture, même au cœur de l’été. Jadis appelé Locmaria, ce bourg tranquille est dénué de charme particulier. Inutile donc de s’y attarder. Direction le village de Kerners (prononcer Kernère) où l’on peut admirer de vieilles habitations, groupées autour d’une chapelle curieusement dédiée à deux saints : Sauveur et Nicolas. Là se situait autrefois le chef-lieu de la paroisse d’Arzon, Locmaria n’étant alors qu’un hameau bâti autour d‘un modeste prieuré. Plusieurs des maisons anciennes de Kerners datent des 17e et 18e siècles.
Par la Grande rue, puis la rue de Kerantallec, on rejoint ensuite le golfe du Morbihan à la digue de Pen Castel. Le site est particulièrement charmant, notamment à marée haute, avec son moulin à marée à cheval sur la digue qui sépare le golfe de l’étang de Pen Castel. Le moulin, dont les structures d’origine datent du 12e siècle, a été victime, dans les années 20, de l’émergence des grandes minoteries. Transformé en restaurant après la guerre, puis en discothèque, le moulin de Pen Castel a été restauré il y a quelques années et reconverti en lieu d’exposition ouvert au public. Outre les œuvres présentées par les artistes, on peut y voir des panneaux racontant l’histoire très ancienne de cet édifice. Dommage que les roues, meules et autres mécanismes aient disparu !
Et maintenant, direction la pointe de Saint-Nicolas. Pour s’y rendre, il suffit d’emprunter le sentier côtier qui remonte le long de l’anse à l’ouest de la digue. Chemin faisant à l’ombre des grands cyprès, on peut observer à marée basse les parcs à huîtres de la pointe du Béché sur la rive opposée de l’anse de Pen Castel. Parvenu à la pointe de Saint-Nicolas, vue superbe sur les hauteurs boisées de la pointe de Nioul. Située à l’extrémité sud de l’Île-aux-Moines, celle-ci n’est distante que d’environ 500 m.
Cap au sud-ouest pour rejoindre le fond de l’anse de Kerners puis remonter au nord le long de celle-ci en direction de la cale du Bilouris. On trouve là, en saison, un camping avec une buvette et un embarcadère pour Port-Navalo et l’Île-aux-Moines. Délaissant le lieu et sa vue, avec l’Île-aux-Moines en toile de fond, sur les bateaux de plaisance qui mouillent dans l’anse en voisinant avec d’autres parcs à huîtres, on reprend le sentier côtier. Après avoir passé la pointe de Kerners, longé l’île privée de Hent Tenn, puis contourné une nouvelle anse, on parvient à la pointe de la Palisse. On y découvre une très belle vue sur l’île de la Jument, l’extrémité sud de l’île Berder et les maisons blanches de Larmor-Baden, à 3,5 km au nord. Un peu plus à l’ouest, deux autres îles, l’une cachant partiellement l’autre, peuvent être observées : Er Lannic et Gavrinis que l’on découvrira encore mieux un peu plus loin dans la balade.
Direction maintenant la pointe de Pembert. Il faut pour cela descendre vers le sud jusqu’à Bernon puis, après avoir fait un détour dans le hameau pour éviter le fond marécageux de l’anse, remonter vers cette nouvelle pointe. On y découvre, vers le nord-ouest, la partie sud de l’île Longue. Mais c’est surtout de cette pointe de Pembert que l’on observe le mieux les îles de Gavrinis et d’Er Lannic. Cette dernière ne bénéficie pas d’une grande notoriété, malgré la présence remarquable d’un cromlec’h comportant 49 menhirs dont 33 sont submergés à marée haute, témoins irréfutables de la montée des eaux depuis le Néolithique. Gavrinis est en revanche connue dans le monde entier pour son formidable cairn vieux de 3500 ans. Il ne manque pourtant pas d’autres tumulus remarquables dans la région, mais aucun ne dispose, dans sa chambre funéraire, des extraordinaires motifs gravés dans la roche que l’on peut admirer dans ce haut-lieu de l’archéologie. Accessible en bateau depuis Larmor-Baden, Gavrinis est incontestablement un passage obligé pour tout visiteur venu découvrir le golfe du Morbihan.
Après avoir contourné une nouvelle anse au fond de laquelle s’étale paresseusement la plage des Fontaines, on parvient par le sentier côtier à la pointe de Motenno, séparée par moins de 500 m du sud de l’île Longue. C’est à cette proximité que cette pointe doit son principal intérêt : le prodigieux spectacle de la mer qui, avec une formidable énergie, s’engouffre à vue d’œil dans le golfe au flot (marée montante) ou s’en extrait au jusant (marée descendante). Vers l’ouest, très jolie vue sur Locmariaquer, de l’autre côté du golfe du Morbihan.
Le sentier côtier descend ensuite vers Le Motenno, quitte le rivage un moment pour contourner quelques maisons avant de rejoindre la paisible plage de Treno. Au bout de celle-ci : la pointe de Bilgroix. Une jolie pelouse, dominée par une croix de pierre et dotée d’une table d’orientation, incite à une pause prolongée en ce lieu où, plus encore qu’à la pointe de Motenno, l’on peut jouir du spectacle de la mer en mouvement. Un spectacle impressionnant aux plus forts moments du flux et du reflux ! Au-delà des remous et des courants, c’est en toile de fond la ria du Loc’h, plus connue sous le nom de rivière d’Auray, qui s’enfonce dans les terres, délimitée à l’est par les îles du golfe et à l’ouest par la péninsule de Locmariaquer.
Moins de 500 m après la pointe de Bilgroix, le sentier cède la place à une petite route qui mène au sud à la petite plage de Port Lenn. À deux pas de là, ne pas manquer d’aller déguster une bolée de cidre à l’excellente et surprenante crêperie Ar Sorserez où l’on peut admirer des dizaines de sorcières, bien évidemment pourvues de l’indispensable balai. Construite en bordure de la grève, la route longe ensuite les maisons anciennes de Port-Navalo puis s’éloigne un court moment de la rive avant de rejoindre l’embarcadère où l’on peut embarquer pour Locmariaquer, l’Île-aux-Moines, l’ile d’Arz et Vannes.
Comme on peut l’imaginer, les courants de marée sont, à la pointe de Port-Navalo, particulièrement violents. Et pour cause : nous sommes là aux bouches du golfe dont les portes sont, au sud, Port-Navalo et, au nord, la pointe de Kerpenhir dont on distingue, de l’autre côté de la passe, la plage et les pins en arrière des vestiges d’une ancienne batterie côtière. Outre la mer, le spectacle quotidien du lieu est l’observation, en été, des plaisanciers qui, ayant présumé de la puissance du moteur de leur bateau, luttent de longues minutes – parfois jusqu’à une demi-heure ! – pour pénétrer dans le golfe au jusant ou en sortir au plus fort du flot. Bien qu’habitués à ce spectacle, les habitants du village s’en réjouissent toujours autant, un sourire ironique aux lèvres.
Après un regard sur le phare, dont les feux portent à quinze milles marins, direction la plage de Port-Navalo, non sans observer, à quelques kilomètres en mer, Hoëdic, Houat et Belle-Île. La plage contournée, on arrive rapidement à un cimetière marin original et émouvant. Clos d’un mur de pierre, il ne comporte en effet, à l’ombre de fusains torturés par le vent, qu’une tombe unique : celle du « Petit mousse », un jeune marin anonyme rejeté par la mer le 2 octobre 1859. Intransportable, le corps fut inhumé sur place. Depuis des années, il est, à l’initiative de la mairie d’Arzon, salué par ces vers de Victor Hugo extraits des Châtiments :
« Cette nuit, il pleuvait, la marée était haute,
Un brouillard lourd et gris couvrait toute la côte,
Les brisants aboyaient comme des chiens, le flot
Aux pleurs du ciel profond joignait son noir sanglot...
Des marins en détresse appelaient à leur aide... »
Cap à l’est. Après avoir longé la plage de Port-Sable, et observé de l’autre côté du chenal les hauteurs boisées du Petit mont – où se cache un spectaculaire tumulus –, le sentier devient une rue aux abords du port de plaisance du Crouesty. Construit en 1973 dans l’anse naguère sauvage du Croisty, il offre 1 500 emplacements aux plaisanciers, ce qui en fait le plus grand port de Bretagne, mais pas nécessairement le plus beau. Inutile par conséquent de s’y attarder, fût-ce pour observer les étonnants garages métalliques où les bateaux s’empilent sur trois niveaux. L’église d’Arzon et la voiture sont à moins d’un kilomètre de là. Le bistrot aussi, et pour peu qu’il ait fait très chaud dans la journée, on est alors très content de pouvoir s’y rafraîchir d’une excellente bolée de brut.
Ar wech all ! (À la prochaine !)
Dans la série « Balades en Bretagne » :
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