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Accueil du site > Culture & Loisirs > Voyages > Retour dans l’Aubrac

Retour dans l’Aubrac

En août 2012, je publiais un article intitulé Aubrac : du granite, des vaches, et une incomparable sérénité. 11 ans plus tard, rien ou presque n’a changé dans ce terroir pastoral : le granite est toujours là et les vaches également ; quant à la sérénité, elle y est légendaire, ce que confirment les pèlerins de Compostelle engagés sur la Via Podensis...

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Chemin fleuri de l’Aubrac

En relisant ce texte, je me suis aperçu que je m’étais rendu coupable de quelques oublis. Par exemple, pas un mot sur la Chaussée des géants. Ne voyez pas là l’effet d’une alcoolisation à l’Avèze ou à la Salers : je ne parle évidemment pas de celle, très spectaculaire, qui attire des milliers de touristes dans le Comté nord-irlandais d’Antrim (lien), mais de celle qui, sous le regard des vaches, pave le lit et les rives du ruisseau des Plèches en aval du pont des Nègres, non loin de Nasbinals. Les mauvaises langues diront, au vu du damier de prismes basaltiques lozérien qu’il s’agit là à de bien modestes géants. Difficile en effet pour ces concrétions minérales de soutenir la comparaison avec l’extraordinaire site irlandais sans risquer de s’attirer les moqueries de ce bon Patrick dont nul n’ignore qu’il est le saint patron de l’Irlande toute l’année, et de la Guinness chaque 17 mars (lien).

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La Chaussée des Géants !

Aussi humble soit-elle au cœur des estives, la Chaussée des géants version Aubrac n’en possède pas moins un charme indéniable. À tel point que déguster en ce lieu un morceau de laguiole de 12 à 18 mois d’affinage sur une épaisse tranche de pain de seigle, les pieds dans l’eau fraîche et dynamisante de la rivière, est un réel plaisir que nombre de randonneurs ont goûté avec un indicible plaisir, à l’image de votre serviteur. À noter que le nom de ce pont de pierre pourrait bien être ciblé s’il parvenait aux oreilles sensibles des partisans de la culture woke, une appellation comme « pont des Nègres » étant de nature à froisser la susceptibilité de ces agités de la cougourde, empoisonnés par une propagande délétère. Couyounadas ! Ce serait en effet complètement stupide, les « nègres » en question étant... les truites fario qui batifolent dans le cours d’eau : on les nomme ici negras.

Direction Nasbinals où, près du champ de foire, une colonne surmontée d’un buste en pierre met à l’honneur une personnalité de l’Aubrac. Cet homme a-t-il été un brillant député ? un officier valeureux ? un éminent magistrat ? un scientifique renommé ? Rien de tout cela : Pierre Brioude, dit Pierrounet, était un modeste ouvrier agricole devenu cantonnier. Or, il advint que cet homme humble, serviable et désintéressé montra très tôt d’exceptionnels talents de rebouteux, de rhabilleur comme l’on disait ici. Il les mit d’abord au service des paysans pour soigner leurs bêtes blessées, puis des femmes et des hommes qui, las des échecs des médecins, arrivèrent de plus en plus nombreux – parfois au terme de longs voyages – pour recourir au don exceptionnel que possédait Pierrounet. À tel point que l’on dut construire 3 hôtels à Nasbinals pour accueillir ces gens. Étonnant, non ? (cf. Pierrounet, rebouteux de l’Aubrac)

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Buste de Pierrounet à Nasbinals

Le taureau n’est pas macho

L’Aubrac, c’est surtout la profusion des troupeaux de bovins de race éponyme qui colonisent les pâturages. Des vaches aux yeux noirs dont il est préférable de se tenir à l’écart lorsqu’elles maternent leur veau après avoir mis bas. Et cela au terme d’un processus naturel n’étant pas dû à l’intervention d’un « taureau à chapeau » comme l’on dit pour désigner l’inséminateur artificiel qui intervient dans les élevages de races mélangées. Ici, c’est encore le taureau aubrac, trapu et noiraud de la tête et du poitrail, qui officie. Observez les troupeaux, et vous le verrez au milieu de son harem. Il n’en est toutefois pas le chef, ce rôle étant dévolu à la femelle de plus fort caractère. Il s’en fiche, lou bouri : il n’est pas macho ! Généralement débonnaire et paisible, mieux vaut toutefois ne pas l’approcher de trop près s’il commence à gratter le sol, sauf à vouloir jouer les Manolete des estives.

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Troupeau aubrac au lac de Saint-Andéol

Comme chacun le sait, l’Aubrac et un pays de granite. Cette roche élégante est omniprésente dans les chaos rocheux et les appareillages de pierre, parfois impressionnants, des maisons anciennes et de ces belles églises romanes surmontées de clochers à peigne. C’est aussi dans le granite qu’ont été taillés quelques calvaires et la quasi-totalité des croix de chemin que l’on peut rencontrer en parcourant la campagne. Plus surprenant, le granite a été très longtemps utilisé pour clôturer les pâturages dans le nord de l’Aubrac, notamment dans le secteur de Fournels et Saint-Just. Des décennies après qu’ils aient été mis en place, les poteaux de granite sont toujours là, et sans doute le seront-ils encore durant des siècles s’ils ne sont pas abattus par les descendants de ceux qui les ont taillés dans la roche brute ou qui les ont solidement plantés dans le sol.

Un mot enfin sur l’une des particularités de l’Aubrac, bien connue des amoureux du ciel et de ses constellations : son exceptionnelle limpidité nocturne. Situés à l’écart des villes, ces hauts plateaux à vocation pastorale ne sont quasiment pas exposés à la pollution lumineuse engendrée par les activités humaines des grandes agglomérations. Cela en fait, de l’avis des astronomes, et pas seulement des amateurs, l’un des meilleurs « spots » du territoire national métropolitain, à l’exception des observatoires de haute altitude. Ici, même sans lunette spécifique, l’on prend un immense plaisir, lorsque la couverture nuageuse est nulle, à parcourir les immensités célestes. On peut même y découvrir, entre le bélier et les gémeaux, la constellation du taureau, clin d’œil astronomique à son homonyme de chair et d’os admiré l’après-midi même dans l’estive.

Á lire également :

« Le village englouti », en écho à Pierre Lemaître (mars 2023)

La fin tragique des sœurs Dupeyron (janvier 2021)

Que sont nos vaches devenues ? (février 2020)

Aux sources du Tarn : noces d’or lozériennes (juin 2014)

1957 : jour de batteuse (septembre 2013)

1965 : un dimanche au village (novembre 2009)


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17 réactions à cet article    


  • Bendidon ... bienvenue au big CIRCUS Bendidon ... Wind Pilgrimer 29 juin 2023 09:42

    Ces IMAGES de nature PAISIBLE sont une INSULTE intolérable à nos banlieues en FEU

    pinponpinponpinpon

     smiley


    • charlyposte charlyposte 29 juin 2023 14:13

      @Bendidon ... Wind Pilgrimer
      Imagine si un jour on te largue sur Mars. avec une vache et une chèvre ... smiley


    • Fergus Fergus 29 juin 2023 17:54

      Bonjour, Bendidon ... Wind Pilgrimer

      Les banlieues pourraient elles aussi être « paisibles » si l’on n’avait pas laissé s’installer des zones de non-droit au profit de trafics en tous genres et si certains flics laissaient leurs instincts de cow-boy au vestiaire du commissariat.


    • mmbbb 29 juin 2023 20:47

      @Fergus  on devrait mettre ces « anges » des banlieues en Aubrac  au nom de la diversité sociale .

      Et de la sono en plein champ , les vaches sortiraient de leur quiétude 

      Quant aux flics , il est vrai certains sont cons mais argument un peu court puisque les politiques de gauche et de droite conjugués l apathie des francais ont ete le terreau utile à ce bordel .

      Je me répète , je fus à la CFDT , ayant connu cette mixité sociale avec ces « anges » j avais affirmé lors d une réunion que les banlieues seraient le lieu des trafics de drogue et d armes .

      Il y a avait des « LEBEL » arguments chocs fachos react je me suis tire 

      Il y eut entre temps le livre préfacé par Georges Bensoussan « les territoires perdus de la république » Il reçut les mêmes opprobres .

      Que vous vaches puissent paître en paix tant que la mixite socialle forcée de soit pas imposee dans les campagnes , Cela arrive doucement .


    • Fergus Fergus 30 juin 2023 09:26

      Bonjour, mmbbb

      « on devrait mettre ces « anges » des banlieues en Aubrac au nom de la diversité sociale »
      Au-delà de la boutade, non, évidemment, car la solution n’est pas dans le déplacement, mais dans la mise en place d’une véritable politique de la ville alliant la mise en place de structures sociales de qualité et une prévention déterminée contre les influences délétères à une répression rigoureuse des dérives sectaires et des trafics.
      Facile à dire, mais pas facile à faire, je le reconnais bien volontiers. Surtout lorsque les élus subordonnent leurs responsabilités à des considérations clientélistes de nature électorale. Quelques exemples, notamment celui de Saint-Denis, montrent qu’il y a pourtant des progrès réels ici et là.

      Sur les « flics », le problème est que, sous la pression de syndicats irresponsables, l’on ne condamne pas avec suffisamment de fermeté les comportements déviants d’une minorité de cow-boys qui font la foi dans les commissariats et influencent négativement les jeunes recrues, au grand dam d’une hiérarchie souvent impuissante. La police doit être respectable pour être respectée ! Et pour cela, elle doit se montrer exemplaire. 
      A cet égard, comment expliquer que, dans les affrontements avec des jeunes de cité ou lors des contrôles routiers, il n’y a eu qu’un seul mort (en 2018) en Allemagne alors qu’on en compte des dizaines en France sur la même période ?
      Il est urgent de réformer le système policier, notamment en étant plus rigoureux sur les profils psychologiques des recrutés et en renforçant leur formation.


    • Sirius Grincheux 29 juin 2023 09:47

      C’est beau l’Aubrac, mais un peu austère, alors que dans le Bouchonnois règne une franche camaraderie.

      Le Bouchonnois est situé entre Pithivy-sur-Saône et Lassignac-sur-Gondole. C’est une région principalement rurale qui contient de nombreuses forêts accueillant une faune spécialement attractive pour les chasseurs qui utilisent des appeaux perfectionnés pour leurrer le gibier le plus convoîté de : la Galinette Cendrée, issue de la famille des Phasianidae, réputée pour sa chair tendre prête à accueillir une quantité importante de plomb. Cependant la galinette ne fait pas l’exclusivité  : se taper un galoupiaud ou une bistourette des prés est également une fierté pour le chasseur du Bouchonnois.


      • Fergus Fergus 29 juin 2023 17:56

        Bonjour, Grincheux

        Bel endroit, merci de nous en faire les meilleures adresses. smiley


      • ZenZoe ZenZoe 29 juin 2023 10:21

        Bonjour Fergus,

        Ah, l’Aubrac, pays de mes ancêtres ! Je m’y sens bien quand j’y vais, tellement loin des problèmes urbains et en lien direct avec la nature et l’univers entier, c’est quasiment mystique !

         smiley

        Magnifique région qui j’espère le restera et ne finira pas comme par exemple la Provence.


        • Fergus Fergus 29 juin 2023 18:03

          Bonjour, ZenZoe

          « tellement loin des problèmes urbains et en lien direct avec la nature »
          Ô combien vrai !

          « Magnifique région qui j’espère le restera et ne finira pas comme par exemple la Provence »
          Peu de risque que cela arrive : c’est trop loin des cafés et des restos branchés, et les dancings y sont rares (mis à part La rosée du matin à Nasbinals, mais on est loin de la boîte de nuit fréquentée par quelques célébrités).
          Et mieux vaut pour s’y balader des pompes de rando que de fragiles chaussures de ville.


        • Octave Lebel Octave Lebel 29 juin 2023 11:05

          On respire en vous lisant et nous faisons une belle, reposante et instructive promenade. Il y a comme un avantage pour les taureaux on dirait mais noblesse oblige. Alors que les vaches, j’en ai rencontrées, y sont curieuses et dynamiques. Rien à voir avec « une jolie fleur dans une peau de vache ».

          Je me demande combien de dogmes je viens de transgresser du point de vue d’un(e) inquisiteur(trice) woke tatillon(ne) qui peut aussi avoir d’autres marottes d’ailleurs smiley


          • Fergus Fergus 29 juin 2023 18:06

            Bonjour, Octave Lebel

            Ne vous souciez pas des « dogmes », bien peu ont cours dans ce terroir dédié à l’élevage dans un rapport étroit à la nature. smiley


          • gruni gruni 29 juin 2023 15:11

            Bonjour Fergus

            Merci pour la balade en Aubrac.

            Pêcher une fario à la mouche dans un décor aussi magnifique c’est géant smiley


            • Fergus Fergus 29 juin 2023 18:07

              Bonjour, gruni

               smiley 
              Toujours sympa de se balader dans ces grands espaces.


            • troletbuse troletbuse 2 juillet 2023 20:59

              @grounichion
              Ben quoi, Grounichion, vous pouvez voir un jogger en gilet jaune arracher les affiches électorales de Micron et vous qui vous intéressez à l’acruamité politique, vous ne voyez pas ce qui se passe sous vos yeux ou le dirais même plus, vous ne voulez pas voir ; Bravo Grounichion. - :)
              https://www.youtube.com/watch?v=lfstfbrxScc


            • cevennevive cevennevive 29 juin 2023 16:04

              Bonjour Fergus,

              L’Aubrac, il faut aussi le parcourir l’automne et l’hiver, quand la bise souffle.

              Je trouve qu’elles sont bien belles ces vaches aubrac, aux yeux maquillés comme des stars. Et puis, elles ont de la chance, avoir un vrai mâle parmi elles pour les féconder ! L’heureux taureau ! Une seringue, pouah !

              Mais il y a aussi les carlines, ces fleurs sèches de chardon en forme de fleurs que l’on accroche sur les portes, et qui sont censées porter bonheur.

              Il y a les lavognes, des quantité d’alouettes et engoulevents qui plongent ou qui surgissent subitement de l’herbe rase, à vous faire sursauter.

              Bon, je crois qu’une partie du paradis, s’il en existe un, est sur l’Aubrac et le nord de la Lozère...


              • Fergus Fergus 29 juin 2023 18:16

                Bonjour, cevennevive

                Oui, c’est également très beau en automne et en hiver.
                Et parfois très difficile de s’y déplacer lorsque se forment des congères sur les routes. Mais c’est de plus en plus rare du fait de la diminution des précipitations neigeuses et de la puissance des chasse-neige modernes.
                Les « carlines », on n’en voit presque plus sur les portes des maisons de l’Aubrac, plutôt sur les Causses, comme les « lavognes », spécialement aménagées pour servir d’abreuvoir aux brebis.
                Pour ce qui est du « paradis », disons la totalité de la Lozère. smiley


              • troletbuse troletbuse 2 juillet 2023 21:07

                @Fergus
                L’Aubrac marre de cette région smiley

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