Les Francs-maçons gouvernent-ils la France ?

Sujet en or pour la presse et pour les amateurs paranoïaques d’occultisme, de Dan Brown et autres contempteurs illuminés des illuminati, qui s’intéresse aux Francs-Maçons hormis les Francs-Maçons eux-mêmes et Sophie Coignard ?
Il faut dire qu’avec leurs rituels désuets, que d’ailleurs Pascal Catuogno a eu l’autorisation de filmer, leur faux-vrai culte du secret (Vous en êtes ? Si je l’étais je ne vous le dirais pas…), ils entretiennent un mystère pourtant éventé depuis bien longtemps.
Alors, certes, « on » dit que Gérard Larcher a été élu au perchoir du Sénat grâce à eux, que Gérard Collomb a accédé à la présidence de la communauté urbaine de Lyon grâce à eux. Dans ce film on ne dit ni ne dédit. On admet, on dément du bout des lèvres, mais on ajoute raisonnablement qu’ils exercent leur influence comme d’autres groupes d’intérêts, de pression. Il faudrait être bien naïf pour s’imaginer qu’autour de ce gâteau qu’on appelle le pouvoir, seuls les maçons banquettent.
Pourquoi d’ailleurs devrions-nous nous opposer à l’existence de tels groupes qui préfèrent pratiquer la réflexion plutôt que lancer des anathèmes ? Rappelons que si Nicolas Sarkozy est revenu un tant soi peu sur le fumeux concept de « laïcité positive », les Francs-maçons n’y étaient sans doute pas pour rien, de même en ce qui concerne la légalisation de l’avortement ou la suppression de la peine de mort, sujets qui mobilisent la société entière.
Des scandales les éclaboussent que Pascal Catuogno ne se garde pas de dénoncer. Il évoque le « dossier corse », ainsi nommé parce qu’en 2000, le grand maître du Grand Orient de France, Simon Giovannaï, aurait prêté une oreille, disons attentive, au nationalistes corses…
Mais, pourra-t-on rétorquer, il est somme toute assez rassurant qu’on connaisse ces affaires dans lesquelles des maçons sont impliqués. Que la lumière soit faite sur tous les scandales de la république, on attend que ça. Mais on n’en est pas là !
Le film de Pascal Catuogno est éclairant. Non pas parce qu’il contient des révélations, mais parce qu’il met en évidence la grande force des « frères » : la mise en scène d’une opacité savamment dosée. Le flou - entretenu par les maçons eux-mêmes - sur leurs activités est leur plus fidèle allié. Et leur meilleur ennemi.
Olivier Bailly : Il y a déjà beaucoup de sujets sur les Francs-maçons…
Pascal Catuogno : C’est clair qu’il s’agit d’un marronnier. Dans les hebdomadaires français vous avez régulièrement une ou deux unes sur les Francs-maçons dans l’année. C’est toujours un fantasme qui fait recette. Mais parce qu’on fait beaucoup de sujets sur certains thèmes il ne faudrait plus les traiter ? Je ne crois pas.
OB : Pourquoi chaque année à la même époque ce sujet revient en une. Au lieu de dire que c’est un marronnier, c’est-à-dire un aveu de faiblesse des médias, ne peut-on pas imaginer qu’il s’agit d’une stratégie de communication de la part des Maçons ?
PC : Pour ma part, Je crois qu’ils n’y sont pour rien et que ça vient vraiment des journalistes. C’est un choix éditoriale des news magazine. Tout simplement parce que ça fait du chiffre.
OB : En quoi votre film fait-il la différence ?
PC : J’ai voulu angler le sujet sur la franc-maçonnerie et la politique dans son acception générale. Quelle est l’implication de la maçonnerie dans la vie de la cité. Ça permettait d’avoir un angle beaucoup plus précis et donc m’évitait de retomber dans le piège des éternels marronniers où l’on parle de tout sans jamais parler de rien. Cet angle plus précis m’a permis de mieux cadrer le sujet et d’essayer de faire quelque chose d’un petit peu différent. Je pense qu’on a réussi à le faire.
OB : A la fin de votre film on se demande s’ils ont le pouvoir qu’on leur prête ? On a plutôt l’impression qu’il s’agit d’un réseau comme un autre…Pourquoi sont-ils l’objet de tant de fantasmes
PC : Parce que c’est secret. Cultivent-ils le secret parce qu’ils ont quelque chose à cacher ou parce qu’ils n’ont rien à dire et que ça permet de fantasmer autour ? Je pense qu’il y a un peu des deux. Mais il y a cependant un secret intrinsèque c’est celui de l’initiation. Quand ils se retrouvent dans leur temple, c’est un lieu sacré pour eux et ils ont des rites, des façons de communiquer qui leur appartiennent et qu’ils ne veulent pas montrer aux « profanes ».
OB : Font-ils les lois ? On se demande à la fin du film s’ils sont influents. Ils cultivent moins le secret que l’ambiguïté par rapport au secret. Prenons l’exemple de Gérard Larcher que vous citez : on ignore s’il a été élu au perchoir du Sénat grâce, ou non, aux Francs-maçons.
PC : Prenez un homme politique. S’il ne cultive que les Francs-maçons, que l’association des joueurs de football, que les opposants ou les défenseurs de l’avortement, cela ne va pas suffire. A un moment donné il a besoin de prendre un peu partout pour pouvoir agréger autour de lui des personnes qui vont lui permettre d’être élu. Un homme politique comme un autre va tenir compte des Francs-maçons comme il va tenir compte d’un autre groupe de pensée parce qu’à partir du moment où vous avez 140 000 Francs-maçons, c’est un groupe qui compte, donc on l’entretient. C’est toujours pour un homme politique d’avoir un Franc-maçon à côté de lui plutôt que de ne pas en avoir.
OB : En toute logique il faudrait non pas s’intéresser aux Francs-maçons, mais aux groupes vraiment occultes qui n’ont pas pignon sur rue.
PC : Alors il faudrait s’intéresser aux fraternelles. Ce sont des Francs-maçons qui se réunissent par corporation. La fraternelle des boulangers, des sportifs, des parlementaires… Oui, ces groupes peuvent avoir une certaine influence. On en parle moins.
OB : La Franc-maçonnerie : une secte ? Un réseau ? Un lobby ?
PC : Une secte, non, parce qu’il n’y a pas de gourou. C’est plus facile d’en sortir que d’y entrer…
OB : C’est ce que dit Alain Bauer, ex dirigeant du Grand Orient de France !
PC : Et il a raison. Donc une secte, non. Un lobby, cela peut en être un. La grande partie des gens qui rentrent dans la Franc-maçonnerie sont des gens comme vous et moi, « normaux », qui y entrent pour trouver un autre sens à leur vie. C’est souvent ce profil-là. Donc ils se rendent dans leur loge pour parler des questions philosophiques et sociales qui les intéressent. Mais ça n’empêche pas qu’il y a des gens qui y entrent parce qu’ils pensent que cela va leur être utile, qu’ils vont se constituer un carnet d’adresses. S’ils passent par des fraternelles cela peut constituer un lobby, c’est clair.
OB : Le début de votre film montre une cérémonie. C’est inédit ?
PC : De cette façon c’est inédit. Ils ont plusieurs rites : le rite écossais ancien accepté, le rite français, etc. En fonction de chaque rite, chaque fois qu’ils commencent leur tenue, ils la commencent avec un cérémonial. Et c’est la première fois à ma connaissance qu’on le voit.
OB : Vous expliquez que le cheval de bataille des Francs-maçons est la laïcité, mais qu’en même temps ils tiennent la Bible ouverte en permanence.
PC : Dans le film on parle de différentes obédiences et notamment de la Grande Loge Nationale Française (GLNF) qui demande à ses adhérents de croire obligatoirement en Dieu. Cela n’est pas forcément an adéquation avec la laïcité. On peut très bien croire en Dieu et être pour la laïcité, mais pour les gens qui croient vraiment en Dieu, surtout quand on les oblige à y croire comme c’est le cas pour cette obédience, la laïcité n’est pas le combat principal.
OB : Quand on dit croire en Dieu, cela signifie être Chrétien ? Les Juifs et les musulmans en sont exclus ?
PC : Non, il suffit de croire en un dieu révélé. Il peut donc y avoir des Juifs et des Musulmans. Dieu, c’est pour eux le grand architecte de l’univers.
OB : Est-ce qu’il y a de l’entrisme de la part de tel ou tel groupe religieux pour s’accaparer le pouvoir au sein de la Franc-maçonnerie et éventuellement influer ?
PC : Je ne pense pas. Il y a eu un problème il y a quelque temps non pas par rapport à des groupes religieux, mais par rapport à des sectes. C’est pourquoi maintenant les Francs-maçons sont très vigilants contre les sectes parce qu’il y a environ une dizaine d’années certaines sectes puissantes ont essayé de faire l’entrisme chez les Francs-maçons. Il y a même eu des alertes à l’époque dans les différentes loges.
OB : Y a-t-il une guerre des obédiences ?
PC : Il y a deux obédiences principales, les sœurs ennemies si j’ose dire, c’est la GLNF, plutôt de droite et déiste, et le GOF, plutôt de gauche et laïc. Ce dernier est le premier en chiffre. Il y a une guerre à ce niveau-là. La GLNF aimerait avoir plus d’adhérents que le GOF, ils aimeraient bien être les plus nombreux tout simplement pour une question de puissance. Mais il y a aussi des obédiences qui font leur petit bonhomme de chemin sans rien demander à personne.
OB : Ce qu’on sait moins c’est qu’il y a de la part de la GNLF une véritable politique de recrutement en direction de l’Afrique
PC : En Afrique la Franc-maçonnerie prend très bien, depuis toujours. Parce qu’il y a une sensibilité maçonnique très en rapport avec la sensibilité africaine, avec certaines croyances. De tous temps les obédiences ont été présentes en Afrique, mais c’est vrai que depuis quelques années la GLNF, plus que les autres, crée un vrai travail en Afrique pour initier les africains et plutôt les Africains haut placés. Donc on trouvera plutôt des ministres, des hauts-fonctionnaires, voire des chefs d’état…
OB : Cela joue-t-il sur la politique extérieure de la France ?
PC : On est dans la même considération que ce que je disais tout à l’heure : on a besoin de toutes les forces. On a besoin de manipuler tout le monde. Donc on utilisera le réseau maçonnique comme on utilisera le réseau des catholiques, des protestants, des pétroliers, etc. Il faut jouer sur tous les tableaux. Donc cela peut jouer, mais au même titre qu’un autre réseau. L’erreur consisterait à penser que cela concerne les seuls Francs-maçons.
OB : Où les obédiences trouvent-elles leur argent, en dehors des cotisations ?
PC : Faites le compte et voyez combien il y a d’adhérents par obédiences. A environ 350 ou 400 euros par cotisation cela fait un peu d’argent. Et puis ils ont des magasins, des fondations, de l’immobilier. Les grosses obédiences possèdent des temples un peu partout dans les grandes villes de France ; Ils les mettent à la disposition de petites obédiences qui n’ont pas les moyens d’avoir un potentiel immobilier pour organiser leurs tenues. Donc ces temples sont loués et tout le temps occupés, éventuellement par d’autres obédiences. On peut ajouter les associations parallèles, des dons. Tout cela fait pas mal d’argent.
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