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easy easy 7 septembre 2011 11:06

Lorsque l’homme se débrouillait pour vivre sans même fabriquer de massue, sans même modifier un bout de branche pour en faire une lance, il ne voyait de création éventuelle que dans la naissance d’un enfant. Comme les bestioles en faisaient autant, son concept de création n’était sans doute même pas formé.

Puis il a créé une lance, une hache. Sans doute s’est alors formé dans son esprit le concept de création et ce concept était alors automatiquement liée à l’historicité. On ramassait un arc qui traînait, on considérait qu’il avait été créé par quelqu’un.
L’homme se mit à alors à détecter la création-histoire dans tout objet manufacturé.

Mais il vivait encore dans des cavernes non fabriquées, il chassait des bestioles non fabriquées, il mangeait des racines et des baies non fabriquées.

C’est au fur et à mesure qu’il a fabriqué son habitat, qu’il a élevé du bétail, qu’il a planté des carottes, que son concept de création s’est développé, que le champ de la création-histoire s’est élargi dans son esprit.

Jusqu’au jour où ce champ dépassa les bornes des productions entendables par son propre clan et où il fallut admettre que des dolmens que son propre clan ne savait créer avaient été créés par d’autres, par des clans dotés de possibilités inconnues et apparaissant magiques.

Singulièrement, les dolmens ou autres édifices qui avaient introduit dans la pensée de nos anciens le concept de « Choses créées par des pakomnous jusque là inconnus et qui le resteront sans doute » continuent 10 000 ans plus tard, de nous laisser perplexes.
Même nous qui avons toutes sortes de grues et machines, nous continuons d’être déstabilisés ou romantisés par les Machu Picchu, les pyramides et autres jarres du Laos.


Aussi bien nos ancêtres que nous-mêmes, nous sommes tous encore fragilisés en termes cataphatiques où les choses doivent être ou ne pas être, par des créations épatantes.
Elles ont forcément été construites par des hommes mais comme nous ne comprenons pas comment (surtout en termes de transport et surtout depuis que nous ne pratiquons plus les tirages à 3000 personnes autour d’une corde) nous sommes accessibles à la magie.
Et nous en faisons commerce de la magie, plutôt de plus en plus.
Il n’y a pas que quand nous ouvrons un livre du genre Lord of the ring que nous suspendons volontairement notre incrédulité pour nous mettre en mode crédule. Même une fois le livre refermé, nous restons en permanence en mode crédule sur des tas d’autres sujets (dont celui de l’amour, celui d’un avenir meilleur ou celui d’une fin de monde)


Dès que des hommes ont créé des outils, des armes, des dessins, des gravures, des poteries, des pièges et que d’autres hommes en ont découvert les restes par la suite, il y a eu chez ces derniers le développement du sens de l’histoire, du passé et aussi de ce qui le marquait ou le prouvait ce passé, à savoir la création, qu’elle soit aisément expliquée ou pas, qu’elle ressorte triviale ou magique.

Le développement de cette idée allait forcément frapper non seulement ce qui ressortait commme créations humaines, triviales ou épatantes, mais aussi et de plus en plus largement, toutes les autres choses perceptibles. Non seulement la hutte mais aussi la grotte, la montagne et le mammouth. Non seulement les alignements de menhirs mais aussi les alignements des étoiles. Faut vraiment adorer ou avoir besoin de croire pour voir la Grande ourse ou même un Chariot ou même une Casserole dans le ciel nocturne.

La Voie lactée s’appelle toujours la Voie lactée n’est-ce pas ?

Cette extension du créationnisme vers toutes les choses perceptibles et nommables s’est faite d’autant plus facilement que quand on découvre un village abandonné, ce qui va nous marquer le plus ce n’est pas la découverte d’objets banals mais la découverte d’objets épatants. Ces objets épatants seront récupérés, feront l’objet de perpétuels palabres dans le clan qui les a découverts et ils deviendront le cristal ou tabou autour duquel il ne peut pas y avoir de conclusion définitive. Tout bidule bizarre récupéré lors d’une promenade devient le bidule cristallisant une croyance.
C’est l’inexpliquable qui forme la croyance et développe le goût de l’histoire

La croyance est utile au clan car elle est le seul sujet devant lequel chaque membre doit se soumettre. Elle développe le OUI et le NON collectif.
Et le consensus a bien des intérêts puisqu’il permet de développer une force collective, une force qui dépasse chaque individu, une force surnaturelle, une force susceptible de soulever des montagnes, une force magique (Qui fait peur ou qui rassure, selon les circonstances et obéissances). Le consensus fait apparaître, parce qu’il peut former une bande, une équipe ou une meute, un Personnage épatant.




On ne peut pas réécrire l’Histoire. Or elle a été faite avec des croyances.

Même quand on croit démonter une croyance en la péjorant voire en l’interdisant, on passe en fait à une autre croyance.
Si un clan, un peuple, ne montre plus jamais de consensus, c’est qu’il n’a vraiment plus de croyances ou que ceux qui en ont encore sont très minoritaires.

Un peuple qui peut encore réunir 30% de sa population autour de la croyance qu’un chef peut l’aider à vivre, peut lui permettre d’exister, peut lui permettre de faire des choses surhumaines, peut défendre ses intérêts face à de grands dangers, est un peuple qui a encore le goût pour les croyances. C’est grâce à un panier de croyances assez massivement partagées que se forme un peuple. Peuple et croyance sont indissociables.

Les Livres sont des détails, des exemples, des cas qui illustrent ce phénomène coagulateur. Les théâtres, les médias et télés, idem.

Y a-t-il, dans un peuple, des individus non croyants ?
Je pense que tout individu qui vit en société, même celui qui se planque dans ses égouts, croit en la Personne-masse, croit en une Personne capable de prodiges (blancs ou noirs). Il est donc croyant.


Posons que Diogène de Sinope se soit efforcé d’être agnostique, refusant d’être épaté par le prodigieux Alexandre. 
Une nuit, observant par hasard le ciel, il y voit 12 étoiles, plus brillantes que les autres, alignées et semblant disposées à intervalles réguliers, ou alors 3 comètes. Si son regard passe dans la seconde suivante à l’arbre qui est devant lui, à l’oreille de son chien, au caillou qui est devant lui, s’il ne pense plus à ces 12 étoiles alignées, s’il n’y repense pas plus qu’à son dernier pipi, alors il est vraiment invulnérable à la croyance.


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