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abibonrichard abibonrichard 27 novembre 2011 17:50

je constate que mon post du 26 novembre est vide, alors je rétière...

On a rarement vu plus de mauvaise foi chez une journaliste. Même lorsque les analystes interviewés se débrouillent pas mal, elle s’arrange pour reprendre leurs propos de manière caricaturale. On se croirait dans un documentaire soviétique des années cinquante destiné à montrer l’horreur du capitalisme. Je ne sais si c’est ainsi que l’union sauve l’éthique.

Le film démarre sur l’affirmation : « l’autisme est un trouble neurologique sur le sillon temporal supérieur, repéré en 2002 et reconnu par la communauté internationale, ce que refusent les psychanalystes ». Ah bon ? À l’époque où je m’occupais d’autisme, on claironnait sur tous les tons que c’était un trouble génétique, sur un gène précis parfaitement repéré et reconnu par la communauté internationale. Ah ! Les repères de la communauté internationale ont changé ? Ce n’est plus génétique c’est organique maintenant  ? Ah, d’accord … il se trouve qu’à l’époque j’avais largement étudié ces publications « prouvant » l’origine génétique de l’autisme et j’avais été sidéré du peu de sérieux des études menées. Une vraie catastrophe sur le plan scientifique, sans aucune réflexion épistémologique (un peu de recul sur les concepts qu’on emploie) une méthodologie à la masse, mais sous prétexte que c’étaient des hommes en blouse blanche qui maniaient chiffres et éprouvettes, ça avait tout le décorum pour passer pour scientifique.

A partir de là, on nous dit que l’idéologie est du côté de la psychanalyse…

Un autre exemple de manipulation : le commentaire dit « …et curieusement les psychanalystes font appel à la biologie » : suit l’interview de deux psychanalystes qui tiennent des propos assez censés, sans la moindre référence à la biologie. Seul le troisième, curieusement en effet, cite la biologie. Un seul sur trois, et avec ça, on fait une généralité.

Autre manipulation : on présente Aldo Naouri comme psychanalyste, ce qu’il n’est pas, et d’ailleurs, il a protesté avec vigueur à ce propos. On nous présente un rapport de « psychothérapeute » sur l’enfant servant de support à la démonstration ; c’est vrai que c’est délirant, non seulement dans les propos, mais aussi dans le fait de s’adresser ainsi aux parents d’un enfant, quel qu’il soit. Mais on se garde bien de nous dire que la psychanalyse, ce n’est pas la psychothérapie. D’ailleurs l’amalgame avec la psychiatrie française se déroule tout au long du film.

Autres manipulations encore, faisant usage de la ponctuation, comme Lacan de la scansion de séance, (ce qui fonctionnait déjà sur la séquence des références à la biologie : on reste sur la dernière impression qui colore l’ensemble a posteriori) : on en reste sur un sourire particulièrement forcé d’une psychanalyste interrogée, lui donnant un air carnassier assez désobligeant. Et puis, lors de la question : et les résultats ? Les interrogés font silence, baissent la tête, et on en reste là-dessus ; que c’est démonstratif !

Bon là, faut dire, nos collègues psychanalystes, j’ai pas trouvés qu’ils étaient super pédagogues ou alors, on a vraiment forcé le trait dans la manipulation. Moi, j’aurais dit sans hésité : j’ai fait marcher à 9 ans une petite fille qui n’avait jamais marché, j’ai fait parler à 10 ans un garçon qui n’avait jamais parlé ; j’ai guéri la constipation phénoménale d’un adulte de trente ans enfermé depuis sa naissance à l’hôpital, et ça a déclenché ses premières paroles. Etc. On est à la télé hein, faut quand même en tenir compte. Ensuite, j’aurais peut-être apporté quelques nuances quant à l’idée de guérison en psychanalyse.

Et puis par exemple cette psychanalyste qui trouve inquiétant quand l’enfant mais la main dans la gueule du crocodile en peluche, c’est elle qui m’inquiète, en effet, car tout le ferait ça, bien entendu ! il y a bien d’autres déclaration de ces psychanalystes sur lesquelles il y aurait beaucoup à redire, mais bon, là n’est pas le propos ;

La journaliste dit, en gros : la psychanalyse : résultats nuls. Pourtant il existe des méthodes, Pecs, Teach, ABA, qui donnent des résultats formidables. Et elle inscrit son discours dans celui d’une saine protestation contre un obscurantisme uniquement français tandis que le reste du monde serait illuminé par ces méthodes.

C’est bien une question de discours. Et d’ailleurs pas besoin d’aller dans le reste du monde pour constater l’erreur et la mauvaise foi d’un tel propos. Il suffit de regarder ce film lui-même. En contre exemple du discours «  délirant » des psychanalystes, on nous présente une famille bien normale, bien tranquille dont les deux garçons sont dits « autistes ». Eh bien déjà, c’est pitié de voir celui des deux qui parle débiter ce qu’on lui a appris : « je suis un autiste à 80%, j’ai aussi des troubles du comportement… ». Pur radotage du DSM. Mais pour ce qui est d’écouter ce qu’il aurait d’autre à dire, nous avons un exemple un peu plus loin dans le film. Quand il est en promenade entre ses parents, il dit quelque chose qu’on n’entend pas bien, mais auquel personne ne prête la moindre attention. Les parents parlent pour lui. Par contre, il a de très bonnes notes à l’école, on nous montre le carnet de correspondance. Tout ça montre que ce qui est intéressant chez un enfant, ce n’est pas ce qu’il peut dire spontanément, mais le fait qu’il récite bien ses leçons, y compris sur ce qu’on lui apprit qu’il était sensé être lui-même.

Au fait, si c’était un trouble organique du cerveau, comme affirmé au début du film, comment a-ton pu guérir un trouble organique avec des cartes à images  ??? En six mois ?

Alors oui, il avait à la base les symptômes de ce qu’on reconnait habituellement pour autisme : mutisme et balancements. J’ai connus des foules d’enfants présentant ce genre de symptômes et certains s’en tirer très bien, d’autres non. C’est ce qui m’a fait quitter complètement la notion de diagnostic. Mutisme et balancements, ça ne veut strictement rien dire quant à une soi-disant structure, fut-elle psychotique, comme se plaisent à le souligner les collègues.

Il s’en est sorti celui-là, soi-disant grâce à la méthode Pecs. Puisqu’il ne parle pas, on va le faire communiquer avec des images. Eh bien pourquoi pas  ! On emploie d’ailleurs cette méthode avec tous les enfants, soit avec des jeux d’images (mes petits enfants en ont) soit en leur montrant du doigt l’objet et en l’accompagnant de la vocalisation du mot correspondant. Mon hypothèse, c’est que lorsqu’on a proposé cette méthode à la mère, ça a réveillé son intérêt pour son enfant et elle s’est occupée de lui avec ça ; bon ce n’est qu’une hypothèse, je ne connais pas le cas.

Seulement voilà, si c’était si simple, pourquoi ça n’a pas marché sur l’autre fils de la famille qui, à pas loin de 20 ans, ne parle pas, ne communique en rien et est encore incontinent ? On nous explique que la psychiatre qu’il a vu a refusé l’emploi des méthodes si fructueuses, qui ont marché avec l’autre. Encore un coup des psychanalystes (ici nommés psychiatres). Pourtant elles sont simplistes ces méthodes, elles peuvent être appliquées par les parents. D’accord il est l’ainé, et ça se passait avant la rencontre du cadet avec la méthode Pecs. On peut dire que la mère a pu bénéficier de cette expérience antérieure pour ne pas louper le cadet. Mais lorsqu’elle a su pour le cadet, pourquoi ne pas appliquer la méthode à l’ainé ? Ce serait trop tard ? Ou tout simplement, comme pour la psychanalyse, parfois ça ne marche pas. Parfois rien ne marche.

Mais parfois ça marche et parfois à un âge avancé. J’ai obtenu des résultats non négligeables (dont la constipation phénoménale dont j’ai parlé) avec des gens que j’ai rencontrés à 9 ans, dix ans, trente ans ! Oh, pas des guérisons complètes, comme le petit miraculé de la méthode Pecs qui, à mon sens, n’est tout simplement qu’un enfant comme les autres. Avec quelques problèmes d’identité, puisqu’on lui a fourgué une identité d’emprunt (je suis autiste etc.) et qu’on n’a pas trop l’air de s’intéresser à ses dires.

Encore un mot sur l’absence de pédagogie de nos collègues. Par exemple, lorsqu’il est question de l’inceste maternel, la journaliste demande : « mais d’où vous vient cette conviction ? » la psychanalyste répond : « mais… des écrits psychanalytiques ! ». Ah bon. Ça c’est un argumentaire religieux : tout est dans le Livre ! Moi ma conviction, elle vient de mon analyse perso et de ma pratique et je peux la montrer : j’ai pondu deux ouvrages sur la question et encore, pas très bons. Ça date d’il y a dix ans et je devrais reprendre ça aujourd’hui, mais je m’intéresse à d’autres choses.

A propos de cet inceste… évidemment pour les gens, c’est le diable. L’inceste, ils ne connaissent pas, c’est chez les autres. On ne peut pas leur dire comme ça, brutalement : l’inceste, c’est la structure, il y a des désirs incestueux chez toutes les mères. C’est insupportable. Freud avait bien raison de dire qu’on ne peut pas apporter une telle interprétation à un sujet en analyse, pas avant qu’il ne soit sur le point de le découvrir lui-même, le mieux étant qu’il le découvre lui-même. Nous ne sommes pas dans le cadre d’une cure ? C’est vrai. Justement, c’est pire. La journaliste a alors beau jeu de caricaturer en parlant de « l’ogre maternel », ce qu’aucun des interrogés n’a dit.

Ok, il m’est arrivé d’en laisser passer autant. Mais d’une manière générale, si je parle d’inceste, j’essaie de me cantonner à celui dans lequel je suis pris. Comme ça au moins, je n’incrimine personne d’autre. Ça laisse la possibilité de s’y reconnaitre ou pas, chacun à son rythme. Après, bien sûr, on peut lire des livres.

 

 

 


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