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SEPH SEPH 21 février 2012 11:47

LA FORFAITURE DES MES : La perte de la souveraineté pour chaque pays de la zone Euro

Le billet suivant de Rudo de Ruijter est remaquable. Je vous le propose comme une arme contre la forfaiture des MES :

"L’Europe bouge. Le 2 février 2012, sous prétexte de vouloir sauver l’euro, des Ambassadeurs des gouvernements nationaux de chacun des 17 pays de la zone euro ont signé le Traité établissant le Mécanisme Européen de Stabilité. Sous ce beau nom se cache un énorme transfert de compétences de ces gouvernements vers Bruxelles. Le traité est prévu d’entrer en vigueur au premier juillet 2012. Avant cette date c’est aux parlements nationaux des 17 pays de la zone euro d’accepter ou non la ratification de ce MES. En France une procédure accelérée a été suivie pour que l’Assemblée Générale puisse en décider dès le 21 février 2012. Juste au préalable, on leur demandera de ratifier l’amendement de l’article 136, sur lequel le MES est basé. 

Accroissement des compétences de l’Union Européenne
Pour le contenu du MES on peut dire, en résumant, que c’est en apparence un fonds de secours permanent pour la zone euro.

art. 8.1 Le capital autorisé du MES est fixé à sept cents milliards (700 000 000 000) d’euros.

art 10. 1. Le conseil des gouverneurs [...] peut décider de modifier le montant du capital autorisé et de modifier l’article 8 et l’annexe II en conséquence. Cette construction fait qu’en somme les gouverneurs peuvent décider d’augmenter le capital indéfiniment et d’en exiger le payement par les pays membres.

art. 9.3 Les membres du MES s’engagent de manière irrévocable et inconditionnelle à verser sur demande les fonds demandés [...] dans les sept (7) jours suivant la réception de ladite demande. Il est important de noter que c’est donc les gouverneurs du MES qui décident de l’augmentation du capital et non pas les gouvernements nationaux. En cela (et pour beaucoup d’autres raisons par ailleurs) le MES est un accroissement des compétences de l’Union Européenne. [1] [2]
 

L’article 48.6 du Traité de l’Union Européenne (TUE)
L’article 48 permet à la Commission Européenne de modifier des articles du traité, mais comme il est précisé en 48.6, une telle décision « ne peut pas accroître les compétences attribuées à l’Union » 

C’est pour cette raison, que la première version du MES, signé le 11 juillet 2011 par les membres d’Eurogroup [3], était illégale. C’était l’Union Européenne qui s’octroyait plus de compétences. [4] 

Et c’est donc pour cela que la deuxième version, du 2 février 2012, n’a pas été signée par ces Ministres de Finances, membres d’Eurogroup, mais par des Ambassadeurs de Coreper, qui sont des représentants légaux des pays. Cette fois-ci, ce sont donc les pays, qui donnent plus de compétences à l’UE.

L’amendement de l’article 136 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE (TFUE)
La Commission Européenne était consciente que le MES constituerait un accroissement de leurs compétences. C’est pour cela qu’elle a cherché un moyen de contourner l’article 48.6 TUE. A cet effet un petit bout de texte a été rajouté à l’article 136 TFUE disant que « les États Membres dont la monnaie est l’euro peuvent établir un mécanisme pour la stabilié de la zone euro dans son ensemble... » [5] 

Cette description est assez neutre et n’implique pas que cet amendement sera forcément en conflit avec article 48.6 TUE. 

Pour la Commission Européenne le premier test était donc la première version du traité, signé par les membres de l’Eurogroup le 11 juillet 2011. Ce traité était basé sur cet amendement et comportait clairement un accroissement des compétences de l’UE. Dénoncé pour son illégalité [6], le traité n’a pas été proposé aux parlements nationaux pour être ratifié. 

La deuxième version, signée le 2 février 2012, est toujours basée sur l’amendement de l’article 136. Cette fois-ci le nouveau MES sera assorti d’un traité annexe (curieusement pas encore signé, et donc pas non plus ratifié) qui fixe les conditions pour bénéficier du MES en imposant un grand nombre de nouvelles règles aux pays membres.
Cependant, comme mentionné plus haut, cette fois-ci ce sont les pays membres eux-mêmes qui transfèrent des compétences vers l’UE et non pas l’UE, qui se les octroie. 

D’ailleurs, pour ce deuxième MES, les pays membres n’avaient nullement besoin de l’existence de cet amendement dans le règlement intérieur de l’UE. Comme c’est un « simple » traité entre gouvernements, ils auraient pu décider les mêmes choses sans l’existence de cet amendement.
Alors, pourquoi ont-ils laissé le texte comme si le traité était basé sur cet amendement ? La raison est simple. L’UE a l’intention d’intégrer ce traité le plus rapidement possible dans le cadre des traités de l’UE. (Lire : pouvoir le faire accepter comme un traité de l’UE.) Si le texte dit déjà qu’il est basé sur l’amendement 136, la Commission Européenne prévoit moins d’objections. 

Il n’en reste pas moins vrai que l’usage qui est fait de l’amendement de l’article 136, constitue chaque fois un accroissement des compétences de l’UE. Ratifier cet amendement ouvre la porte à la Commission Européenne pour lui permettre d’y baser de nouvelles règlementations, qui seront chaque fois à faire annuler en justice, puisqu’elles seront contraires à l’article 48.6 TUE. "
 
Notes et références : 

[1]. La petite curiosité, que les gouverneurs sont par définition les personnes qui sont en charge des finances dans les pays membres (ministres de finance), ne change rien à cela. Rien n’oblige les gouverneurs à obéir à la volonté de leur gouvernement. De la même façon les parlements nationaux n’ont aucun droit de veto concernant les augmentations de capital (même si, à tort, un nombre de parlementaires nationaux le croient.) La seule chose que les parlements nationaux puissent faire, c’est de renvoyer leur Ministre de Finances, qui, de ce fait, perd alors sa position de gouverneur. Il sera remplacé immédiatement par un nouveau Ministre des Finances, qui deviendra Gouverneur du MES avec les mêmes pouvoirs excessifs.
Est-ce un moyen de pression suffisante pour faire obéir un Gouverneur ? Je ne pense pas. Avec sa connaissance de dossiers, il gagnerait, dès le lendemain, trois fois plus chez une des entreprises privées que le MES aura gratifiées avec des juteux contrats.  

[2] Bien que l’article 122.2 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) [ http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0047:0200:fr:PDF ] permette au Conseil Européen de fournir de l’aide financière à des membres en détresse (sur proposition de la Commission Européenne), la Commission européenne ne pouvait résister à la tentation d’ériger son propre FMI, ou plus précisément, un frère européen, qui collaborerait étroitement avec le FMI.
Ils l’ont érigé promptement en mai et juin 2010. C’est le MEFS et le FESF. Ils ont un caractère provisoire et une base légale défaillante. La capacité de prêt du FESF a récemment été augmentée jusqu’à 440 milliards. (Cela représente 1320 euro par citoyen euro.)
Le successeur est le MES. Le MES aura un caractère permanent et le pouvoir d’exiger des sommes illimitées des Caisses des États et de les prêter aux risques et aux frais des citoyens de l’euro. Ils commencent avec un capital autorisé de 700 milliards (2100 euro par citoyen euro), mais parlent déjà de montants de 1500 à 2000 milliards, dont ils pensent avoir besoin. Dès le 1 mars 2012 ils réévalueront leurs besoins. 

[3]  Les Ministres des Finances font partie d’Eurogroup. Il est à noter, que sauf dérogation spéciale, ils ne sont pas les représentants légaux de leur pays. Pour les signataires de la première version, voir http://www.courtfool.info/fr_MES_le_nouveau_dictateur_Europeen.htm

[4]  J’ai dénoncé cette illégalité dans http://www.courtfool.info/fr_MES_un_coup_d_etat_dans_17_pays.htm voir paragraphe « Saisie du pouvoir de la Commission Européenne. » D’autres chercheurs et analystes sont arrivés à la même conclusion. 

[5] Résolution du Parlement Européen du 23 mars 2011 sur le projet de décision du Conseil Européen modifiant l’article 136 du traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne
"the Member States whose currency is the euro may establish a stability mechanism to be activated if indispensable to safeguard the stability of the euro area as a whole and stating that the granting of any required financial assistance under the mechanism will be made subject to strict conditionality. " 

 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do ?pubRef=-//EP//TEXT+TA?TA-2011-0103+0+DOC+XML+V0//FR 

[6]  Il va de soi que l’UE n’a pas reconnu que la première version était illégale. Elle a simplement fait signer la deuxième version par les représentants légaux des pays.
 
Rudo de Ruijter
Chercheur indépendant
le 18 février 2012

 
Contact :
Rudo de Ruijter, peut être contacté via [email protected]


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