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Christian Labrune Christian Labrune 12 août 2012 19:32

@nash

La véhémence de votre réaction m’a complètement abasourdi, je m’attendais vraiment à tout sauf à cela. Je serais donc un parfait salaud, un traître passé dans le camp de ces tortionnaires sadiques que sont les femmes, et sans la moindre pitié pour de pauvres mâles soumis depuis la nuit des temps à cette engeance abominable. Pourtant, j’aurais dû lire le récit de la Génèse, j’aurais bien vu que la femme est perverse par nature, qu’elle a de secrètes accointances avec le diable, et que si nous avons dû nous soumettre au travail (du latin tripalium qui désigne un instrument de torture), c’est essentiellement à cause d’elles. C’est à cause d’elles que nous avons gagné durant quatre mille ans le pain quotidien à la sueur de notre front pendant qu’elles, dans le fond de quelque gynécée, passaient leur temps à papoter, à parler chiffons, à se farder pour mieux nous assujettir, nous autres pauvres Hercules, comme le fit Déjanire, à leurs odieux caprices. Pour finalement, peut-être, à la fin, nous empoisonner et nous faire préférer un bûcher où cramer tranquillement, à leur funeste compagnie.

Il reste pour ma défense – je vois bien qu’on est en train d’instruire mon procès - que je ne suis plus un jeune homme, que j’ai vécu avec bien des femmes, que cela n’a pas toujours été sans difficultés mais que n’ai pas pour autant de cette charmante moitié de l’humanité la même vision que vous. Dans l’ensemble, c’était plutôt globalement positif, cela m’a laissé de très bons souvenirs et je n’ai pas trop à me plaindre. S’il existait un paradis où la récompense serait de pouvoir contempler éternellement le vieux barbu, il est sûr que cela me conviendrait beaucoup moins qu’un salon rempli de quelques femmes intelligentes et cultivées. Le vrai paradis, pour moi, ce serait cela, et pour l’éternité.

Je ne suis pas du tout un athlète, je suis plutôt petit, mais je ne peux pas dire qu’on en ait jamais profité pour me casser la gueule. Je ne savais pas que c’était le lot quotidien d’une masse de pauvres bougres plus grands que moi dans leur immense majorité, et jouissant quelquefois du physique des rugbymen. J’ai donc vécu dangereusement sans trop le savoir. Je l’ai échappé belle !

Mais vous allez encore dire que Labrune fait de la littérature. Il faut donc que je réponde un peu plus précisément à vos accusations. Vous me parlez d’un sexisme dans l’Education nationale, et dont les pauvres garçons seraient les victimes. Je rigole ! Il se trouve que j’ai été professeur pendant près de quarante ans et je n’ai rien vu de tel. Les filles réussissent mieux, c’est un fait, parce que ce qui est raisonnable leur agrée ; elles sont en cela plus philosophes que leurs condisciples mâles, moins irrationnelles dans leurs réactions. C’est sans doute pour cette raison que Descartes tenait à écrire en français à une époque où la plupart des femmes n’entendaient pas le latin, pour qu’elles pussent, elles aussi, avoir accès à tous les plaisirs de l’abstraction, et Christine de Suède lui en fut très reconnaissante.

 Le fait est que beaucoup de garçons, au lieu d’étudier, surtout ceux qui sont issus des milieux les moins favorisés, et peut-être à cause d’un sombre désespoir, ne pensent qu’à empêcher d’apprendre ceux qui voudraient pouvoir réussir. C’est ce qui fait que dans les banlieues, souvent, le sens de l’émulation s’inverse, et ceux qui pourraient devenir brillants se trouvent ostracisés, réduits à la condition de « bouffon ». Et le bouffon, dans la langue particulière des banlieues, ce n’est évidemment pas celui qui s’amuse à divertir, c’est le plus méprisé des êtres.

Il ne s’agit pas là d’un handicap qu’on pourrait essayer de traiter efficacement, comme la surdité ou la cécité : que peut-on faire pour celui qui refuse d’apprendre ? Est-ce la testostérone qui le perturbe ? Faut-il le châtrer ? S’il abdique et refuse de construire sa liberté, que peut-on y faire ? Sans doute le problème est-il plus complexe, et il est de fait qu’avant 68 ou dans des établissements dont le niveau s’est trouvé préservé, ces phénomènes n’apparaissent pas. Ils ne sont pas du tout la conséquence d’un quelconque sexisme, mais le résultat d’une entreprise de destruction de l’école qui commence au milieu des années 80 et qui est aujourd’hui arrivée à son terme. Pour expliquer ça en détail, un livre entier ne suffirait pas et je préfère, ici, y renoncer.

J’ajouterai que les injustices qui touchent les hommes m’affectent beaucoup moins, en raison d’une préférence tout à fait personnelle que j’assume et dont je n’ai pas honte, que celles qui touchent les individus de mon genre. Je peux même vous confesser, très cyniquement, et quitte à aggraver la sentence, que s’il ne restait plus que des femmes sur cette petite planète, et moi tout seul au milieu d’elles, je ne m’en porterais pas plus mal.





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