Très cher Merlinbum, voyageur immobile par vocation et par égocentrisme, je ne puis confirmer l’authenticité de la fable que vous rapportez, puisque je ne connais de votre Loire que ses ponts, et encore rarement franchis et toujours sans m’attarder…
Que voulez-vous, pour un du sud, dont les semelles sont, de plus, moins de vent que de glèbe c’est un passage redouté ! Sur l’autre rive c’est déjà l’estranger. Pourtant comme mes roues m’emportaient toujours vers les contrées (dont je sais que vous les chérissez aussi) qui sont liées à Morgane, vers cette forêt de Brocéliande si mitée par les cochons que ses enchanteurs légendaires ont du migrer depuis longtemps vers des lieux plus conformes à leur imaginaire et féconde majesté, je suis bien tenté de vous croire.
Car il m’est arrivé également, en particulier à l’aube ou au crépuscule, de surprendre dans les murmures de ma Garonne, d’aussi étranges propos. Très prudent, et un peu dur de la feuille, je me garderai bien de les rapporter ici. D’autant qu’il me semble, mais avec ces scintillements sur l’onde, ces restes de brume qui peinaient à s’en arracher, et ma vue en baisse, je ne puis en jurer, qu’il s’agissait plutôt de Viviane que de Morgane. Avec ces fées, de toute façon, comment être sûr ?
Tout ce que je consentirai à confier sur ce sujet, c’est qu’il était question d’inconnus, d’amitié, de rêve. De mots, quoi !