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Raphaël Zacharie de Izarra Raphaël Zacharie de Izarra 5 septembre 2006 15:02

Quand on met en scène sur des planches (ou sur la pellicule cinématographique) la Bible, Napoléon, Charlemagne, de Gaule ou Colomb, on ennoblit nécessairement la réalité.

Les scènes de théâtre avec sa gestuelle, ses codes, sa gestion artistique de l’espace, du mouvement -de même que les tableaux de maîtres avec leurs spécificités picturales-, ne sont pas le reflet « à la lettre » de la réalité. La réalité est plus décevante, triviale, ordinaire dans la forme. En termes visuels, « scéniques » et verbaux le réel est moins éclatant : rois, princes ou messies ne prennent JAMAIS des airs solennels et compassés tel qu’on se l’imagine, même quand ils communiquent des paroles immortelles... Et ce qu’ils disent avec des mots de marbre, si tant est qu’ils les prononcent vraiment ces fameux mots aux échos inextinguibles qu’on leur attribue, ils ne les clament JAMAIS avec cette diction parfaite, étudiée, « professionnelle » que nous miment avec grandiloquence les gens de théâtre ou ainsi que le suggèrent les livres enluminés.

La prétention d’un certain théâtre, la pompe des ouvrages pieux, l’artifice des tableaux, la gravité des statues, bref le mensonge esthétique, la fantaisie académique des arts en général, ont depuis des siècles façonné notre imaginaire de telle sorte qu’on ne peut plus concevoir ces illustres personnages historiques QUE dans des postures stéréotypées, caricaturales, quasi mythologiques, même quand ils sont représentés en train de faire des choses ordinaires de la vie quotidienne. Alors qu’en réalité ces personnages faisaient caca eux aussi, et joliment encore, aussi éthérés soient leurs regards dans les tableaux religieux et artistiques exécutés à travers les siècles. Nos grands peintres, sans grande imagination, se sont singés mutuellement avec leurs tableaux aux compositions scéniques irréalistes, invraisemblables, franchement improbables pour mieux ancrer en nous cet imaginaire de « Disneyland pour adultes cultivés ».

Les grands personnages pouvaient être pris d’une quinte de toux en plein discours « historique ». Ils pouvaient ne posséder aucun talent oratoire et s’emmêler les pinceaux en émettant ces mots sculptés dans l’airain qu’on leur prête, mots parfois ponctués de ratés, voire de lapsus, et même couverts par d’incongrus gargouillements d’estomac... Eux aussi. Pourquoi les grands personnages historiques auraient-ils spécialement le don oratoire, le don théâtral, le don de conteur pour parler aux foules, à leurs généraux, à la postérité ?

L’art a conditionné nos esprits de manière si éclatante qu’à la place d’hommes accessibles à la défécation l’on s’est mis à concevoir des demi-dieux toujours vêtus de toges, qui faisaient à tout bout de champs des effets de manches (profitant de ce qu’ils étaient vêtus de toges justement, le costume-cravate se prêtant moins à ce genre d’exercice), à croire en des sortes de supers pantins solennels 24 heures sur 24 qui ne se prenaient jamais les pieds dans le tapis, graves du matin au soir même quand ils dormaient...

La farce des immortels sketchs gréco-latins, romano-chrétiens, gallo-romantiques, charlemagno-romanesques dure depuis des siècles, le temps lustrant l’Histoire. Ce qui n’arrange rien.

Voilà pourquoi je dis que les toges, les statues et les panthéons aux lignes savantes sont des impostures.

Raphaël Zacharie de Izarra


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