• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Tristan Valmour 8 février 2013 13:35

Mon cher Luc-Laurent

Je ne crois pas que l’Homme soit une machine à imiter, mais une machine à rationaliser, c’est-à-dire à simplifier. Or, la simplification conduit à l’imitation, puisque les ressources dépensées par l’imitation, la standardisation, sont plus faibles. L’imitation est donc une conséquence, non une cause. Tu observes cela du niveau moléculaire au niveau social, et même au-delà.

C’est avec l’apparition des neurones miroirs (voir notamment Ramachandran) que l’humanité a connu un grand bond sur tous les plans, puisque nos ancêtres ont pu rationaliser la transmission des informations. Conséquence : évolution lamarquienne, non plus darwinienne.

Inhiber demande plus d’énergie qu’imiter. Or, c’est entre 16 et 35 ans (en comptant les grands écarts individuels, et les différentes théories cognitives), donc là où tes ressources physiques et cognitives sont les plus fortes, que la working memory permet le mieux d’inhiber les stimuli externes. Avant et après cet âge (environ), tes facultés attentionnelles sont plus faibles.

Au sujet de ton groupe de bébés : qu’adviendrait-il d’eux si on ajoutait une télévision ou une radio dans la pièce ? Le cri serait-il contagieux ? Dans ton exemple, tu t’es placé dans le cadre d’un seul stimulus. D’ailleurs, dans les nurseries où on diffuse de la musique il n’y a que peu de cris (et plusieurs bébés peuvent crier en même temps pour des raisons différentes qui ne relèvent pas forcément de l’imitation).

Supposons un bébé d’1 an qui joue dans son parc avec la télévision qui diffuse une émission où le mot « canard » revient plusieurs fois. A chaque fois qu’il saisit son éléphant en peluche, le mot « canard » sort du poste. L’enfant en viendra à appeler son éléphant canard. Imitation ? Non : bayesian learning.

Quand tu perçois une information, tu ne la perçois pas. Tu ne perçois que des bits. Ces bits, au départ sans aucun sens, prennent sens dans le cortex associatif (c’est plus complexe, je simplifie par manque de temps), s’appuyant sur ce qu’on appelle l’expérience. Tu reconstruits donc l’information. Si la séquence de bits est déjà en stock parce que tu y as été déjà confronté un certain nombre de fois auparavant, tu te dis que ladite séquence est similaire ou très proche de ton expérience…. et tu agis en fonction de ton expérience. Ce n’est pas de l’imitation, simplement de la rationalisation. Quand tu es confronté à une séquence de stimuli (donc à une expérience) inédite, tu mettras pour de temps pour la traiter, et plus de temps pour réagir (cortex moteur). Et c’est pour cela qu’on a une sécurité, le fight or flee et le stress. Ton expérience se matérialise au niveau du cortex associatif par des axones myélinisés qui sont par définition plus rationnelles (en ressources) grâce, par exemple, à la conduction saltatoire. L’information aura tendance à prendre le chemin le plus rapide, celui qui est tracé par ton expérience enregistrée dans ton cerveau.

Par conséquent, si tu mets en présence le bébé d’1 an pour qui l’éléphant est un canard, avec un bébé d’1 an pour qui l’éléphant est un éléphant, et que tu les laisses discuter du sexe des anges, qui va imiter l’autre ? Il y a fort à parier que c’est celui qui s’exprime le moins qui en viendra à appeler son jouet du nom accordé par son copain. Aussi, si c’est le bébé éléphant-éléphant qui s’exprime le plus, le bébé éléphant-canard appellera son éléphant « éléphant ». Parce qu’il imite ? oui, bien entendu, mais il s’agit d’une conséquence. En fait, il n’imite pas. En effet, les clusters qui contiennent l’expérience « éléphant-canard » ne seront plus sollicités, elle sera « oubliée » au profit de l’expérience « éléphant-éléphant » qui est continuellement employée et donc qui fait travailler les neurones.  

Si je te lis à voix haute des phrases qui parlent d’éléphants, et que je te demande de les substituer par des canards, tes ressources en working memory seront davantage sollicitées pour effectuer cette traduction que si tu n’avais pas à le faire. Par conséquent, en fonction de la difficulté de la phrase, tu pourrais ne pas la comprendre parce que tu ne disposerais pas d’assez de ressources pour effectuer cette tâche (phénomène de l’overflowing). Tu pourrais y arriver en splitant, ce qui consommerait plus de temps. Donc, mieux vaut employer un langage commun, pas parce qu’il y a imitation, mais parce que cela économise des ressources. Donc, comme la plupart des gens nomme « éléphant » un éléphant, l’appeler « canard » dépenserait trop de ressources.

Après, tu peux aller voir du côté d’Houdé (ton copain) qui a travaillé sur les nombres (le bébé s’étonne de voir 3 billes lorsqu’on ouvre le rideau, alors qu’il a été habitué – bayesian learning – à en voir 20 : il sait compter, distinguer peu et beaucoup).

Dans les entraînements sportifs où il faut être confronté à l’inédit (donc squizzer le processus d’imitation), on agit sur la working memory. Par exemple, si tu dois aller à droite de ton coach, tu tapes dans la main gauche, etc.

Sans transition, la dernière fois, tu m’avais demandé des sources sur les différentes expériences scolaires (je t’avais parlé d’écoles turques, allemandes, etc.). Tu trouveras de nombreuses informations en éducation comparée dans la revue INTERNATIONAL REVIEW OF EDUCATION.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès