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Philippe VERGNES 27 mai 2013 14:31

Concluez-en ce que bon vous semble Ôh vénérable habitant de Flatland. Ou peut-être ne vous ai-je pas reconnu, ne seriez-vous pas plutôt le roi de Lineland ???

Dans ce cas, veuillez pardonner mon arrogance Ôh gracieuse majesté, je n’avais pas idée du rang auquel vous apparteniez.

Juste quelques petites précisions au sujet du paradigme de simplification auquel vous vous attelez comme si votre vie en dépendez : « A trop s’accrocher au superflu, le nécessaire fait défaut » [Jean Guilaine] ; et « S’accrocher au connu, c’est rester prisonnier de l’ignorance » [Yvon Rivard].

Et pour finir, voici pourquoi les choix que vous proposez concernant l’explication de la phrase de Lacan « Le réel, c’est l’impossible » ne peuvent en aucun cas correspondre à l’analyse réductrice que vous en faîtes :

« La pathologie du savoir, l’intelligence aveugle :

Nous vivons sous l’emprise des principes de disjonction, de réduction et d’abstraction dont l’ensemble constitue ce que j’appelle le « paradigme de simplification ». Descartes a formulé ce paradigme maître d’Occident, en disjoignant le sujet pensant (ego cogitans) et la chose étendue (res extensa), c’est-à-dire philosophie et science, et en posant comme principe de vérité les idées « claires et distinctes », c’est-à-dire la pensée disjonctive elle-même. Ce paradigme, qui contrôle l’aventure de la pensée occidentale depuis le XVIIIe siècle, a sans doute permis les très grands progrès de la connaissance scientifique et de la réflexion philosophique ; ses conséquences nocives ultimes ne commencent à se révéler qu’au XXe siècle.

Une telle disjonction, raréfiant les communications entre la connaissance scientifique et la réflexion philosophique, devait finalement priver la science de toute possibilité de se connaître, de se réfléchir, et même de se concevoir scientifiquement elle-même. Plus encore, le principe de disjonction a isolé radicalement les uns des autres les trois grands champs de la connaissance scientifique : la physique, la biologie, la science de l’homme. La seule façon de remédier à cette disjonction fut une autre simplification : la réduction du complexe au simple (réduction du biologique au physique, de l’humain au biologique). Une hyperspécialisation devait de plus déchirer et morceler le tissu complexe des réalités, et donner à croire que le découpage arbitraire opéré sur le réel était le réel lui-même.

En même temps, l’idéal de la connaissance scientifique classique était de découvrir, derrière la complexité apparente des phénomènes, un Ordre parfait légiférant une machine perpétuelle (le cosmos) elle-même faite des micro-éléments (les atomes) diversement assemblés en objet et systèmes. Une telle connaissance fondait nécessairement sa rigueur et son opérationnalité sur la mesure et le calcul ; mais de plus en plus, la mathématisation et la formalisation ont désintégré les êtres et les existants pour ne considérer comme seules réalités que les formules et équations gouvernantes les entités quantifiées.

Enfin, la pensée simplifiante est incapable de concevoir la jonction de l’un et du multiple (unitas multiplex). Ou bien, elle unifie abstraitement en annulant la diversité. Ou, au contraire, elle juxtapose la diversité sans concevoir l’unité. Ainsi, on arrive à l’intelligence aveugle. L’intelligence aveugle détruit les ensembles et les totalités, elle isole tous ses objets de leur environnement. Elle ne peut concevoir le lien inséparable entre l’observateur et la chose observée. Les réalités clés sont désintégrées. Elles passent entre les fentes qui séparent les disciplines. Les disciplines des sciences humaines n’ont plus besoin de la notion d’homme. Et les pédants aveugles en concluent que l’homme n’a pas d’existence, sinon illusoire.

Tandis que les médias produisent la basse crétinisation, l’Université produit la haute crétinisation. La méthodologie dominante produit un obscurantisme accru, puisqu’il n’y a plus d’association entre les éléments disjoints du savoir, plus de possibilités de les engrammer et de les réfléchir. Nous approchons d’une mutation inouïe dans la connaissance : celle-ci est de moins en moins faite pour être réfléchie et discutée par les esprits humains, de plus en plus faite pour être engrammée dans des mémoires informationnelles et manipulées par les puissances anonymes, au premier chef les États. Or, cette nouvelle et prodigieuse ignorance est elle-même ignorée des savants. Ceux-ci, qui ne maîtrisent pas, pratiquement, les conséquences de leurs découvertes, ne contrôlent même pas intellectuellement le sens et la nature de leur recherche. Les problèmes humains sont livrés, non seulement à cet obscurantisme scientifique qui produit des spécialistes ignares, mais aussi à des doctrines obtuses qui prétendent monopoliser la scientificité (après le marxisme althussérien, l’éconocratisme libéral) à des idées clés d’autant plus pauvres qu’elles prétendent ouvrir toutes les portes (le désir, la mimésis, le désordre, etc.), comme si la vérité était enfermée dans un coffre-fort dont il suffirait de posséder la clé, et l’essayisme invérifié se partage le terrain avec le scientisme borné.

Malheureusement, la vision mutilante et unidimensionnelle se paie cruellement dans les phénomènes humains : la mutilation tranche dans les chairs, verse le sang, répand la souffrance. L’incapacité de concevoir la complexité de la réalité anthropo-sociale, dans sa micro-dimension (l’être individuel) et dans sa macro-dimension (l’ensemble planétaire de l’humanité), a conduit à d’infinies tragédies et nous conduit à la tragédie suprême. On nous dit que la politique « doit » être simplifiante et manichéenne. Oui, certes, dans sa conception manipulatrice qui utilise les pulsions aveugles. Mais la stratégie politique, elle, requiert la connaissance complexe, car la stratégie se mène en travaillant avec et contre l’incertain, l’aléa, le jeu multiple des interactions et rétroactions.[1] »

Mais aussi : « Je suis désormais persuadé que toute connaissance simplifiante, donc mutilée, est mutilante et se traduit par une manipulation, répression, dévastation du réel dès qu’elle est transformée en action, et singulièrement en action politique. La pensée simplifiante est devenue la barbarie de la science. C’est la barbarie spécifique de notre civilisation. C’est la barbarie qui aujourd’hui s’allie à toutes les formes historiques et mythologiques de barbarie »[2].

Le principe de disjonction est animé par une pensée spécifique, une pensée disjonctive : la pensée perverse en œuvre dans la perversion narcissique. Sortir de cet état nécessite d’en avoir conscience et dans votre aveuglement, et vos peurs de l’inconnu (défense de survivance), votre seul désir serez que je puisse me conformer à votre vision à vous. Et dans l’histoire, ce serait moi l’Inquisiteur ???

Cherchez l’erreur !!!

[1] Edgar MORIN, « Introduction à la pensée complexe », éditions du Seuil, Paris, avril 2005, pages 18,19 et 20, première édition en 1990 chez ESF éditeur.

[2] Edgar MORIN, « La méthode, la nature de la nature, tome 1 », éditions du Seuil, 1977, page 387.


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