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DACH 10 septembre 2013 13:01

Pour éclairer un peu...

La Perspective de Michel TOUMA

Guérir le mal par le mal... En schématisant, tel est le message que s’emploient à marteler, fort à propos, les dirigeants américains et français pour expliquer le bien-fondé d’une frappe contre le régime de Bachar el-Assad. Car une forte opposition se manifeste dans plus d’un pays contre une intervention dans le conflit syrien. Une opposition due sans doute à un puissant lobby, qui pourrait être à multiples facettes, s’appuyant sur « l’esprit munichois » de certains élus et responsables politiques ainsi que sur une faction de l’opinion publique par principe, et traditionnellement, réticente à toute opération militaire.


Cette aspiration à la paix dans l’absolu, au niveau de l’opinion publique, est certainement louable en soi. Elle a été à la base de l’initiative spectaculaire prise par le Vatican d’organiser, samedi dernier, une journée de mobilisation populaire, de jeûne et de prières un peu partout dans le monde. Sauf que dans le contexte spécifique présent, cette initiative a été perçue (c’est la perception qui compte) et a été présentée par certains médias non pas comme le reflet d’un attachement de principe, non conjoncturel, à la paix, mais comme une position ponctuelle hostile au projet de frappes occidentales contre la Syrie, et donc comme un appui, par ricochet, au régime Assad.

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De ce point de vue, le timing bien précis et la médiatisation de cette initiative du Saint-siège ont reflété une maladresse certaine, d’autant que rien de tel n’a été entrepris pour dénoncer les massacres au quotidien qui prennent pour cible, au moyen de l’aviation, des blindés et des missiles balistiques, la population civile syrienne. Il paraît paradoxal de prôner l’attachement à la paix alors que la finalité (le output) d’une telle attitude risque d’être exploitée par un pouvoir assassin qui donne libre cours à sa machine de guerre. Il aurait été sans doute plus judicieux de choisir un timing et une conjoncture qui écartent sans équivoque une telle exploitation partisane.
Ce comportement paradoxal s’applique surtout aux responsables politiques et à la frange de l’opinion publique occidentale qui s’opposent au projet de frappes, soit sous l’impulsion de « l’esprit munichois », soit sous l’effet d’une attitude pacifiste qui frôle le dogmatisme. Dans l’un et l’autre cas, le paradoxe nous apparaît à son apogée si l’on approfondit quelque peu l’analyse de la situation relative à la crise syrienne.


Encore une fois, il ne sera jamais superflu de rappeler le fameux précédent des accords de Munich, en 1938, qui apportent la preuve qu’il ne sert à rien de caresser dans le sens du poil un tyran aux ambitions meurtrières, sous prétexte d’éviter la confrontation ou pour préserver la paix. Les Libanais en ont fait l’expérience en 1969 lorsque le pouvoir en place a signé avec l’OLP le tristement célèbre Accord du Caire en vertu duquel l’État s’était départi de sa souveraineté sur le Liban-Sud dans le but d’éviter la guerre civile et un conflit armé avec les Palestiniens. Pour reprendre la formule de Winston Churchill, les Libanais avaient alors accepté le déshonneur de l’Accord du Caire, et ils ont eu droit quand même à l’affrontement entre l’armée et les organisations palestiniennes en 1973, ainsi qu’à la guerre civile en 1975...


Ce que l’opinion occidentale ne perçoit pas et que certains élus feignent de ne pas voir, c’est que, paradoxalement, l’absence de réaction ferme au déchaînement du régime Assad éloignera pour de bon toute perspective de solution politique et aura pour résultat direct de provoquer une grave escalade dans les opérations militaires. Et pour cause : tout laxisme au stade actuel après la tragédie de la Ghouta reviendrait à faire parvenir à Damas un message dont il ressort que le régime en place bénéficie désormais d’une impunité totale, qu’il n’a plus à s’inquiéter d’une quelconque réaction à ses actions meurtrières, et que de ce fait il peut faire feu de tout bois, bien davantage que ce qu’il a fait au cours des deux dernières années. La conséquence immédiate ne saurait être qu’une escalade dans les combats, et une aggravation de l’instabilité dans les autres pays de la région.


Inversement, une réaction forte à la récente utilisation des armes chimiques pourrait faciliter et paver la voie à une solution, fondée sur la mise en place d’un gouvernement de transition. La longue expérience douloureuse des Libanais avec le clan Assad, depuis le début des années 70 et jusqu’à nos jours, nous a appris tout au long des décennies passées, aux dépens de la stabilité et de la sécurité du Liban, que la logique d’une solution politique équilibrée et du dialogue d’égal à égal est totalement étrangère au vocabulaire du pouvoir qui contrôle la Syrie d’une main de fer depuis plus de quarante ans.


Plaider en faveur d’un « dialogue » avec le régime Assad revient à dire que le « dialogue » était possible avec Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale. Une solution politique n’est envisageable face à un tyran que si celui-ci est brisé ou s’il est suffisamment affaibli pour le contraindre à accepter qu’il n’est plus maître à bord.
Dans le cas de figure présent, Bachar el-Assad est effectivement réduit à sa plus simple expression, en termes de pouvoir réel. S’il parvient encore à tenir bon, c’est parce qu’il bénéficie du soutien massif, financier, militaire et politique de la Russie du président Vladimir Poutine, certes, mais surtout de l’Iran et du Hezbollah. Et c’est précisément à ce niveau qu’apparaît le deuxième grand paradoxe dans l’attitude des élus occidentaux et de la frange de l’opinion publique hostile à toute frappe militaire...


Sans l’appui de Téhéran et du Hezbollah sur les lignes de front, Bachar el-Assad n’est plus rien, en effet, sur l’échiquier régional et il ne tiendrait pas longtemps. Par voie de conséquence, toute attitude conciliante envers lui reviendrait à renforcer encore davantage l’Iran et le Hezbollah. Ceux qui s’opposent à une mise au pas sérieuse et radicale du régime Assad auraient ainsi contribué à accroître l’influence de Téhéran, lui permettant d’occuper une place prépondérante sur la rive orientale de la Méditerranée. Ils auraient aussi contribué à accentuer la puissance du Hezbollah alors même que l’Union européenne vient d’inscrire le parti chiite (pardon, sa « branche militaire » !) sur sa liste des organisations terroristes et que le parti chiite est depuis longtemps qualifié de terroriste par les États-Unis. Les pacifistes de la dernière heure auraient-ils oublié dans ce cadre que le Hezbollah a tout récemment été reconnu coupable d’actions terroristes en Bulgarie et à Chypre (pour ne citer que le cas de l’Europe) ? Auraient-ils oublié les attentats contre les quartiers généraux des marines et du contingent français de la Force multinationale à Beyrouth en 1983, la crise des otages français au début des années 80, la destruction du siège de l’ambassade US à Beyrouth, l’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamare, et l’enlèvement puis la liquidation du sociologue français Michel Seurat ?

 

Autant d’exemples qui s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie à long terme et qui illustrent les méthodes d’action privilégiées de ceux que ces « pacifistes » ménagent aujourd’hui et qui ne manqueront pas de revenir, tôt ou tard, à de telles méthodes d’action sur les territoires européen et américain, si rien n’est fait pour mettre le holà à leurs desseins hégémoniques et meurtriers. C’est alors, seulement, que le dialogue et la paix seront vraiment réalisables


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