Pour garantir l’indépendance de l’institution, il est acquis depuis
l’origine que le Conseil constitutionnel est le seul juge du respect par
ses membres des obligations qui s’imposent à eux. À ses yeux, et il l’a
affirmé avec netteté dans sa décision du 7 novembre 1984, « les
membres de droit du Conseil constitutionnel sont (…) soumis aux mêmes
obligations que les autres membres du Conseil constitutionnel ». La seule exception est le serment dont ils sont dispensés par l’article 3 de l’ordonnance de 1958.
En cas de manquement d’un membre de droit à l’obligation de réserve
ou à l’interdiction d’exercer des fonctions de responsabilité au sein
d’un parti, le pouvoir de sanction du Conseil est pourtant neutralisé.
Certes, l’article 10 de l’ordonnance de novembre 1958 offre au Conseil
la possibilité de constater la démission d’office d’un membre ayant
exercé une activité ou accepté une fonction ou un mandat électif
incompatible avec sa qualité. Le problème est que cette disposition ne
peut s’appliquer aux membres de droit comme mes ex-président de la République, puisque l’article 56 de la
Constitution précise qu’ils sont membres « à vie ».
Pour le moment, le droit repose donc sur le libre arbitre des
intéressés, leur volonté ou non de se plier aux obligations liées à leur
qualité de membre du Conseil constitutionnel.
Quant à Nicolas Sarkozy, il a déclaré, le 4 juillet 2013, qu’il « démissionnait » du Conseil constitutionnel après que ce dernier ait rejeté son compte de campagne.
La formule révèle sans doute une certaine ignorance du droit positif, car l’ancien Président ne peut pas « démissionner » du Conseil. Il peut se mettre en retrait, renoncer à siéger, mais un membre « à vie »
ne peut pas démissionner. Rien ne lui interdit donc en principe de
revenir siéger. Reste que si l’ordonnance de 1958 ne confère aucun
pouvoir de sanction au Conseil à l’égard des membres de droit, rien ne
lui interdit d’organiser la police de la séance, par exemple en refusant
de siéger si un membre de droit viole ses obligations.
La situation de Nicolas Sarkozy met en évidence le caractère inachevé de la révision de
2008 qu’il avait lui-même initiée. En introduisant la QPC dans le
contrôle de constitutionnalité, le Constituant aurait dû, en même temps,
faire du Conseil une vraie juridiction, dotée de règles et de
procédures garantissant son indépendance et son impartialité. La
présence des membres de droit est, à cet égard, un véritable désastre
juridique. Nicolas Sarkozy n’était-il pas membre du Conseil lorsqu’il
déposait devant ce même Conseil un recours contre l’invalidation de son
compte de campagne ? Il est peut être temps que le Constituant se
saisisse de la question, avant que la Cour européenne déclare que le
contrôle de constitutionnalité français n’est pas impartial.