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(---.---.37.70) 28 novembre 2006 10:57

Pfffff.. ; Attali ne peut pas être un vulgarisateur, étant doné qu’il ne connait rien à rien (c’est un mathématicien de formation, rien de plus). Donc celui qui, en tant que conseiller de François Mitterrand en 1981, a largement contribué à la catastrophe économique de la France ; qui en 1984, vu les dégâts, a décidé un virage vers le ni-ni, opération qui n’a fait qu’enrayer le désastre des nationalisations mais n’a pas permis de redresser la France ; qui (ancien maître des nationalisations) parachuté à la tête de la BERD (Banque Européenne de Redressement et de Développement) par Mitterrand, pour enseigner le capitalisme aux pays sortis du totalitarisme communiste, est obligé de démissionner pour dépenses injustifiées (dans la plus pure tradition mitterrandienne) : gaspillages de l’argent de la Banque (c’est-à-dire destiné aux pays pauvres de l’ancien bloc soviétique) à titre personnel (repas fastueux, déplacements en jet privé plus l’affaire du fameux marbre de Carrare) serait ni plus ni moins un prophète ! Mais regardons de plus près en quoi consistent ses prophéties.

Dans son livre Une brève histoire de l’avenir, Attali préconise : « D’abord, dans vingt à trente ans au plus, un repli des Etats-Unis sur eux-mêmes ; puis un univers polycentrique, avec une dizaine de nations dominantes ; puis, vers 2050, un monde sans Etats, marché mondial chaotique et flamboyant, que je nomme l’ « hyperempire », suivi par un conflit puis, si l’humanité survit, par une démocratie mondiale » (Entretien accordé à l’Express le 26 octobre 2006). Rien que ça ! « Le marché sera trop fort, personne ne pourra lui résister, continue Attali ; il instaurera l’« hyperempire ». La démocratie ne saura se mettre assez vite à la taille du marché : c’est bien ce que l’on a vu avec l’échec de la Constitution européenne. (...) Jérusalem est aujourd’hui le lieu de tous les conflits. S’il y a un gouvernement mondial demain, et il y en aura un, il pourrait se tenir là... ». Décidément, le védrinisme et l’utilisation du préfixe « hyper » (pourquoi pas « super » ?) a influencé aussi Monsieur Attali.

Mais pour savoir quelles seraient les chances de voir s’accomplir les prophéties « attaliques », faisons un retour en arrière. Il est utile de (re)découvrir les anciens écrits des « prophètes » et de mesurer leur véritable capacité à prédire l’avenir.

En 1974, Jacques Attali publie en collaboration avec Marc Guillaume un essai intitulé L’anti-économique (PUF) qui se veut « un livre d’initiation à une discipline indispensable pour la compréhension du monde contemporain ». L’anti-économique est une « critique de l’enseignement actuel de l’économie » (en 1973) qui ne tiendrait pas compte des « contradictions mouvantes dans toutes les sociétés qu’elles soient capitalistes ou socialistes : l’aggravation des conditions de la vie dans les villes, la persistance des inégalités dans la répartition des richesses et des pouvoirs, les gaspillages et l’aliénation provoqués par une société de consommation massive et de développement des organisations, les destructions du patrimoine naturel ». Difficile de comprendre ce que c’est que l’« anti-économique » mais facile de rendre compte de la tromperie des auteurs. Si leur constat est bien valable pour les pays socialistes, la fin des années 1960 et le début des années 1970 représentent la fin d’un cycle de création de richesses et d’amélioration des conditions de vie sans précédent dans les l’histoire de l’humanité. En trente ans depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l’Occident et les pays capitalistes étaient devenus les plus riches endroits sur Terre avec des niveaux de vie et de conforts jamais atteints nulle part. Mais en réalité, la cible des auteurs est la science économique en général : « Finalement il faut conclure que les machines de la macroéconomie sont des machines politiques. (...) Toute la science économique est d’abord politique », soutiennent les auteurs à la fin de la troisième partie du livre.

Malgré leur scepticisme à l’égard des modèles économiques, l’ouvrage est rempli de schémas, graphiques et tableaux pour la plupart complètement incompréhensibles. Ils sont, bien évidemment, contre la croissance économique, « facteur d’inégalités et de pauvreté ». « La croissance économique des pays riches crée les conditions d’une dépendance croissante des pays pauvres ». « Mais indépendamment de savoir si la croissance est souhaitable, il faut se demander si elle est encore longtemps possible ? ». Le progrès technique est « incertain » et « désordonné » et « seule la stratégie économique chinoise est le modèle à suivre. « Par son évidente réussite elle (l’expérience chinoise) inspire, au moins au niveau du discours, beaucoup de propositions dans les pays développés ». Celle-ci est basée sur « la propriété collective des moyens de production, sur l’égalitarisme économique ; sur la décentralisation géographique volontariste (maintenir 85% de la population à la campagne, en y installant les usines et les services) ; sur la remise en cause politique permanente (chaque cadre doit passer six mois dans une « école politique » où il reprend contact avec le travail manuel et la théorie politique). » Malheureusement, regrettent Attali et son comparse, « il est illusoire d’imaginer pouvoir en prendre (en Occident) quelques éléments de contexte politique... Toute réorientation dans ces nations (les nôtres) exige une rééducation et des progrès dans la connaissance de la croissance, dont nous sommes loin de disposer ». Ouf, nous l’avons échappé de justesse. Rappelons a nos lecteurs que le livre de Jacques Attali est paru en 1974, lorsque ce « modèle chinois » avait déjà provoqué des dizaines de millions de morts suite à la famine de 1959-61, aux dizaines de laogai (goulag chinois) et à la révolution culturelle commencée en 1966 et qui durera jusqu’en 1976.

Face aux échecs du capitalisme et du « socialisme bureaucratique », les solutions passent par « l’autogestion utopique ou le capitalisme des travailleurs ». « La théorie économique de l’utopie sera après tout, dans dix ou vingt ans, la pratique quotidienne des étudiants d’aujourd’hui ». Et le comble c’est que cet ouvrage a été réédité en 1990 et que les auteurs n’ont pas considéré bon de faire la moindre correction !

Cette « économie de l’utopie », Jacques Attali aura l’occasion de l’expérimenter sur les Français à l’occasion de l’élection de Mitterrand en 1981. Auparavant il l’avait théorisée dans un autre livre « prophétique » intitulé La nouvelle économie française, Editions Robert Laffont, 1977. « Quand commencera le XXIe siècle, la France sera devenue une filiale des Etats-Unis d’Amérique ou la matrice d’une nouvelle forme de progrès » écrit Jacques Attali dans l’introduction de ce livre où il s’inquiète, une fois de plus, de la « crise du capitalisme mondial ». Or, il n’est pas difficile de constater qu’aucune de ces deux prophéties ne s’est accomplie : la France d’aujourd’hui n’est devenue ni un satellite des Etats-Unis, ni un modèle de progrès pour le reste du monde. C’est même le contraire qui arrive, elle est dans une relation conflictuelle avec l’Amérique et en phase de déclin économique par rapport aux autres pays qui se sont orientés, depuis les années 1980, vers « la matrice d’autres formes de progrès » complètement différentes de celles préconisées par M. Attali.

Enfin, un dernier exemple de prophétie « attalique » tirée de l’ouvrage Lignes d’horizon, Fayard, 1990. « Les signes d’un déclin relatif de l’Amérique sont en effet convergents et irréfutables. (...) On ne voit pas ce qui pourrait, dans les dix ans à venir, inverser cette tendance : rien n’annonce en Amérique - à moins de quelque sursaut psychologique improbable - ni un redémarrage de l’effort d’investissement industriel, ni une hausse de l’épargne, ni la mise au point de produits nouveaux, ni une volonté commerciale conquérante ». La réalité est connue : à partir de 1992, les Etats-Unis allaient connaître l’une des plus belles périodes de prospérité économique de leur histoire, période qui d’ailleurs ne cesse de se prolonger.

Mépris du lecteur, persistance dans l’escroquerie intellectuelle, tromperie sur la marchandise, tout est bon pour faire vendre un livre. Comment peut-on encore accorder crédit à quelqu’un qui a décrédibilisé la France en Europe et à un auteur qui s’est toujours trompé ?


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