• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Philippe Astor Philippe Astor 5 décembre 2006 19:23

Bonjour Guillaume, et merci pour cette petite synthèse sur les industries culturelles. Je n’ai pas encore lu le rapport et je ne me prononcerai donc pas sur le fond de son contenu.

Je constate simplement que le même gouvernement qui a fait voter la loi DADVSI, légalisant ainsi des mesures de protection techniques qui ferment la porte au logiciel libre dans le secteur de la distribution numérique, veut désormais créer un pôle d’excellence français en matière de... logiciel libre. En soit, c’est plutôt contradictoire et finalement assez risible.

Par rapport aux extraits que tu cites, je lis quand même quelques belles conneries, comme par exemple, à propos de la SACEM : « Le monopole de fait de certaines sociétés de gestion induit un manque à gagner pour les créateurs », du fait de « l’absence de concurrence ». Si tu leur enlèves le mot « concurrence » de la bouche, ces gens là se montrent incapables de raisonner. C’est le Deux Ex Machina, ou plutôt la saignée du monde moderne.

Je crois que le manque à gagner est surtout pour les plateformes de musique en ligne paneuropéennes, c’est à dire essentiellement américaines aujourd’hui, qui, si la gestion collective des droits d’auteurs est ouverte à la concurrence en Europe, iront toutes s’adresser au mieux-disant (la Sacem lituanienne, par exemple), c’est à dire à la société qui rémunère le moins les auteurs, car ce n’est pas sur les frais de gestion que va se faire la plus grande différence.

Officiellement, les frais de gestion de la Sacem sont de l’ordre de 17 %, ce dont aucune ONG ne rougirait. Certains prétendent qu’ils sont en réalité de 24 %, ce qui voudrait dire que « le mammouth peut être dégraissé », comme dirait un ancien ministre, mais de là à tout dynamiter pour repartir de zéro, je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt des auteurs-compositeurs, qui font bien souvent partie du prolétariat de l’industrie musicale. A peine 2000 auteurs vievent de leurs oeuvres en France, si l’on s’en tient à un revenu moyen de 15 000 euros par an, ce qui n’est quand même pas la panacée.

Je ne suis pas contre une réforme des SPRD (sociétés de perception), une optimisation de leurs processus de gestion, la correction d’un certain nombre de dérives, etc. Mais je m’interroge sur les lobbies à l’oeuvre derrière un certain nombre de propositions.

En l’occurence, autant je crois que les SPRD doivent s’entendre pour mettre en place un guichet unique en Europe, afin de pouvoir accorder collectivement des licences pan-européennes, autant je suis convaincu que se contenter de faire jouer la concurrence serait surtout dommageable aux auteurs.

Je suis assez d’accord, par ailleurs, avec les auteurs du rapport sur la non extension des droits voisins sur les enregistrements (un rapport du gouvernement britannique vient de rendre le même avis), mais je trouve leur principal argument un peu léger, voire désobligeant (cette idée qu’on serait amenés à verser des droits à des interprètes décédés).

D’abord, c’est enterrer un peu vite Henri Salvador, Marcel Amont et quantité d’interprètes qui ont commis leurs premiers enregistrements dans les années cinquante et sont toujours en vie. Les producteurs ne se privent d’ailleurs pas de les instrumentaliser pour faire pleurer dans les chaumières, alors que ce qu’ils veulent surtout, c’est profiter du « long tail » sur leur fond de catalogue beaucoup plus lontemps.

Le véritable enjeu de cette question, en réalité, c’est la defense du domaine public, c’est à dire de ce qui relevant de la culture finit un jour par nous appartenir à tous, comme les concertos de Mozart. Mais c’est manifestement une notion bien étrangère à ces hérauts de la concurrence, à la laquelle je ne suis pas opposée, bien au contraire, mais je suis loin de considérer qu’elle constitue un remède miracle en toute occasion. La république (les affaires publiques) relève à mon sens d’une autre dimension que celle des marchés, à qui je ne me firais pas pour faire un certain nombre d’arbitrages, comme définir où commence le domaine public et où s’arrête la propriété privée.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès