@Gabriel
« … je l’avoue, je ne comprends plus ce
monde. »
L’erreur n’est-elle pas d’avoir
cru, à un moment donné, qu’il était compréhensible, qu’il pouvait être
compréhensible ? Je me souviens, il y a quelques années, je feuilletais un
vieux magazine du début du XXe siècle, genre Petit Journal illustré. Il y était question d’un tremblement de
terre, qui avait fait 200’000 morts, en Chine. Six mois plus tôt.
Le choc était à peu près
nul, tandis qu’aujourd’hui nous sommes pratiquement informés en temps réel. Alors,
si nous ne pouvons pas trouver en nous-mêmes le recul que les communications d’autrefois
nous fournissaient à l’insu de leur plein gré, je crains que nous ne soyons
déstabilisés en permanence
« Trop en retard, trop en avance, à
vrai dire je n’en sais rien, j’ai surement du louper une étape mais, quand je
vois ce genre d’individu trancheur de tête je me dis qu’eux aussi ont du louper
une étape et pas la moindre. »
Je ne pense pas que ce
soient eux qui aient loupé une étape, mais bien plutôt vous, notre
civilisation, moi, qui en avons sauté une ou plusieurs, en croyant que les
autres les sautaient en même temps parce que nous avons cru que notre évolution
à nous était à la fois contagieuse et héréditaire. C’est tout ensemble faux et
prétentieux, et on peut y voir une marque de supériorité apparentée au racisme.
« Par leur comportement sanguinaire ils me
font douter du bien fondé de la théorie de l’évolution des espèces de notre ami
Charles. »
L’évolution de la nature humaine,
on n’y croit plus, quand on se souvient que le degré de civilisation atteint
par l’Allemagne, n’a rien empêché dans la première moitié du siècle passé. Et
cela fait que quand j’entends quelqu’un prononcer la phrase bateau, et neuneu, « Comment est-ce possible qu’en 2015… »,
je pense à coup sûr ou presque à un naturel qu’on a chassé et qui revient au
galop, au trot ou au pas.
Pour conclure, je voudrais
ajouter ceci : vous dites ne plus comprendre ce monde, et je crois, pour
ma part, comprendre qu’il vous a déçu. Comme tout le monde, j’ai connu des
déceptions dans ma vie, pas des grosses, mais des déceptions et je me suis
avisé, un jour, que je n’avais jamais été déçu que par des gens et des choses,
au sens le plus large, que j’avais surestimés. Depuis que je me suis avisé de
cela, je ne surestime plus.