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ZEN zen 10 janvier 2007 13:53

Que penser de l’optimisme raisonnable de Fitoussi ?

Désolé pour ce nouveau copier-coller, mais l’article n’est plus accessible gratuitement.

Chat Dette publique : la France est-elle en faillite ? LEMONDE.FR | 03.01.06 | 17h08 • Mis à jour le 11.01.06 | 17h12

L’intégralité du débat avec Jean-Paul Fitoussi, président de l’OFCE, mercredi 11 janvier, à 15 h .

Le_citoyen : Est-il possible de parvenir à résorber entièrement la dette ? Et surtout, est-ce souhaitable ?

Jean-Paul Fitoussi : C’est certes possible, mais cela implique de nombreux sacrifices, car cela signifie que la politique budgétaire doit être durablement restrictive, ce qui a nécessairement des conséquences sur la croissance économique et donc sur l’évolution du niveau de vie en France. Et je crois que ce n’est absolument pas souhaitable.

Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. La première est qu’un agent actif qui investit est généralement endetté, précisément parce qu’il investit.

Deuxième raison : l’Etat ayant toujours le même âge - ce qui équivaut à dire que l’Etat vit éternellement -, n’a en réalité pas les mêmes contraintes de solvabilité qu’un agent privé. Or un agent privé s’endette. Par exemple pour l’acquisition d’un logement ou la création d’une entreprise. L’erreur que l’on commet généralement est de considérer l’Etat comme un ménage. Un ménage doit avoir remboursé l’ensemble de son endettement avant sa mort, si je puis dire. Alors que l’Etat peut ne jamais rembourser. Cela ne signifie pas qu’il est insolvable, cela signifie simplement qu’il peut maintenir constant son niveau d’endettement.

Troisième raison : le secteur privé a besoin de détenir des titres de la dette publique pour des raisons de sécurité. Les portefeuilles financiers des agents économiques sont constitués de titres plus ou moins risqués : des actions, des obligations sur les entreprises publiques et des titres de la dette publique. Or les titres de la dette publique sont les actifs les moins risqués. Il n’est donc absolument pas souhaitable que l’endettement d’un Etat soit nul.

Lolo78 : N’est-ce pas ce type de raisonnement qui amène justement à tort tous les gouvernements à puiser dans la dette comme dans un puits sans fond ?

Jean-Paul Fitoussi : Cette question permet de prendre la mesure du problème. L’augmentation de la dette publique en France n’a pas été différente de celle de la plupart des pays de l’OCDE. En d’autres termes, si l’on doit accuser le gouvernement français de laxisme, il faudrait aussi accuser tous les gouvernements des grands pays du monde de laxisme. La dette publique américaine est, en proportion du revenu national, au même niveau que la dette publique française. La dette publique moyenne des pays de la zone euro est supérieure à la dette publique française. Et je ne sache pas que, par exemple, cette évolution de la dette publique ait nui aux intérêts américains, ni à la croissance économique, ni aux revenus du secteur privé.

Je ne veux pas dire que toute dépense publique est légitime, le problème doit être plutôt posé en termes d’efficacité des dépenses publiques, de productivité des services rendus par l’Etat, plutôt qu’en termes de niveau d’endettement.

Phénix : Mais c’est justement la nature des « investissements » qui est « dettogène » depuis longtemps. De plus si l’Etat ne rembourse pas la dette, la charge d’intérêt diminue d’autant la capacité d’investir... à supposer que l’investissement soit efficace ?

Jean-Paul Fitoussi : Il y a plusieurs éléments dans cette question. Le premier est de dire que l’investissement public est « dettogène ». Cette affirmation est contre-factuelle, car en réalité, ce qui a caractérisé cette période en France, mais aussi dans les autres pays de l’OCDE, c’est une baisse de l’investissement public en proportion du PIB. Ce qui a conduit - en tout cas dans la zone euro - à l’augmentation de la dette, ce sont deux éléments : le premier, c’est le niveau des taux d’intérêt qui a été trop élevé en moyenne dans les années 1990 ; le second, c’est le chômage de masse.

Car il faut comprendre que la plus grande partie des dépenses de l’Etat représente des dépenses de protection sociale. Et ces dépenses de protection sociale elles-mêmes ne sont pas toutes à proprement parler des dépenses. Par exemple les retraites, la santé, les allocations-chômage. Donc on voit bien que par la médiation du chômage, ces dépenses ne pouvaient qu’augmenter. Un chômage de masse signifie moins de cotisants, moins de personnes imposables, en même temps qu’une augmentation nécessaire des dépenses de transfert, car on ne peut pas laisser les populations sans aucunes ressources.

Lolo78 : Les dépenses de fonctionnement de l’Etat (hors dette) sont constituées à plus de 75 % par les dépenses de rémunération des fonctionnaires.

Jean-Paul Fitoussi : Il est normal que l’essentiel des dépenses publiques - encore qu’il s’agit plutôt de 50 % - soient des dépenses de salaires. La raison en est simple : l’Etat est une « entreprise de services », et les entreprises de services ont un coût qui est constitué essentiellement par la masse salariale.

Donc la question ne se pose pas en termes de réduction de la masse salariale, mais en termes de productivité des services. Est-ce que la fonction publique est aussi productive qu’elle pourrait l’être, compte tenu de la qualité des fonctionnaires, qui sont généralement compétents, recrutés sur concours, et dont le niveau d’études est généralement plus élevé que dans le secteur privé ? On voit donc bien qu’il peut y avoir ici une marge de manœuvre pour augmenter la productivité dans les services, et donc pour réduire peut-être le nombre de fonctionnaires.

Maintenant, il faut reconnaître qu’on ne pourra pas aller très loin dans cette direction. Parce que l’essentiel des services qu’offre le personnel de l’Etat est ardemment demandé par les populations : les professeurs, les infirmières, les médecins, les policiers. Il y a donc une contradiction dans le discours un peu « Café du commerce » sur le nombre de fonctionnaires entre ce qui est exprimé explicitement par les gens et ce qu’ils demandent réellement. Ce n’est donc pas une équation simple.

François : Connaît-on la nature et la répartition des détenteurs de la dette française (particuliers, institutions, entreprises privées, français, étrangers) ? Cette structure peut-elle avoir une incidence sur la soutenabilité de la dette ?

Jean-Paul Fitoussi : Deux choses : la première, c’est que la dette française est tout à fait soutenable. Le Japon a une dette égale à 129 % du PIB, contre 66 % pour la France, soit presque le double. L’Italie a plus de 100 %. Et on ne se pose aucun problème de soutenabilité de la dette pour ces pays.

D’autre part, le service de la dette en France diminue, contrairement à ce que les Français croient. Pourquoi ? Parce que le taux d’intérêt est bas et que les gestionnaires de la dette publique française ont été assez intelligents pour profiter de ces bas taux d’intérêt. Par exemple, la France, l’année dernière, a placé un emprunt de 6 milliards d’euros à 50 ans à un taux d’intérêt de 4 %, ce qui est très bas.

Pour en revenir précisément à la question posée, l’essentiel des détenteurs de la dette publique en France, ce sont évidemment les institutions financières et les ménages. Maintenant, la dette publique française est détenue à peu près à 50 % par des étrangers. Mais en contrepartie, les Français détiennent dans leur portefeuille des titres étrangers. Donc cette structuration des détenteurs de la dette ne pose aucun problème en termes de soutenabilité.

Ce qui importe n’est pas tant le montant de la dette brute d’un pays, comme pour un individu. Lorsqu’un individu me dit qu’il a 1 milliard d’euros de dette, cela ne me dit rien sur sa richesse effective. Ce milliard d’euros de dette peut être compensé par un patrimoine valant plusieurs milliards d’euros : immeubles, usines...

« IL N’Y A PAS LE FEU EN LA DEMEURE »

L’essentiel pour juger de la soutenabilité d’une dette, c’est la capacité d’épargne du pays, qui signifie la capacité d’accumulation de richesses par un pays. Or il se trouve que lorsqu’on raisonne selon cette variable de solvabilité, la capacité de l’épargne de la France (20 %) est beaucoup plus élevée que la capacité d’épargne anglaise ou américaine, qui sont inférieures à 10 %.

Donc déclarer la France en faillite, compte tenu de son taux d’épargne, serait déclarer la faillite de l’ensemble des pays riches de la planète, qui ont généralement une dette publique au moins aussi importante, et une capacité d’épargne moyenne plus faible.

Je veux dire par là qu’il faut prendre la mesure du problème. Il n’y a pas le feu en la demeure. La France est considérée comme un pays totalement solvable par l’ensemble des agences de notation. Cela ne signifie pas qu’il ne convient pas de faire encore et toujours des efforts pour mieux utiliser les deniers publics. Et donc qu’il faut en permanence à la fois faire des économies lorsque la possibilité apparaît, et procéder à des investissements lorsque l’on juge qu’ils sont rentables.

Ben : Nos politiques alors biaisent-ils le débat ? Selon leurs dires, nous aurions atteint un seuil intolérable...

Nymbus_1 : La dette publique est-elle donc instrumentalisée à des fins politiques, pour faire passer des réformes dont on ne voudrait pas sinon ?

Jean-Paul Fitoussi : La dette publique a toujours été instrumentalisée à des fins politiques. Il faut comprendre que le vote annuel du budget est l’acte politique majeur de la nation. En soulignant le caractère élevé de la dette - personne n’a dit qu’elle était insoutenable - on favorise les réformes qui consistent à baisser les dépenses publiques. Car pour faire en sorte que la dette diminue, il faut réduire le déficit budgétaire, et comme aujourd’hui il est quasiment impossible - pour des raisons de concurrence fiscale en Europe - d’augmenter les impôts, cela signifie qu’il faut réduire les dépenses. C’est le message.

Je n’ai rien contre la réduction des dépenses publiques si elle ne réduit pas la qualité des services rendus aux populations par l’Etat. Mais par définition, la réduction des dépenses publiques ne peut pas être à elle seule un objectif final de la politique économique. Les vrais objectifs de la politique économique, ce sont le plein emploi et l’augmentation des niveaux de vie.

Si, pour atteindre le plein emploi et pour augmenter les niveaux de vie, il faut investir davantage, et donc encourir de façon transitoire des déficits supplémentaires, tant mieux ! Alors que si, pour réduire la dette publique, alors qu’elle est loin d’être à un niveau insoutenable, on doit renoncer à la croissance et à l’emploi, cela signifie qu’on marcherait sur la tête.

Gwen : Existe-t-il une marge au-delà de laquelle la dette publique peut être dangereuse pour un pays ?

Jean-Paul Fitoussi : Certainement oui, mais on ne la connaît pas. Ce serait un niveau d’endettement si élevé qu’il impliquerait le renoncement aux dépenses publiques nécessaires à assurer la cohésion sociale. Mais on est très loin. Et de surcroît, les théoriciens de l’économie n’ont pas pu s’accorder sur une définition du niveau d’endettement optimal....." (à suivre)


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