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En réponse à :


Vincent Benard Vincent Benard 6 mars 2007 19:12

Beaucoup de commentaires intéressants, je vais tenter de répondre à quelques uns, désolé pour les autres...

@ gentil diable : « Réduire la progressivité de l’impôt, c’est considérer que 1 euro vaut 1 euro, alors que cet euro ne vaut presque rien quand il est dans la poche d’un millionnaire et qu’il est très important pour un SDF... »

Votre question est très importante. A dire vrai, je l’espérais un peu.

Votre argument fait référence à la rhétorique de « l’utilité marginale décroissante » du dernier euro gagné, langage barbare pour dire qu’ effectivement, un euro en plus a plus d’utilité immédiate pour quelqu’un qui a faim que pour quelqu’un qui ne sait plus quoi faire de son argent.

Cette théorie, bien que largement diffusée par moult économistes, me paraît hautement réfutable. Mais avant d’entrer dans la réfutation proprement dite, rappelons que

1)la plupart des propositions de Flat Tax, comme celle de Hall et Rabushka, ou celle de Steve Forbes, proposent une exemption forfaitaires des premiers euros (ou dollars) de revenu, correspondant peu ou prou au seuil de pauvreté. La Flat tax devient en fait, ainsi, une taxe « faiblement progressive ». (un commentateur a dit « gare à l’effet de seuil » : non, l’imposition ne concerne que les sommes au dessus du seuil en question, on ne risque pas de voire son revenu après impôt diminuer alors que le revenu avant impôt à augmenté)

La plupart des économistes libéraux sont d’accord pour dire que les impôts directs ne doivent pas être payés par les plus pauvres, parfois pour des raisons morales, parfois, même si, je vous l’accorde, c’est cynique, parce que mettre en recouvrement des micro-sommes coute plus cher que ça ne rapporte.

2)Certaines propositions de Flat Tax vont plus loin et proposent de coupler la Flat Tax avec un impôt négatif. Dans un tel système, on calcule la Flat Tax dès le premier euro de gains, mais on lui retranche une somme forfaitaire en fin de calcul. Si le résultat est négatif, l’impôt se transforme en chèque émis par le Fisc vers le contribuable. Naturellement, pour le financer, le taux de la flat tax payé par les ménages imposables doit être augmenté.

Bref, les Flat Tax « bien dessinées » ne constituent pas une pénalité pour les pauvres, bien au contraire, surtout si on peut les gager partiellement sur des baisses de TVA !

La page de wikipedia sur la flat tax explique tout cela très bien. .

Passons à la réfutation concrète de l’utilité marginale décroissante :

Certes, l’euro gagné par le très riche est moins « utile » dans une perspective de consommation immédiate. Mais l’utilité est un concept large qui peut aussi s’apprécier de façon collective. Et dans ce cas, l’utilité de l’euro gagné par « le riche » reprend des couleurs. (un libéral qui vous parle d’utilité collective... Je sais, c’est louche smiley )

En effet, celui qui a beaucoup d’euros en banque peut les encadrer au dessus de son lit ou les garder sous son matelas, mais gageons qu’il n’aura de cesse que d’en réinvestir au moins une partie, surtout si la part qu’on lui laisse est grosse, et surtout si ces nouveaux investissements ont une perspective de rendement intéressant notamment grâce à une fiscalité raisonnable.

Bien sûr, tous les investissements ne se valent pas, mais l’investissement productif, lui, a une utilité sociale énorme. En effet, c’est cet investissement productif qui, lorsque l’investissement est couronné de succès, permet à de nouvelles offres d’émerger, permettant de satisfaire les besoins du public à des coûts réduits, ou de satisfaire des besoins précédemment non pris en compte. Bref, cet investissement augmente le pouvoir d’achat réel des individus, de TOUS les individus.

C’est grâce à ce mécanisme que le temps de travail moyen nécessaire pour remplir un panier de ménagère type a été divisé par deux entre 1970 et 2005 (chiffre cité de mémoire d’après le dernier opus de Jacques Marseille que je n’ai pas sous les yeux).

C’est également grâce à ce mécanisme que des produits initialement considérés comme luxueux sont devenus « mainstream », comme l’automobile, le téléphone, l’électroménager domestique, les vacances, le traitement des ulcères à l’estomac, et des milliers d’autres.

L’utilité marginale de l’euro gagné par « le riche » doit donc s’apprécier à l’aune de sa capacité à s’investir dans des projets créateurs de valeur ajoutée dont un très grand nombre de consommateurs peut profiter.

Tarir exagérément la source de cet investissement productif en taxant exagérément ceux qui peuvent faire cet investissement, pour payer les frais de fonctionnement d’un état dont les réussites productives se comptent sur les doigts d’une main, contrairement à ses échecs innombrables, est très dommageable.

@ plusieurs : à propos de la « confusion » entre impôts et cotisations sociales : sachant qu’un article doit rester dans des limites raisonnables pour avoir une chance d’être lu, j’ai sans doute voulu aller trop vite sur ce thème. Il va de soi qu’une remise à plat de la fiscalité pourrait également s’entendre en basant l’assiette des nouveaux impôts remplaçant les anciens sur « le salaire complet » (cf commentaire de « Radix »), incluant les cotisations salariales et patronales... J’ai voulu exposer ici des grands principes généraux, pas ré-écrire toute la structure de la fiscalité française, ce qui dépasserait les capacités d’un individu solitaire n’ayant pas accès aux statistiques de Bercy sur les assiettes fiscales des différents impôts... (Bercy ne donne pour bcp d’impôts que les produits fiscaux, il faut faire des déductions sur les assiettes pour pouvoir faire un peu de prospective fiscale).

@decurion :

« S’agit il d’un phénomène de réfraction de la pensée, mais il me semble qu’entre le problème posé et la solution proposée , on est passé du coq à l’âne ! Etre partisan d’une baisse du taux d’imposition est une position, comme une autre, pourquoi s’embarrasser de faux prétextes ? »

Sans doute ai-je voulu aller trop vite à la conclusion. Ce sont avant tout les taux marginaux élevés qui désincitent à la production de valeur. Un impôt progressif mais avec une tranche maximale raisonnable constituerait un progrès majeur par rapport à la situation actuelle. Toutefois, l’expérience des impôts à taux uniques (sans niche fiscale et à taux marginal faible, donc) semble montrer à ce jour qu’elle est encore plus efficace que l’impôt progressif à tranche maximale modérée pour réduire les incitations à la fraude.

@ le Chat si vous relisez le paragraphe suivant celui que vous incriminez, j’écris que :

« Ces deux remarques liminaires ne sauraient constituer une justification morale de la fraude. En effet, l’Etat compense le manque à gagner qui en résulte par des taux d’imposition plus élevés sur ceux qui, par civisme ou par manque d’opportunité de contourner le code des impôts, paient le plein tarif. L’équité vis-à-vis de ces contribuables honnêtes impose donc que des dispositions concrètes soient prises pour limiter la fraude. »

Voilà qui semble t il répond à votre objection.

@ Gygabyte-land : « pour supprimer la fraude, il faut supprimer l’impôt » : votre ironie constitue un détournement de mon texte, mais elle n’en cache pas moins une vérité importante :quelque soit la douceur des taux retenus, il y aura toujours des fraudeurs irréductibles, des malhonnêtes maladifs et des blanchisseurs d’argent douteux... La nature humaine est ainsi faite qu’il y a des gens tricheurs par nature, quel que soit le système dans lequel il vivent.

Toutefois, la Flat tax s’adresse au « fraudeur rationnel » : il convient de faire comprendre aux fraudeurs que s’exposer à des poursuites pour environ 20% de leur revenu, voire moins, n’a pas d’intérêt. (Je ne l’ai pas écrit, mais sous réserve que l’impôt soit raisonnable et que la procédure de redressement soit respectueuse de la défense, deux conditions actuellement non remplies chez nous, je suis favorable à des condamnation pour fraude assez sévères)


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