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ikoff (---.---.181.108) 12 mars 2007 20:12

Bonsoir,

Merci pour tous ces commentaires, voici quelques précisions :

Ce qui est nouveau c’est que dans un cas (l’ancien modèle) le régulateur cherche à obliger l’acteur du marché à respecter la règle sans se soucier de son comportement et de la manière dont il va y répondre. C’est l’attitude qu’on souvent les députés par exemple dans la régulation de l’utilisation de l’alcool dans les boisson alcolisées du type Prémix. En 2005, le député Le Guen se plaignait de l’impuissance de l’Assemblée Nationale à pondre un texte qui ne soit pas sans cesse détourné...(sur une émission de France 2 sur l’alcoolisme je crois). Car une fois la règle édictée et promulguée, le sport national des acteurs consiste à trouver la parade et les voies « légales » de contournement. Car dans le principe de cette forme de régulation TOUT CE QUI N’EST PAS INTERDIT EST AUTORISE !!!. Quel gâchis peut on penser !!! Mais la réalité, à chaque fois, c’est que la règle n’est pas faite pour faire en sorte de règler le problème mais plus pour dire qu’on a fait une loi qui dans la réalité ne fait que déplacer le problème. A qui profite le crime ? Je laisse à votre sagacité la réponse à cette question...

Dans ces nouvelles formes de régulation du type Bâle II, Reach ou Offshore, la forme même de la régulation prend en compte l’ensemble des réponses que l’acteur du marché peut choisir de mettre en oeuvre. Et l’intérêt du régulateur est de faire en sorte que les scénarios qui vont aller dans le sens qu’il souhaite sont gratuits (pas pénalisables) et ceux qui vont à l’opposé de sa volonté de gendarme du marché deviennent les plus coûteuses (jusqu’à une interdiction d’exercer sur le marché !). Charge à l’acteur du marché de choisir librement ce qu’il a envie de suivre comme stratégie. C’est directif, mais cela laisse à l’acteur du marché les moyens, le planning et la manière d’y parvenir. Par conséquent, les mesures qui sont les plus vertueuses deviennent les moins coûteuses pour lui. Quand on sait ce que coûte la mise en conformité, mais surtout le risque de ne pas être en conformité réglementaire, cela laisse à réfléchir aux décideurs des acteurs.

EXEMPLE : un acteur qui choisirait de répondre à la réglementation à minima va payer moins à court terme, mais il pourra prendre le risque de payer 2 fois sur une longue période. A contrario, un acteur qui choisirait la stratégie d’utiliser l’opportunité de la mise en conformité comme une modification de sa culture d’entreprise, devrait payer un peu plus la première fois, mais il n’aurait pas à payer 2 fois. En plus, en modifiant sa manière de concevoir sa production et ses processus de façon à se placer dans l’esprit de la règle, cela va lui permettre de gagner du temps lorsqu’il va créer de nouveaux produits. Un temps qui lui permettra d’être plus vite autorisé à vendre ses produits et services, un gain qui se traduira en chiffre d’affaire et en avance concurrentielle sur ses concurrents. Voici un exemple de cascade de conséquences que peut provoquer l’utilisation de la contrainte réglementaire comme une source de gains de productivité et de réduction des risques donc des coûts...

Ce cas, pour Bâle II s’est vérifié en France entre la Société Générale et BNP Paribas. Au début de Bâle II, ce qui se dit dans les coulisses c’est que le PDT de la SG a tenté de faire du lobbying auprès du comité de Bâle et de la Commission Européenne pour faire en sorte que Bâle II se passe dans une continuité de ce qu’avait été Bâle 1 ( c’est-à-dire une réglementation à l’ancienne). Au contraire, la BNP a investi massivement sur son projet de conformité réglementaire (tout comme le Crédit Agricole) dés le départ. Mais aprés quelques mois ou le projet BII de la SG restait assez peu vigoureux, car son pdt espérait faire changer la façon dont la règle devait s’appliquer, il y a eu un très vif rappel à l’ordre de la SG et l’équipe projet à soudain considérablement gonflée car perdre du temps devenait un risque de ne pas être prêt pour la date de mise en œuvre de Bâle II. D’autres banques on préféré suivre et se mettre à minima... Au final, les banques qui ont appris à bien connaître et gérer leurs risques opérationnels ont pris une avance sur les autres acteurs du marché, ne serait ce que par la création d’historiques de données qui renforcent leurs modèles...

Prenons Reach maintenant, le nombre initial de substance prévue était de 100 000. Aprés la négociation le chiffre final est de 30 000. L’effort de mise en conformité représente un effort financier considérable de toute l’industrie chimique européenne. Mais les 70 000 autres substances non prise en compte par Reach restent tout autant nocives ! Mais il suffira que la nocivité de certains produits pour les populations soit prouvée et la liste de ces 30 000 augmentera. Le régulateur jouera son rôle et l’esprit de la règle aura permis de faire en sorte qu’à l’avenir, « inventer une nouvelle substance chimique » passe par le filtre d’une analyse des risques que ce produit puisse faire prendre à des utilisateurs, des voisins, des salariés (des parties prenantes ou stakeholders) et ce ex anté, c’est à dire avant la mise sur le marché du produit. Car l’acteur sera averti des risques qu’il prend dans son modèle économique : la rentabilité du produit vendu devra être calculée en fonction des coûts de R&D, des coûts traditionnels d ’autorisation de mise sur le marché, mais devra aussi inclure les risques que le produit puisse éventuellement faire prendre aux parties prenantes qui l’utiliseront.

Pour conclure, je dirais que ce mode de régulation permet de faire en sorte que le producteur intègre dans sa démarche plus de pro activité et plus d’anticipation des coûts à moyen et long terme qui peuvent apparaître. Pour une entreprise cet élément peut laisser dubitatif certains des lecteurs d’Agoravox. Mais pour des investisseurs, ces coûts cachés peuvent représenter des risques qui pèsent potentiellement (ou non) à long terme sur les entreprises où ils placent des capitaux. Donc peser sur les probabilités de gains à acheter telle ou telle action. Et les investisseurs ont horreur des incertitudes sur les informations qui sont transmises aux marchés (d’où la pression qui leur est imposée notamment avec Sarbannes Oxley, LSF...) et recherchent en permanence des informations parfaites (au sens des probabilités conditionnelles de Bayse) Et là apparaît toute la logique de la corporate gouvernance qu’elle soit d’entreprise ou d’état. Car quel CEO va prendre la responsabilité dans ses analyses de risques et dans ces choix stratégiques de ne pas prendre en compte les coûts d’images et de réputation sur la mise sur le marché de produits non fiabilisés ?

Je m’arrête là car on voit tout de suite qu’il n’est pas possible de dissocier le mode de régulation (les nouveaux) des principes de corporate gouvernance que les entreprises instaurent pour elles mêmes, imposées d’abord par leurs actionnaires (shareholders) puis ensuite par leurs parties prenantes (stakeholders), des principes imposés par les Etats et les groupes d’Etats (G10 et Bâle II), Reach et Commission Européenne.

Enfin, ce propos était proposé en partage en faisant mention du candidat François Bayrou car il a mis en doute l’indépendance des médias dans le concert des politiques et que cet outil (les Safety cases) peut être utilisé dans cette logique. Merci pour votre temps...


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