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Renaud Bouchard Renaud Bouchard 29 novembre 2018 09:35

@BA
Bonjour et double merci pour votre visite et votre commentaire.
Le lien auquel vous renvoyez est très intéressant et donne une vision assez précise du bulletin de température du jour.
« Diluer la grogne et non la dissoudre ».
Il me semble que l’opération entreprise par M. Macron est déjà un échec.
Il ne s’agit pas de « diluer » la grogne mais bien d’y répondre, de manière immédiate et non dans trois mois en attendant la survenance de premiers résultats économiques positifs.
L’opposition de deux déterminations, celle du chef de l’Etat et celle des Français (par le biais des Gilets jaunes) conduit immanquablement à une confrontation dans la mesure où une seule chose importe désormais  : la question du pouvoir d’achat, qui traverse toutes les sensibilités politiques comme le montre le sondage précité.

Les Gilets jaunes sont en train de cristalliser une véritable détestation à l’encontre de M. Macron et de tout ce qu’il représente, de telle sorte que quoiqu’il fasse (entrevues avec le ministre de la Transition écologique F. de Rugy ou le Premier ministre E.Philippe), il demeurera de plus en plus inaudible.

La réalité à laquelle chacun va désormais s’intéresser relève de faits qui sont ravageurs, telle l’absence de coup de pouce au SMIC le 1er janvier prochain, la mise en place de l’impôt à la source qui s’invite déjà dans 8 millions de feuilles de paie et la prise de conscience des effets d’une très longue période de stagnation du pouvoir d’achat.

cf. à ce propos l’intéressant billet de F. Bourguigon publié dans le quotidien Les Echos de ce 29 novembre 2018 https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0600234265643-la-longue-periode-de-stagnation-du-pouvoir-dachat-et-ses-effets-2225758.php

Cordialement, Renaud Bouchard

LE CERCLE/POINT DE VUE - La France connait une longue crise du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Les manifestations contre la politique fiscale d’Emmanuel Macron n’ont donc rien de surprenant. 

Certains ont comparé le mouvement des « gilets jaunes »  aux jacqueries médiévales qui soulevèrent à plusieurs reprises la paysannerie contre la noblesse en réaction à une pression fiscale insupportable.

L’argument fiscal est effectivement au premier rang des revendications du mouvement en cours, bien qu’il se soit focalisé sur un impôt particulier. Il est cependant difficile de ne pas attribuer la colère des manifestants et le soutien qu’elle reçoit dans l’opinion à la stagnation des niveaux de vie, la plus longue que l’on ait observée dans la France de l’après-guerre, ainsi qu’au vif sentiment d’inégalité suscité par des réformes fiscales récentes à l’avantage des plus aisés.

Neuf à dix ans de stagnation

L’évolution du pouvoir d’achat des ménages sur le dernier demi-siècle peut être décrite comme un processus de croissance à peu près continu à un taux annuel d’environ 1,5 % si ce n’est pour deux interruptions. La première dure environ six ans. Elle va du second choc pétrolier en 1979 à 1985, année de reprise après la crise qui suit les dévaluations Delors et le « plan de rigueur » de 1983. 

La deuxième est plus courte ; elle correspond à la crise européenne du début des années 1990. Nous sommes aujourd’hui dans la troisième période. Elle commence avec un fort ralentissement du pouvoir d’achat au lendemain de  la débâcle financière de 2008. Le pouvoir d’achat moyen des ménages français baisse après 2010 avec la crise de l’euro et les politiques d’austérité, et ne rebondit timidement qu’en 2014. 

Fin 2017, il avait crû au taux annuel presque négligeable de 0,1 % sur une période de neuf ans, un événement inédit dans la France contemporaine. Si les prévisions de l’OFCE se révèlent exactes, ce seront même dix ans de stagnation fin 2018.

Niveau de vie d’avant-crise

Une croissance pratiquement nulle pour la moyenne des ménages français implique que le niveau de vie de certains ait décliné et augmenté pour d’autres. C’est bien ce qui ressort des données de distribution des revenus. On constate ainsi que le pouvoir d’achat des 20 % ou des 50 % les plus pauvres a décliné (respectivement 5 % et 3 %) de 2008 à 2012, tandis que celui des 10 % les plus riches avait repris sa croissance après le choc de la crise financière. 

Les mesures redistributives de la présidence Hollande puis la timide reprise économique en Europe ont ensuite inversé cette tendance, avec une chute des hauts revenus et une lente récupération des bas revenus. En 2016, dernière année disponible, aucun de ces groupes de ménages n’avait retrouvé son niveau de vie d’avant-crise, leur perte par rapport à ce niveau étant encore supérieure à 1 %. 

Elle sera probablement proche de zéro lorsque les données 2017 seront disponibles. Au total, et contrairement à ce qui est souvent dit, l’inégalité des revenus ne se sera pas aggravée sur l’ensemble de la période, malgré une hausse au lendemain de la crise financière.

Atmosphère sociale explosive 

Au vu de cette longue crise du pouvoir d’achat des ménages à faible revenu, les manifestations contre la présidence d’Emmanuel Macron n’ont pas de quoi surprendre. 

L’absence d’amélioration des revenus malgré les promesses de campagne, les effets trop lointains des réformes structurelles en cours et, surtout, des mesures fiscales ouvertement régressives (ISF, APL, CSG sur les retraités) ont créé une atmosphère sociale où la moindre étincelle risquait de faire exploser le mécontentement. Elle est venue de la fiscalité écologique combinée avec une hausse des prix pétroliers et une appréciation du dollar. Mais elle aurait aussi bien pu venir d’ailleurs.

Une approche plus globale sera nécessaire pour désarmer le mécontentement.

Dans ces conditions, un aménagement de la taxe carbone ou toute forme de compensation n’atténuera que momentanément la tension sociale causée par une trop longue stagnation du pouvoir d’achat moyen parmi les ménages les moins favorisés, le véritable appauvrissement qu’elle implique pour certains d’entre eux, l’absence de perspectives d’amélioration nette et durable et, finalement, le sentiment aigu d’injustice dû aux réformes fiscales régressives du début du quinquennat Macron. Une approche plus globale sera nécessaire pour désarmer le mécontentement.

François Bourguignon professeur à Paris School of Economics.


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