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Christian Labrune Christian Labrune 18 avril 2019 13:11

La plupart des articles que j’ai lus sur AgoraVox montrent bien l’effondrement actuel du niveau de culture en France. Cette relation qu’on établit entre les sommes qu’il va falloir dépenser pour Notre-Dame et la question sociale est parfaitement incongrue.

Qu’il soit plus urgent que jamais de résoudre les problèmes sociaux à une époque où l’intelligence artificielle va bientôt supprimer le travail humain, c’est un fait, mais ce qui a fait la grandeur des civilisations et qui a été la cause de leur développement et de l’avènement même des principes démocratiques, c’était leur articulation à des questions qui sont radicalement étrangères au domaine de l’utilité.

A quoi devaient servir les grandes pyramides du plateau de Gizeh ? A rien, ou presque rien. Les ouvriers qui les ont construites (et qui n’étaient pas des esclaves !) savaient bien qu’ils n’en profiteraient pas pour leur propre voyage dans l’au-delà. Les cathédrales n’ont jamais eu la moindre utilité dans ce monde. A quoi servent aujourd’hui les trésors entassés au Louvre et dans tous les grands musées ? A quoi servent les grands jardins de Paris où l’on ne cultive rien qui puisse être bouffé ? A quoi servent tant de monuments somptueux du Père-Lachaise, qui n’abritent que des morts ?

Pourquoi l’Etat ne vendrait-il pas les collections du Louvre pour financer les « restos du coeur » ? Dans cette immense bâtisse vidée de tant d’oeuvres absolument inutiles, il y aurait de la place pour loger tous les SDF de Paris et de sa région.

A l’époque de la grande terreur, où le bourreau Sanson, sur l’ancienne place Louis XV s’efforçait chaque jour, grâce à la machine du bon docteur Guillottin, de dépasser le rendement de la veille, des imbéciles martelaient les statues aux tympans des églises ; on les a transformées, y compris Notre-Dame, en entrepôts, en ateliers pour des productions utiles. Les pauvres y ont-ils beaucoup gagné ? Il valait mieux assurément être un ouvrier ou un artisan sous les règnes de Louis XIV ou de Louis XV que sous la monarchie de juillet, monarchie bourgeoise vouée au règne de l’utile, s’il faut en croire les rapports d’un Villermé qui a fort bien décrit le malheur abominable du prolétariat un demi-siècle après une révolution qui devait assurer éternellement la liberté, l’égalité et la fraternité. 

Ce qui spécifie l’homme, c’est qu’à la différence des cochons, il ne se contente pas d’une auge pleine de pâtée. Il lui faut autre chose : de l’art, du rêve, de la beauté. Le progrès social lui-même dépend plus de l’exigence esthétique que de l’éthique : un monde par trop inégalitaire où les gens crèvent sur les trottoirs, c’est horrible. Ce n’est pas qu’on se mette aisément à la place de ceux qui vivent ça : comment le pourrait-on ? Non, c’est horrible à voir, et cela défigure l’idée que nous nous faisons d’un monde où devraient régner l’harmonie et la beauté. Supprimons cette exigence esthétique, et le retour à la barbarie sera assuré. On y est presque.


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