Tout cela n’est compréhensible qu’à travers le prisme des
frères musulmans. Après le « printemps arabe » en Égypte, en Libye,
en Syrie, au Bahreïn puis au Yémen, les régimes arabes ont compris le danger
que représentait pour eux ce mouvement de contestation. Ils se sont retournés
contre la chaîne télévisée Aljzeera et ont commencé à prendre distance
vis-à-vis du Qatar.
Ils ont réprimé partout l’organisation transnationale des « frères ».
Les Émirats Arabes Unis et l’Égypte ont décrété la Confrérie organisation
terroriste. L’organisation tunisienne, qui redoutait également d’être
interdite, a été contrainte de signer un pacte constitutionnel, renonçant à la
charia, à l’inégalité des femmes et acceptant la liberté de conscience34.
Après que le pouvoir égyptien ait emprisonné en juillet 2013
la direction mondiale des Frères, l’organisation est passée sous la tutelle de
la Turquie et du Qatar, ce qui a provoqué une hostilité croissante des États
arabes, en particulier avec l’embargo imposé au Qatar en 2017. Les « frères »
ont intensifié leur contrôle sur la Turquie, notamment dans les mois qui ont suivi
le coup d’État de 2016. Bloqués dans le monde arabe, les Frères musulmans se
redéploient vers l’Europe avec le soutien du gouvernement turc.
L’affaire Jamal Khashoggi est un épisode « chaud »
de ce feuilleton souvent ignoré par les occidentaux disposant d’une optique
faussée par leur propre propagande.